Le grand malaise de la police belge
Le grand malaise de la police belge
De notre correspondant, Max Helleff (Bruxelles) - La voiture officielle du roi Philippe a été «caillassée» mercredi soir, à l’approche d’une manifestation particulièrement violente qui se tenait place Liedts, à Bruxelles. A la suite d’une erreur manifeste de l’escorte royale, le véhicule s’est retrouvé coincé derrière le rang de policiers qui faisait face aux protestataires. Le roi était à bord et se rendait au château de Laeken où il réside.
La bévue des policiers qui assurent la protection du souverain a donné une publicité internationale à cette manifestation qui entendait à l’origine rendre hommage à un jeune mort d’un arrêt cardiaque à la suite de son interpellation par la police. Ibrahima avait 23 ans. Le défibrillateur du commissariat de Bruxelles-Nord n’aurait pas fonctionné. Une enquête a été ouverte pour homicide involontaire.
Mea culpa
Ce décès s’ajoute à la liste déjà longue de jeunes des quartiers «chauds» qui, au cours des dernières années, ont perdu la vie après avoir eu maille à partir avec la police. A chaque fois, il est question de contrôles plus ou moins musclés, de violences et de dérapages. Des enquêtes sont ouvertes, les policiers étant en fin de compte rarement poursuivis.
Mais le vent semble tourner. Jeudi, sur la chaîne publique RTBF, le commissaire général Marc De Mesmaeker, numéro 1 de la police belge, y allé d’un mea culpa «Je crois qu’il ne faut pas généraliser et que sur le territoire belge il y a encore beaucoup d’endroits où la confiance entre la police et la population règne. Mais il y a effectivement des endroits, notamment les grandes villes, où la tension monte et où il y a un problème de confiance».
Cette déclaration a fait hurler les syndicats qui se disent «outrés» par le peu de soutien du chef de la police fédérale. La veille pourtant, la ministre de l’Intérieur Annelies Verlinden avait fermement condamné la manifestation, la jugeant «totalement inacceptable». Une quinzaine de policiers ont été blessés. Une policière a fait l’objet d’un passage à tabac.
Il reste que cette affaire est un jalon de plus dans la crise de confiance qui brouille les relations entre les Belges et leur police. Le malaise doit en partie au contexte international qui, aux yeux d’une certaine opinion, finit par fondre en un même amalgame l’agent de rue, le policier qui traque les gilets jaunes sur les artères parisiennes et le flic américain qui étouffe George Floyd sous son genou.
L'été dernier, des images montrant une intervention particulièrement musclée à l’aéroport de Charleroi ont fait le tour des réseaux sociaux. L’enquête qui a suivi la mort du Slovaque Jozef Chovanec, l’homme qui avait alors été violemment maîtrisé, n’a pour l’instant pas déterminé les responsabilités.
Une «police politique»
La multiplication des affaires démontre tour à tour qu’il existe une confrontation permanente entre la jeunesse «ethnicisée» des quartiers chauds et la police, et que la réponse des forces de l’ordre n’est pas toujours adéquate.
Mais pas seulement : ces derniers mois, l’image de la police qui était pourtant très bonne depuis les attentats de Paris et de Bruxelles a beaucoup souffert du rôle de contrôle sanitaire qui lui a été confié dans le contexte pandémique. En décembre, une visite domiciliaire destinée à constater le non-respect des mesures covid a tourné au pugilat dans une maison bourgeoise, à Waterloo. Les policiers n’avaient pas accepté d’être filmés par la maîtresse de maison.
Les syndicats policiers mettent en cause le politique qui, à les entendre, aurait transformé à la faveur du covid leur corporation en «police politique».
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