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La vente «ignoble» de crânes humains à Bruxelles
International 3 min. 02.12.2022
Polémique

La vente «ignoble» de crânes humains à Bruxelles

Les crânes ont été retirés de la vente et le vendeur, un privé, a présenté ses excuses.
Polémique

La vente «ignoble» de crânes humains à Bruxelles

Les crânes ont été retirés de la vente et le vendeur, un privé, a présenté ses excuses.
Photo d'illustration: Shutterstock
International 3 min. 02.12.2022
Polémique

La vente «ignoble» de crânes humains à Bruxelles

Max HELLEFF
Max HELLEFF
Les ossements, qui renvoient aux pires heures du passé colonial belge, ont finalement été retirés et des excuses présentées.

Par notre correspondant Max HELLEFF (Bruxelles).

Une vente aux enchères pas comme les autres a provoqué la polémique en Belgique. L'Hôtel de ventes Vanderkindere, à Bruxelles, a mis à l'encan trois crânes de personnes tuées durant la période de l'Etat Indépendant du Congo, la colonie que s'était adjugée Léopold II au terme des accords de Berlin survenus en 1885. Il en fit don à la Belgique en 1908.


Le roi des Belges et son épouse, la reine Mathilde, sont arrivés mardi après-midi à Kinshasa pour une visite de six jours en RDC à l'invitation du président Félix Tshisekedi, la première depuis celle qu'avait effectuée son père Albert II en 2010.
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Selon les estimations, un tel crâne vaudrait entre 750 et 1000 euros. Le «lot» avait été ainsi présenté par la salle de vente: «Un crâne de Bangala anthropophage aux incisives taillées en pointes, un crâne du chef arabe Munie Mohara tué par le sergent Cassart à Augoï le 9 janvier 1893 et décoré d'un bijou frontal, et un fragment de crâne collecté au 'Figuier de la mort' dans le village de Bombia dans la province de la Mongala par le docteur Louis Laurent le 5 mai 1894». 

Les associations sont montées au créneau. «Cette vente ignoble démontre à quel point le passé colonial n'a de 'passé' que le nom : la violence caractérisée du système colonial se reproduit encore et encore», a dénoncé le collectif Mémoire coloniale.

Le vendeur a présenté ses excuses

Face au tollé, les trois crânes ont été retirés de la vente. Le vendeur, un privé, a présenté ses excuses, affirmant ne pas cautionner ainsi «les souffrances et les humiliations subies par les peuples victimes de ces actes coloniaux». Quant à l'hôtel de ventes Vanderkindere, il «tient sincèrement à s'excuser d'avoir proposé aux enchères un lot comprenant trois crânes humains liés au passé colonial belge, et c’est pourquoi ceux-ci sont impérativement retirés de la vente».

La période à laquelle renvoient ces crânes passe pour la plus sombre de l'histoire coloniale belge. C'est en effet sous le règne de Léopold II que les représentants du souverain dans la colonie se sont livrés aux pires exactions. La violence, la torture et les exécutions ont été utilisées à grande échelle pour contraindre les populations à travailler à la vaste entreprise de pillage des richesses du Congo, en commençant par l'exploitation effrénée du caoutchouc. Cet épisode peu glorieux de l'histoire de Belgique a inspiré notamment «Au cœur des ténèbres», le roman cauchemardesque de Joseph Conrad.

Une série de recommandations

Cette affaire survient en un moment particulier. Depuis deux ans, une commission parlementaire ausculte le passé colonial. Elle vient précisément de faire une série de recommandations. L'une d'elles consisterait pour la Belgique à présenter formellement ses excuses au Congo, au Burundi et au Rwanda pour le mal fait. Encore faut-il que cette recommandation trouve un consensus politique parmi les partis membres de la coalition fédérale du premier ministre Alexander De Croo.  

Une autre recommandation s'intéresse aux restes humains issus de la période coloniale. Elle vise la «possibilité de retour de ces dépouilles» via l'Africa Museum de Tervuren. Les nombreux ossements toujours en possession du musée seraient au préalable identifiés.

«Il m'est inconcevable que le commerce des restes humains soit légal aujourd'hui en Belgique. Les dépouilles, également celles des personnes tuées pendant la période coloniale, ont droit au respect absolu», estime la co-présidente d'Ecolo Rajae Maouane.

Les Verts pilotent la commission parlementaire qui cherche à faire la lumière sur le passé colonial belge. Ses experts estiment que «les restes humains ne sont pas seulement des pièces scientifiques mais aussi et surtout des éléments permettant de se relier aux ancêtres et en quelque sorte de restaurer l'âme congolaise, rwandaise et burundaise».

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