Le libéral flamand De Croo pilotera la Vivaldi
Le libéral flamand De Croo pilotera la Vivaldi
De notre correspondant Max Helleff (Bruxelles) - Il a fallu du temps. Beaucoup de temps. Mais ils y sont arrivés. Ce mercredi à l'aube, on a appris que les sept partis impliqués dans les négociations de la Vivaldi ont trouvé un projet d'accord. Les techniciens - les «sherpas» - seraient occupés à mettre les dernières virgules au texte fondateur du nouveau gouvernement fédéral. Selon Le Soir, il y aurait 3,3 milliards d'euros pour des politiques nouvelles, un milliard d'investissements et une croissance des dépenses de soins de santé de 2,5% par an. Cette dernière précision n'est pas anodine: elle répond à une crise sanitaire marquée par l'impréparation du royaume face au virus, conséquence d'une longue mise à la diète des politiques de santé.
Lundi, le roi Philippe avait donné un peu de temps supplémentaire aux formateurs – le socialiste francophone Paul Magnette et le libéral flamand Alexander De Croo – pour finaliser leur épure. Depuis, les négociations avaient repris essentiellement sur le budget, celui-ci tenant de la quadrature du cercle. Il fallait en effet donner une marge financière suffisante à des politiques et à des priorités fatalement différentes, puisque pas moins de sept partis s'apprêtent à monter au pouvoir. Ce point a priori réglé, il reste à distribuer les postes au sein du prochain gouvernement, dont la fonction de Premier ministre – ce choix dira si c'est un Flamand ou un francophone qui incarnera le nouvel exécutif à l'intérieur comme à l'extérieur du pays. Tout, sauf un détail.
Echéance respectée
L'échéance du 1er octobre des négociateurs a donc été respectée. Mais il aura fallu un peu plus de seize mois pour que la Belgique ait un gouvernement fédéral. Et presque deux ans pour qu'elle retrouve à sa tête un exécutif de plein droit. L'ancien gouvernement Michel, qui était en affaires courantes depuis décembre 2018 et la sortie fracassante de la N-VA de Bart De Wever, ne pouvait compter que sur une maigre minorité à la Chambre (38 sièges sur 150).
Le nouveau gouvernement, rappelons-le, sera composé des socialistes, des libéraux et des écologistes, chaque fois issus du sud et du nord du pays. Soit six partis auxquels s'arrime le CD&V chrétien-démocrate flamand.
Cette coalition a été baptisée Vivaldi car elle rassemble quatre couleurs politiques, une palette qu'un esprit imaginatif a associé aux «Quatre Saisons» du célèbre compositeur. La nouvelle majorité est forte de 87 sièges sur 150 à la Chambre.
Cette Vivaldi enfin composée hérite d'un pays au bord du gouffre économique. Tous les avertisseurs sont au rouge, même si la déglingue du PIB est moins forte qu'initialement annoncée. 2021 devrait être marquée par des faillites en cascade et une forte hausse du chômage.
Une opposition tenace
Ici comme ailleurs, le rebond de la pandémie liée au coronavirus impose aux gouvernants de naviguer à vue tout en réinventant le cas échéant la société. Concrètement, la démission de l'ancien gouvernement Wilmès interviendrait ce jeudi. Les nouveaux ministres pourraient alors prêter serment.
La nouvelle majorité devra composer avec une opposition des plus tenaces. Dimanche, le Vlaams Belang (extrême droite) a réuni quelque dix mille personnes à la «frontière» entre Bruxelles et la Flandre pour dénoncer l'avènement d'un gouvernement jugé selon lui antidémocratique, car ne représentant qu'une minorité de Flamands - les quatre partis flamands de la Vivaldi ne regroupent que 48% des électeurs du nord du pays. « Le 26 mai 2019, le Flamand a donné un signal clair, la politique doit être plus flamande et plus à droite. Maintenant, nous allons avoir le contraire et c'est inacceptable», a lancé Tom Van Grieken, le président du Vlaams Belang.
Le leader de la N-VA nationaliste flamande Bart De Wever ne dit pas autre chose. Il voit dans le nouveau programme gouvernemental «une fête pour la cigale et une catastrophe pour la fourmi», la fourmi étant l'épargnant flamand que s'apprêterait selon lui à ruiner la cigale écologiste.
L'addition de la N-VA et du Vlaams Belang promet une opposition basée sur un axe «identitaire», bien davantage que socio-économique, motivée par le combat nationaliste flamand versus l'Etat fédéral belge, expliquent les éditorialistes.
Enfin, le nouvel exécutif est loin d'être apaisé. Le CD&V chrétien-démocrate flamand sera mis en permanence sur le gril par l'opposition nationaliste, au motif qu'il a lâché la Flandre. Ce défi permanent le poussera à donner des gages au nord du pays, potentiellement au détriment de l'intérêt collectif.
Le libéral francophone Georges-Louis Bouchez, qui a accepté de rentrer dans le rang après une fronde solitaire, passe quant à lui pour un élément aussi fragile que versatile de la Vivaldi. Il y a enfin tous ces dossiers sensibles qui seront autant de pommes de discorde: les pensions, le nucléaire, le budget, l'institutionnel … Tout cela dans un Etat qui a quadruplé son déficit public depuis mars dernier, plombé par une dette publique qui flirte avec les 120% du PIB.
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