Le Luxembourg, paradis fiscal ?
Le Luxembourg, paradis fiscal ?
C'était le 21 octobre 2008 : invité en duplex du 20 heures de France 2, Jean-Claude Juncker s'était offusqué de la diffusion d'un reportage qui commençait sur ce ton : «Vous avez quelques millions à mettre à l'abri ? Au Luxembourg, on peut vous aider.» et concluait : «Contrôles insuffisants, secret bancaire absolu, structures opaques: les critères d'un paradis fiscal, une appellation que le Luxembourg évite depuis plusieurs années.»
Trois ans et demi plus tard, France 2 a donc remis le couvert, en faisant réagir Luc Frieden à la suite d'une nouvelle enquête de la chaîne.
Le reportage, «Paradis fiscaux : les petits secrets des grandes entreprises», se base sur «47.000 pages de documents de travail de la société d’audit PriceWaterHouseCoopers qui dévoilent, schémas à l’appui, les montages fiscaux mis en place par les grandes entreprises pour échapper à l’impôt» : un «tour de passe-passe sur des milliards d'euros (...) et tout est légal».
PwC Luxembourg souligne que ses conseils en matière «d’optimisation fiscale» sont en effet «conformes aux lois et aux règlements luxembourgeois, aux règles et traités internationaux»... pourvu que les sociétés que le cabinet conseille prouvent un minimum d'activité sur le sol luxembourgeois.
Or le Français Wendel, le numéro 1 mondial de l'édition Pearson et le géant pharmaceutique GSK présentent des filiales luxembourgeoises avec, à chaque fois, un personnel qui se compte sur les doigts d'une main, ainsi que le montre le documentaire.
Frieden botte en touche
Répondant aux questions de la journaliste Elise Lucet, Luc Frieden a d'abord rappelé que son pays appliquait le droit européen et l'ensemble des conventions de l'OCDE. Il considère le terme de paradis fiscal comme «une insulte à mon pays».
Interrogé alors sur la pertinence de décerner un tel titre au Liechtenstein ou aux Iles Caïman, le ministre dit ne pas «connaître suffisamment le système fiscal de ces pays pour pouvoir juger».
C'est légal... mais cela pose problème
Elise Lucet reprendra plusieurs cas cités dans le reportage de «filiales boîte aux lettres» installées au Luxembourg dans le but d'échapper à l'impôt. Si ces montages ne sont effectivement pas «contraires au droit européen», comme le rappelle M. Frieden, ce dernier concède ne pas être un adepte de ces sociétés boîte aux lettres.
Ainsi, réagissant à l'exemple de GSK qui, grâce à son implantation au Luxembourg, a évité de payer aux autorités britanniques 40 millions d'euros chaque année, le ministre s'accorde à dire que cela pose question : «Je comprends parfaitement cela. Mais il faut savoir quelle est la solution au problème», conclut-il, assurant ne pas vouloir «vivre aux dépends des autres pays auxquels nous devons tant et avec lesquels nous coopérons de façon excellente». Un renforcement de la coopération avec les administrations fiscales des pays concernés, voilà l'une des voies que Luc Frieden pourrait «imaginer prendre».
Dominique Nauroy