Le social fait son retour en Belgique
Le social fait son retour en Belgique
De notre correspondant, Max Helleff (Bruxelles) - C’est une nouvelle dont se serait bien passé le gouvernement De Croo. Il y a quelques jours, les affiliés des syndicats socialiste et chrétien ont reçu par courrier une invitation à se croiser les bras le 29 mars prochain. «Les négociations sur les augmentations de salaire pour les deux prochaines années sont au point mort. Le monde patronal s'accroche à la marge maximale de 0.4%, en s'appuyant sur la loi de 1996, revue en 2017 par le gouvernement Michel. (…) Cette marge, et la loi sur la norme salariale, doivent être revues.»
Au cours de l’année écoulée, les syndicats se sont rarement fait entendre. Les gouvernements fédéral et régionaux ont pris soin de dégager des fonds importants à intervalles réguliers pour soutenir les travailleurs, évitant ainsi une poussée de fièvre sociale dans les secteurs les plus touchés par la crise sanitaire. Mais loin de s’en tenir à ce constat, les syndicats montent au créneau, exigeant que les secteurs en bonne santé puissent accorder à leur personnel des augmentations salariales plus importantes.
Depuis janvier, les partenaires sociaux négocient sur les conditions salariales et de travail dans le secteur privé. Le patronat fait valoir les difficultés du moment. La confiance des ménages est plombée, les Belges consomment peu et épargnent énormément. L’économie tourne au ralenti. Les syndicats ne l’entendent cependant pas de cette oreille : certains secteurs (pharma, grande distribution) continuent à gagner beaucoup d’argent.
Après plusieurs semaines de négociations, un échec a sanctionné les tentatives de dégager un accord. Les syndicats ont dès lors décidé d’augmenter la pression en appelant à une grève nationale.
Mercredi, le syndicat socialiste a déclenché les premières hostilités en déposant un préavis de grève de 24 heures pour le rail, du 28 mars à 22h au lendemain, même heure. Avec son alter ego chrétien, la CSC, il veut donc une «augmentation sensible» du salaire minimum et des bas salaires, mais aussi un retour à l’amélioration des fins de carrière, une mesure biffée autrefois par l’ex-gouvernement Michel au nom de l’orthodoxie budgétaire.
La tension monte. Mercredi toujours, c’est la CSC qui a déposé un préavis d’actions à l’aéroport de Liège en raison de mauvaises conditions de travail dénoncées par certains membres du personnel.
Rien n’est encore fait, mais il est clair que ce mouvement social tombe à un mauvais moment pour le gouvernement fédéral qui lutte pied à pied contre le coronavirus. Ce vendredi, le Premier ministre Alexander De Croo pourrait décider du report des premières mesures de déconfinement. Annoncées pour avril, elles devaient apporter un bol d’air à la population.
Le Premier ministre n’a d’autre choix que de gagner du temps. Face à lui, les syndicats tentent de maintenir intacte la solidarité des travailleurs. En octobre dernier, les syndicats s’étaient montrés tantôt enthousiastes tantôt prudents à la lecture de l’accord de majorité du gouvernement De Croo. Ils saluaient de nouveaux investissements dans les soins de santé et la promesse d’une pension complète à 1.500 euros minimum.
Mais depuis, la lassitude s’est installée. Et certains secteurs, tels l’horeca, l’événementiel et la culture, savent qu’ils vont payer un lourd tribut à la crise sanitaire. Mardi, la ministre du Budget Eva De Bleeker a fait savoir aux Belges qu’ils allaient devoir se serrer la ceinture pendant 10 ans pour effacer l’ardoise de la pandémie. La grève du 29 mars pourrait rassembler bien au-delà des salariés directement concernés.
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