Le casse-tête des eaux radioactives de Fukushima
Le casse-tête des eaux radioactives de Fukushima
(AFP) - Huit ans après la catastrophe de Fukushima, au Japon, les environs de la centrale accueille un champ de gigantesques citernes, des hangars plein de cuves et tuyauteries où bruissent des machines assourdissantes, des hommes en combinaisons de protection, casqués, masqués. Cette image illustre le calvaire de la gestion de l'eau contaminée dont on ne sait que faire.
Plus d'un million de tonnes d'eau est stockée dans l'enceinte de ce site ravagé par le tsunami de mars 2011. Pomper, pomper, filtrer, filtrer et filtrer encore pour enlever autant que possible les éléments radioactifs de cette eau qui descend en permanence des montagnes ou provient du système de refroidissement, c'est le quotidien des travailleurs de «ichi-efu», surnom de la centrale.
Un mur d'enceinte souterrain en glace et d'autres techniques un peu folles ont permis de réduire de plus de moitié, à 150 tonnes, les quantités d'eau nouvellement contaminées chaque jour.
Dans le hangar-usine où tourne le système de décontamination ALPS, c'est «zone Y», synonyme de danger. «Les filtres de la machinerie contiennent les radionucléides, donc il faut être très protégé ici, tout comme dans les bâtiments des réacteurs», explique Katsutoshi Oyama, chargé de la gestion du risque chez Tepco.
Danger pour la chaîne alimentaire
L'eau, c'est un cauchemar: il y a déjà sur place un millier de fûts d'une capacité unitaire allant jusqu'à 1.200 tonnes: ils ont pris la place des cerisiers qui égayaient le paysage. «Nous allons en construire d'autres également sur le site jusqu'à fin 2020 et nous pensons que toutes les citernes seront pleines vers l'été 2022», indique Junichi Matsumoto, un responsable de l'entité de Tepco chargée du démantèlement.
Que faire ensuite de cette eau ? L'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) pousse pour une dilution en mer. Pour le moment, ce n'est pas faisable car, comme l'a reconnu Tepco, une grande partie est encore lourdement chargée en éléments radioactifs dangereux pour la chaîne alimentaire, dont du strontium 90.
L'avis des voisins
«Les premières générations du système ALPS n'étaient pas assez performantes», précise un porte-parole de Tepco. Et même si au bout de plusieurs passages prévus dans les filtres une soixantaine de radionucléides finissent par être supprimés, il en restera toujours un, le tritium.
De l'eau radioactive avait été lâchée en mer juste après l'accident sans demander l'avis des pays voisins. «C'est exact: en avril 2011, dans l'urgence, nous avions évacué des eaux accumulées dans les installations sans en référer à la Corée du Sud ni aux autres. Cette fois, l'État japonais a l'intention de demander leur avis aux régions et pays concernés», indique M. Matsumoto.
La décision n'est cependant pas pour demain, notamment en raison du risque politique très important à moins d'un an des Jeux olympiques de Tokyo, obtenus entre autres grâce à l'affirmation du Premier ministre Shinzo Abe faite au Comité international olympique et restée dans les annales à propos de la pollution radioactive marine: «la situation est sous contrôle».
