Le regard sombre d'Asselborn sur le monde
Le regard sombre d'Asselborn sur le monde
(pj avec Danielle SCHUMACHER) Dix-sept ans maintenant que le socialiste Jean Asselborn (LSAP) est à la tête du ministère des Affaires étrangères et européennes. Mais à l'heure de son rendez-vous annuel à la Chambre pour évoquer la politique étrangère du Luxembourg, le ton était grave et l'humeur globale guère optimiste. De ce long discours, à dire vrai, seuls deux points positifs semblaient ressortir : la mise en place d'un fonds de relance à l'échelle de l'Union européenne et la stratégie vaccinale commune.
Face aux députés, le ministre n'a pu éviter d'évoquer la crise covid, tant celle-ci a influé sur la bonne marche du continent et plus généralement de la planète. Une pandémie qui a fait se présenter «de nouveaux défis». Par exemple, il a fallu restreindre la libre circulation des citoyens européens, contrairement à l'esprit des accords de Schengen. Cela doit rester l'exception, a bien insisté Jean Asselborn. Tout comme la proclamation de l'état d'urgence.
Dans la lutte contre la circulation du virus, le ministre a évoqué le rôle pris par le Grand-Duché à l'échelle de la planète. Que ce soit par l'envoi de matériels de stockage de vaccins que de doses anti-covid. Ainsi, la dotation luxembourgeoise a-t-elle augmenté. Il n'est plus question de 350.000 mais de 400.000 doses qui seront offertes à des pays en difficulté. Une goutte de solidarité permettant de réduire les inégalités dans la distribution des sérums.
Des échanges verts et respectueux
Dans son propos, Jean Asselborn a également abordé les ajustements nécessaires aux relations commerciales. Et le Luxembourgeois d'encourager l'Europe à devenir plus autonome en matière de produits essentiels. «Nous devons garder notre dépendance à l'égard des produits d' importance stratégique à l' étranger aussi bas que possible sans tomber dans le protectionnisme.»
Alors que la COP26 s'achève dans quelques jours, le ministre des Affaires étrangères estime que les relations commerciales et les contrats passés doivent être rendus «plus durables». C'est-à-dire plus respectueux du climat et de l'environnement. Mais l'accent doit aussi être mis sur des échanges respectueux des droits de l'homme.
Même une sorte de Muraille de Chine, en Europe, n'arrêterait pas les personnes qui fuient la misère
Humaniste et écologiste dans le ton, Jean Asselborn entend que cet élan soit partagé à l'échelle communautaire. «L'Europe doit jouer un rôle de premier plan dans la protection du climat et de l'environnement», a tonné le ministre en accordant un satisfecit au Green Deal adopté voici quelques mois. Mais gare, prévient le septuagénaire, cette transition verte ne doit pas se faire aux dépens des citoyens. «Nous avons donc besoin de compensations sociales... personne ne doit être laissé-pour-compte.»
Au Conseil des droits de l'homme de l'ONU (dont le Luxembourg est devenu membre mi-octobre), le pays travaillera pour une meilleure protection du climat, mais pas seulement. Les autres objectifs sont de peser sur la défense de l'état de droit et les droits des femmes et des enfants dans le monde.
Jean Asselborn n'a pas manqué d'aborder aussi le thème de l'immigration. «La pandémie a entraîné une nouvelle peur de l'étranger, qui a rendu le débat sur les migrations encore plus dur», estime le socialiste. Pourtant, le chef de la diplomatie est certain que la prise en charge des mouvements de population doit redevenir au coeur de la politique internationale. «Même une sorte de Muraille de Chine, en Europe, n'arrêterait pas les personnes qui fuient la misère et la guerre dans leur patrie», a insisté le Luxembourgeois.
Et la débâcle en Afghanistan a aggravé la situation, selon lui. Dans ce contexte, le ministre des Affaires étrangères a de nouveau souligné l' engagement du Grand-Duché , que ce soit dans l' opération de sauvetage de l'été ou après avec l'accueil de quelques réfugiés afghans. Entre la mi-août et la fin octobre, 54 Afghans ont obtenu le statut de réfugiés par le Grand-Duché.
Biden, Poutine, Erdogan, Loukachenko
Face à un ordre mondial bousculé ces derniers mois, Jean Asselborn encourage à «plus d'Europe». Une condition pour ne pas se retrouver pris en tenaille entre des puissances comme la Chine, la Russie et les États-Unis. L'UE doit être autonome sur les questions de sécurité et de défense, rappelle le ministre. Même si d'un côté l'entrée en fonction de Joe Biden, à la Maison Blanche, est un soulagement, le Grand-Duché ne peut que constater que la confiance est encore loin d'être retrouvée à l'égard de Poutine.
Tout comme Asselborn ne peut que constater que les relations avec Pékin restent très difficiles. Une Chine qu'il voit tantôt comme un partenaire de l'UE, tantôt comme un concurrent. Mais surtout un Etat où les violations des droits de l'homme restent inacceptables et ne sauraient être ignorées.
Un constat partagé aussi vis-à-vis de la Turquie d'Erdogan ou la Biélorussie. Et de ne pas prendre de gants pour qualifier le jeu du président Loukachenko qui se comporterait comme un «voleur» en instrumentalisant les réfugiés qui ont dû quitter leur patrie pour faire chanter l'UE.
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