Changer d'édition

Le chantage d'Ankara met les 27 au pied du mur
International 4 min. 04.03.2020 Cet article est archivé

Le chantage d'Ankara met les 27 au pied du mur

Au total, 26.576 réfugiés ont été réinstallés en Europe tandis que les renvois n'ont été que de 2.084, selon la Commission.

Le chantage d'Ankara met les 27 au pied du mur

Au total, 26.576 réfugiés ont été réinstallés en Europe tandis que les renvois n'ont été que de 2.084, selon la Commission.
Photo: AFP
International 4 min. 04.03.2020 Cet article est archivé

Le chantage d'Ankara met les 27 au pied du mur

Visite des dirigeants de l'UE en Grèce et en Turquie, réunion en urgence des ministres mercredi à Bruxelles: les 27 se mobilisent face au chantage d'Ankara qui a décidé de laisser passer les migrants, réveillant le spectre de la crise de 2015.

(AFP) – Cinq ans après l'afflux record de réfugiés de 2015, le ministre des Affaires étrangères, Jean Asselborn, est d'avis qu'«ouvrir les frontières n'est pas une solution: la Grèce serait accablée». L'agence européenne de contrôle des frontières Frontex a déployé des renforts et relevé son niveau d'alerte à la frontière gréco-turque, où des milliers de migrants tentent de passer. L'Union européenne a renforcé le contrôle de ses frontières mais reste en quête d'une politique d'asile efficace. Etat des lieux. 

Que prévoit l'accord controversé UE-Turquie de 2016 ? 

Le pacte signé entre l'UE et la Turquie est un accord juridiquement non contraignant, qui a réduit considérablement les arrivées de migrants en Grèce. En contrepartie notamment d'un soutien financier de l'UE, il prévoit le renvoi vers la Turquie des migrants arrivant sur les îles grecques, ainsi qu'un engagement d'Ankara à renforcer ses frontières avec l'UE.

Ce que le président Recep Tayyip Erdogan a renié en décidant de laisser passer migrants et réfugiés se trouvant sur son territoire, provoquant un afflux de milliers de personnes à la frontière gréco-turque. L'UE répète qu'elle reste engagée dans l'accord et attend la même chose de la Turquie. 

Sur les six milliards d'euros prévus par l'UE, destinés aux ONG en charge de programmes de soutien aux réfugiés en Turquie, 4,7 milliards ont été engagés dont 3,2 milliards déjà versés, selon la Commission. L'accord prévoit aussi que pour tout migrant renvoyé vers la Turquie, un réfugié syrien sera accueilli dans l'UE.  

Quels sont les griefs de la Turquie ? 

Depuis la signature du pacte, la Turquie n'a cessé de menacer de ne plus le respecter, réclamant davantage d'aide. Le pays accueille 5 millions de réfugiés, dont 3,7 millions de Syriens. Le président turc a cette fois mis sa menace à exécution, affirmant que des «millions» de migrants allaient bientôt arriver en Europe, dans une tentative d'obtenir le soutien des Occidentaux en Syrie face au régime de Damas et à son allié russe. 


TOPSHOT - This picture taken from the Greek side of the Greece-Turkey border near Kastanies, shows migrants waiting on the Turkish side on March 2, 2020. - Greece was on a state of alert on March 1, 2020 as it faced an influx of thousands of migrants seeking to cross the border from Turkey, with locals fearing a new immigration crisis. More than 13,000 migrants have gathered on the Turkish side of the river which runs 200 kilometres (125 miles) along the frontier and separates them from Greece and therefore the European Union. The flow of migrants from Turkey has triggered EU fears of a re-run of the 2015 migrant emergency when Greece became the main EU entry point for a million migrants, most of them refugees fleeing the Syrian civil war. (Photo by Sakis MITROLIDIS / AFP)
«Erdogan fait clairement du chantage»
La Turquie a agité lundi la menace de l'arrivée de «millions» de migrants en Europe après l'ouverture de ses frontières. Jean Asselborn dénonce un inacceptable «chantage» et une «instrumentalisation» des migrants de la part du président turc.

Plusieurs dirigeants européens ont jugé ce chantage «inacceptable». L'accord avec la Turquie, "c'est un peu le baiser du diable (...) on se retrouve coincés", estime Yves Pascouau, directeur des programmes Europe à l'association Res Publica. 

Qu'a fait l'UE depuis la crise ? 

En 2015, les Européens avaient été pris de court par l'afflux sans précédent d'un million de migrants, pour la plupart des demandeurs d'asile syriens fuyant le conflit. Depuis, l'Union a acté un renforcement de Frontex, l'agence chargée de la surveillance de ses frontières extérieures: elle disposera notamment d'ici 2027 d'un corps permanent de 10.000 garde-frontières et garde-côtes pour aider des pays débordés. 

En attendant, les pays de l'UE ont accepté mardi de contribuer en hommes et en matériel à une intervention rapide de Frontex, en réponse à la demande de la Grèce. 

Une réforme impossible de l'asile ?

Si les Etats membres sont unis sur la nécessité de contrôler les frontières de l'UE, en revanche ils restent profondément divisés sur la répartition des demandeurs d'asile. Une question épineuse qui est au cœur du nouveau Pacte sur la migration et l'asile que doit présenter la Commission «au printemps».

Pour Marie De Somer, experte des questions migratoires au European Policy Centre, cet afflux risque de compliquer encore un accord. «Les Etats membres n'ont pas été capables de se mettre d'accord sur un partage des responsabilités alors même que les arrivées ont été beaucoup plus limitées ces dernières années», note-t-elle. «Maintenant que la pression politique monte, les discussions (...) vont encore se tendre davantage», estime-t-elle. 

Les mesures grecques sont-elles légales ? 

 L'Agence des Nations unies pour les réfugiés (HCR) a jugé que la suspension des demandes d'asile décidé par la Grèce pendant un mois était contraire au droit international et européen. 

La présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen, qui s'est rendue à la frontière gréco-turque mardi a exprimé son soutien au Premier ministre grec Kyriakos Mitsotakis, remerciant Athènes d'être «un bouclier» pour l'UE et lui promettant «700 millions d'euros» d'aide. 


Sur le même sujet

Les dirigeants de l'UE ont exhorté, lundi, la Turquie à respecter les termes d'un accord visant à éloigner les migrants des frontières européennes. La discussion «franche» avec le président turc Erdogan, venu à Bruxelles réclamer du soutien, après avoir ouvert ses frontières au passage des réfugiés.
Turkish President Recep Tayyip Erdogan arrives before a meeting with European Commission President and EU Council President at the EU headquarters in Brussels on March 9, 2020. (Photo by JOHN THYS / AFP)
«Au XXIe siècle, on ne devrait pas jouer avec la vie des gens qui sont dans la misère», estime Jean Asselborn. Le ministre des Affaires étrangères a annoncé au conseil extraordinaire consacré à la crise migratoire à la frontière gréco-turque que son pays accueillera 12 enfants non accompagnés.
Migrants walk as police push back them back from Moria camp who gathered near the port of Mytilene on the island of Lesbos, hoping to get a ferry to Athens on March 4, 2020. - Turkey's president warned on Wednesday that a fresh migrant crisis could be resolved only if Europe supports its efforts in Syria, as violent clashes broke out between refugees and police on the Greek border. (Photo by LOUISA GOULIAMAKI / AFP)
La Turquie a agité lundi la menace de l'arrivée de «millions» de migrants en Europe après l'ouverture de ses frontières. Jean Asselborn dénonce un inacceptable «chantage» et une «instrumentalisation» des migrants de la part du président turc.
TOPSHOT - This picture taken from the Greek side of the Greece-Turkey border near Kastanies, shows migrants waiting on the Turkish side on March 2, 2020. - Greece was on a state of alert on March 1, 2020 as it faced an influx of thousands of migrants seeking to cross the border from Turkey, with locals fearing a new immigration crisis. More than 13,000 migrants have gathered on the Turkish side of the river which runs 200 kilometres (125 miles) along the frontier and separates them from Greece and therefore the European Union. The flow of migrants from Turkey has triggered EU fears of a re-run of the 2015 migrant emergency when Greece became the main EU entry point for a million migrants, most of them refugees fleeing the Syrian civil war. (Photo by Sakis MITROLIDIS / AFP)
Tandis que plusieurs milliers de migrants se sont rués ce week-end depuis la Turquie vers les frontières grecques et bulgares, Frontex a relevé son niveau d'alerte à la frontière gréco-turque. «Nous devons agir ensemble pour éviter une crise humanitaire et migratoire», lance Emmanuel Macron.
TOPSHOT - Migrants gather inside the buffer zone of the Turkey-Greece border, at Pazarkule, in Edirne district, on February 29, 2020. - Thousands of migrants stuck on the Turkey-Greece border clashed with Greek police on February 29, 2020, according to an AFP photographer at the scene. Greek police fired tear gas at migrants who have amassed at a border crossing in the western Turkish province of Edirne, some of whom responded by hurling stones at the officers. The clashes come as Greece bolsters its border after Ankara said it would no longer prevent refugees from crossing into Europe following the death of 33 Turkish troops in northern Syria. (Photo by BULENT KILIC / AFP)
Au moins 33 soldats turcs ont été tués jeudi dans la province d'Idleb dans des raids attribués au régime syrien. Ankara a riposté en bombardant des positions de Damas mais a aussi fait savoir qu'elle n'est «plus en mesure de retenir» les migrants qui veulent se rendre en Europe.
TOPSHOT - A Turkey-backed Syrian fighter fires a truck-mounted gun toward the town of Saraqeb from the outskits of the villages of Afis and Salihiyah situated near the regime-controlled town, in the eastern part of the Idlib province in northwestern Syria, on February 26, 2020. (Photo by Omar HAJ KADOUR / AFP)
La chancelière allemande Angela Merkel, accompagnée du président du Conseil européen est arrivée samedi après-midi à Gaziantep, en Turquie, pour apaiser les tensions au sujet d'un accord crucial entre Ankara et l'Europe sur les migrants.
Ouvert en 2013, le camp de Nizip 2 accueille dans des préfabriqués près de 5.000 réfugiés syriens, dont 1.900 enfants, selon les chiffres du gouvernement turc.