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Les liaisons dangereuses de copains de classe
International 4 min. 28.01.2023
Procès des attentats de Bruxelles

Les liaisons dangereuses de copains de classe

Depuis plusieurs semaines maintenant, les débats passent à la loupe les événements du 22 mars 2016.
Procès des attentats de Bruxelles

Les liaisons dangereuses de copains de classe

Depuis plusieurs semaines maintenant, les débats passent à la loupe les événements du 22 mars 2016.
Photo: AFP
International 4 min. 28.01.2023
Procès des attentats de Bruxelles

Les liaisons dangereuses de copains de classe

Max HELLEFF
Max HELLEFF
Au procès des attentats de Bruxelles, les enquêteurs évoquent les relations d’un petit réseau d’amis appelés à devenir des terroristes de Daech.

De notre correspondant MAX HELLEFF (Bruxelles).

Depuis le début, les frères Farisi constituent l'attraction du procès des attentats de Bruxelles. Ils se sentent peu impliqués dans les débats qui passent à la loupe les événements du 22 mars 2016 et le font savoir.


This court-sketch made on January 18, 2023, shows defendant Salah Abdeslam at a session of the trial of the attacks of March 22, 2016, at the Brussels-Capital Assizes Court, at the Justitia site in Haren, Brussels. - The trial of 10 people accused over the worst attacks in Belgium's post-war history, includes Salah Abdeslam, the so-called "10th man" of the November 2015 Paris attacks. On the morning of March 22, 2016, Islamic State suicide bombers struck Brussels airport and metro, killing 32 people and injuring hundreds in the symbolic heart of Europe. (Photo by JANNE VAN WOENSEL KOOY / BELGA / AFP) / Belgium OUT
Ces djihadistes belges bons pour les attentats-suicides
Nouvelle semaine en dents de scie au procès des attentats de Bruxelles, où un portrait peu glorieux de la main-d’œuvre belge de l’Etat islamique a été dressé.

Récemment, Smaïl Farisi a expliqué qu'il devait boire deux bières avant de se présenter le matin à l'audience. Mercredi, c'est son frère Ibrahim qui y est allé d'un coup de gueule avant d'être sorti manu militari de la salle. Leurs commentaires et leurs gesticulations font tache dans les travées du Justitia où il n'est pas toujours aisé de se concentrer sur l'essentiel.

Le rôle des «frères» reste flou

Les frères Farisi sont les seuls prévenus à comparaître libres dans ce procès. Ils apparaissent déconnectés - c'est un euphémisme - mais manifestement peu susceptibles de prendre la tangente. Leur rôle aux côtés des kamikazes reste flou, mais rien ne dit à cette heure qu'il fut pour autant anodin. Smaïl Farisi a sous-loué son appartement de l'avenue des Casernes dans la commune bruxelloise d'Etterbeek à Ibrahim El Bakraoui, l'un des kamikazes de Brussels Airport. Puis, Ibrahim Farisi a déménagé l'appartement de son frère, la question étant de savoir s'il savait ce qu'il s’y est réellement passé.

Jeudi matin, le procès s'est fait plus substantiel en abordant les relations entre l'accusé Ali El Haddad Asufi et Ibrahim El Bakraoui. Asufi et El Bakraoui se sont connus sur les bancs de l’école, a expliqué l'enquêtrice de la cellule antiterrorisme. Ils sont restés en contact après leur scolarité. C'est dans cette même école qu'Ali El Haddad Asufi a connu également Smaïl Farisi.

Des braqueurs qui se sont fanatisés

Lors de sa première audition après les attentats, Asufi avait expliqué avoir observé un changement dans le comportement d'El Bakraoui après sa sortie de prison à la charnière des années 2014 et 2015. Car, avant de se radicaliser et d'endosser l'uniforme du soldat d'Allah, Ibrahim El Bakraoui était... braqueur. L'une des incongruités des attentats bruxellois est d'avoir pour auteurs des criminels de droit commun, les frères El Bakraoui qui zonaient jusque-là dans le grand banditisme s'étant soudainement fanatisés au point d'accepter de mener une opération-suicide dont ils ne reviendraient pas.

Selon Asufi, le terroriste aurait subitement rallié les idées de Daech.  Mais pourquoi ? Oussama Atar, absent de ce procès car présumé mort, pourrait avoir influencé Ibrahim El Bakraoui dans ce sens. Atar passe pour le chef du commando de la mort. Les deux hommes étaient cousins.

Rien n'a marché comme prévu

Par la suite, Ali El Haddad Asufi était revenu sur ses déclarations. L'enquête a cependant démontré comment, avec son aide, Ibrahim El Bakraoui a tenté par deux fois de se rendre en Syrie. Ce qui lui vaut aujourd'hui de comparaître pour participation aux activités d'un groupe terroriste, d'assassinats dans un contexte terroriste et de tentatives d'assassinats dans un même contexte.


Mercredi matin, les neuf accusés attendus étaient tous présents, sept dans le box dont Abdeslam et deux comparaissant libres.
L’horreur au procès des attentats de Bruxelles
Les enquêteurs ont produit les clichés pris immédiatement après l’explosion des bombes qui ont fait seize morts le 22 mars 2016.

Mais rien n'a marché comme prévu. Lors de la première tentative de passage en Syrie, Asufi a conduit El Bakraoui à l'aéroport de Schipol Amsterdam, aux Pays-Bas. Il l'a ensuite mis en contact avec son frère, Khalid, le futur terroriste de Maelbeek, lors de son arrestation à la frontière turco-syrienne. Expulsé de Turquie, Ibrahim El Bakraoui a alors retenté sa chance, toujours avec l'aide d'Asufi. Mais en Grèce, il a été arrêté car il portait de faux papiers. Asufi a donc participé aux tentatives ratées d'El Bakraoui de rejoindre la Syrie et sans doute Daech. Mais a-t-il pour autant une responsabilité dans les attentats bruxellois ? Son avocat fait remarquer que les faits sont antécédents aux tueries. On sait toutefois que ce chauffeur-livreur travaillait à l'occasion sur le tarmac de l'aéroport. Le jour des attentats, son téléphone avait borné à Zaventem...

«Tout le monde est cramé»

Auparavant, l'audience de mercredi avait apporté une confirmation. Les enquêteurs ont produit l'extrait d'un fichier audio envoyé en Syrie par Ibrahim El Bakraoui et Najim Laachraoui, extrait où les deux kamikazes de Zaventem expliquent que «la situation est telle qu'on ne peut plus retarder quoi que ce soit». De fait : les photos des frères El Bakraoui font alors la une de la presse. «Tout le monde est cramé.»


A Belgian police officer stands in the courtroom at the Justitia building in Brussels on November 30, 2022, ahead of the trial against the nine alleged jihadists accused of taking part in the March 2016 suicide bombings. - Belgium's worst peacetime massacre left 32 dead and hundreds marked for life. Now, six and a half years later, Brussels will host its biggest ever criminal trial. (Photo by Stephanie LECOCQ / POOL / AFP)
Une fabrication de bombes «risquée certes, mais simple»
De nombreux détails sur la préparation des attentats du 22 mars 2016 sont livrés par les enquêteurs lors du procès de Bruxelles.

Cet extrait sonore date du 21 mars 2016. Il a été retrouvé sur l'ordinateur jeté dans une poubelle de la rue Max Roos à Schaerbeek, le dernier lieu où les terroristes ont logé avant les attentats. C’est là qu’ils ont décidé d’agir le lendemain. Leurs cibles seront le métro et l'aéroport où, selon un «frère», il y a des vols américain, russe et israélien dans la matinée…  Ce frère pourrait être Ali El Haddad Asufi.

Le lendemain, Mohamed Abrini («l'homme au chapeau»), Najim Laachraoui et Ibrahim El Bakraoui prendront la route de Zaventem avec leurs bombes artisanales. Khalid El Bakraoui les suivra de peu dans la mort à la station de métro Maelbeek. Les explosions, rappelons-le, ont fait 32 tués et 340 blessés.

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