La trottinette met Bruxelles sur les nerfs
La trottinette met Bruxelles sur les nerfs
De notre correspondant Max Helleff (Bruxelles) - En quelques années seulement, elles ont connu un succès détonant. Les trottinettes électriques sont devenues des incontournables de la mobilité urbaine, et pas seulement là où l’on trouve par définition un public jeune et branché, sensible à la mode.
Ainsi, à Charleroi, l’arrivée en juin dernier de Dott a fait beaucoup d’heureux. «Après trois jours, il était déjà difficile de trouver une trottinette libre», explique l’échevin de la Mobilité Xavier Desgain (Ecolo) au journal Le Soir. «On avait un peu peur de Charleroi, vu sa réputation, mais on est agréablement surpris», confirme l'opérateur de trottinettes. Celui-ci affirme par ailleurs avoir doublé son nombre d’usagers à Namur, Liège et Bruxelles. Même constat chez Lime, son concurrent, où la fin du confinement et l’apparition de nouvelles pistes cyclables sont saluées, car synonymes d’une nette reprise de l’activité depuis le mois de mai.
A la mi-juin, un autre opérateur –l’Estonien Bolt– a annoncé son intention de déployer 1.100 trottinettes électriques partagées sur l’ensemble du territoire de la région bruxelloise. Il s’agit de son premier pas sur le marché belge. Trois à cinq autres villes du pays devraient suivre.
Tout n’est pas parfait pour autant. Surtout à Bruxelles. Non-respect du code de la route et conduite dangereuse des «fangios» de la trottinette transforment en bien des endroits le déplacement des piétons de la capitale en parcours du combattant. De tels comportements ont un coût, en termes sociaux et de santé publique. Volontiers cité pour rappeler que la trottinette n’est pas un jouet, le cas de «Pierre» est révélateur. Chute à trottinette au terme d’une soirée arrosée, hématome cérébral, huit jours de soins intensifs et deux années de travail à temps partiel avant de reprendre pleinement son emploi. Une «pelle» à… 20 km/h, dont les conséquences rappellent tant d’accidents graves de voiture et de moto.
Mais c’est surtout l’encombrement des trottoirs qui fâche. Parler d’anarchie en la matière est souvent un euphémisme. Résultat: plusieurs communes bruxelloises imposent aujourd’hui aux propriétaires de trottinettes de mettre leurs clients au pas. «Si les opérateurs ne prennent pas leurs responsabilités, nous sommes obligés de le faire nous-mêmes», déplore Boris Dilliès, le bourgmestre libéral d’Uccle qui va instaurer des zones d’interdiction de stationnement. La commune de Berchem-Sainte-Agathe demande à l’opérateur responsable 278 euros de dédommagement par trottinette mal garée. Woluwe-Saint-Lambert menace de durcir le ton...
Idéalement, une solution à l’échelle de la région serait la bienvenue. Mais pour l’heure, les 19 communes bruxelloises doivent parer au plus pressé. Ce qui n’est pas simple. D’un côté, le stationnement anarchique des trottinettes est par nature difficile à contrôler. De l’autre, il ne faut pas décourager les tenants d’un mode de mobilité censé arracher la ville au diktat de la voiture.
La place de la trottinette dans l'espace urbain est évidemment un enjeu politique, ici comme ailleurs. Le Moniteur de l’automobile déplore ainsi que les dernières statistiques livrées par la région de Bruxelles-Capitale ne fassent pas le distinguo parmi les usagers lorsqu’il s’agit de louer les bénéfices du 30 km/h désormais imposé dans les rues bruxelloises.
«Les accidents impliquant des trottinettes électriques et les vélos circulant sur les trottoirs sont-ils comptabilisés dans cette statistique ou pas ?», s’interroge l’hebdomadaire face au flou d'un communiqué officiel qui s’enthousiasme d’une réduction des accidents graves ou mortels de 25%. La question mérite assurément une réponse.
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