La vaccination belge tourne à l’enjeu politique
La vaccination belge tourne à l’enjeu politique
De notre correspondant Max HELLEFF (Bruxelles) - Bon an mal an, la vaccination a pris son rythme de croisière en Belgique. On attend toutefois ici comme ailleurs impatiemment la décision de l’Agence européenne du médicament qui, mardi, évaluera le vaccin unidose Johnson & Johnson, suspect de provoquer de graves caillots sanguins.
Mais la vaccination est devenue aussi un gage de paix sociale. Mercredi dernier, les autorités belges ont postposé la réouverture de l’horeca du 1er au 8 mai tout en l’assortissant de conditions. Un nombre suffisant de Belges adultes devront notamment avoir été vaccinés pour que les restaurants et les cafés puissent de nouveau accueillir le public en extérieur. La grogne qui va crescendo, les menaces qui sont formulées de rouvrir malgré tout le 1er mai en divers endroits du pays, ne laissent plus place à l’improvisation.
A Liège, un collectif s’est progressivement organisé contre les décisions du Comité de concertation (Codeco) qui fixe les mesures sanitaires. Il espère bien faire tache d’huile.
Liège, surnommée la Cité ardente, est coutumière de la fronde contre «Bruxelles». Non la Bruxelles «européenne», mais le siège du gouvernement fédéral. Liège fut un haut lieu des grèves de l’hiver 1960-1961 et d’aucuns y rêvent aujourd’hui d'une autre glorieuse rébellion. Dans les colonnes du Soir, le philosophe Edouard Delruelle analyse : «Liège, qui est la seule vraie métropole wallonne, compte une importante population jeune et, plus généralement, des habitants qui organisent leur vie sociale dans les cafés et les restaurants davantage que dans les autres villes. A ce titre, le centre pourrait être marqué le 1er mai d’un esprit festif spontané qui risque de dégénérer si ce n’est pas bien géré par la police…».
Or le bourgmestre socialiste Willy Demeyer n’est pas revenu sur sa décision : à défaut d’avoir les moyens policiers suffisants, il n’empêchera pas l’ouverture des terrasses le 1er mai.
Le bord d’en face relativise : «Dans deux mois, tout le monde aura oublié cette agitation pour savoir s’il fallait ouvrir les terrasses une semaine plus tôt ou plus tard. La question est de savoir si nous aurons traversé cette crise sans autre dommage», affirme le ministre de la Santé Frank Vandenbroucke dans L’Echo. «La discipline est devenue quotidienne, même si elle n’est pas toujours agréable. Maintenant, nous devons appliquer à l’unisson ce qui a été convenu.» Question de «solidarité», ajoute le socialiste flamand.
Pour d’aucuns, cette définition de la solidarité doit être revue à l’aune du «communautaire», l’éternel rapport de frères ennemis entre la Flandre, la Wallonie et Bruxelles sans lequel la Belgique ne serait pas la Belgique. Pour le ministre bruxellois Alain Maron, la capitale est lésée. Il demande un nouveau partage du butin vaccinal à l’avantage de la capitale.
Et pour le reste, la livraison de 1,2 million de doses Pfizer en avance sur le calendrier est fatalement bien accueillie au moment où, selon certaines sources, un marché parallèle se met en place. Des pharmaciens ont été approchés pour vendre des vaccins sous le manteau, en échange de sommes allant jusqu’à 500 euros. Dans les centres de vaccination, on enlève désormais les étiquettes des fioles vides pour éviter qu’elles n’alimentent un trafic illégal.
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