La Belgique reparle de l’allocation universelle
La Belgique reparle de l’allocation universelle
De notre correspondant, Max Helleff (Bruxelles) - La crise du covid et les inquiétudes économiques et sociales qu’elle suscite ont réveillé en Belgique un vieux débat. Le Mouvement réformateur (MR, libéral francophone) de Georges-Louis Bouchez veut remettre au goût du jour l’allocation universelle, une idée ancienne volontiers controversée. Les uns y voient en effet un remède miracle contre tous les maux de notre temps, alors que les autres craignent la fin de la solidarité et le risque d’un individualisme forcené.
Richard Miller, qui fut ministre francophone de la Culture, a reçu pour mission d’explorer ce terrain piégeux. Il évoque des «poches de pauvreté dans la société» qui touchent les artistes, les étudiants, les indépendants et certains travailleurs… «Ajoutez la digitalisation et la robotisation, la multiplication des emplois précaires, l’ubérisation… Il faut élaborer une réponse globale», dit-il au Soir.
L’allocation universelle version libérale assurerait à chacun un montant fixe dès la naissance. Elle serait financée par différentes taxes. Elle se monterait à plusieurs centaines, voire à un millier d’euros pour acquérir «une taille critique». Disposer de cette somme permettrait de mieux harmoniser vie professionnelle et vie privée, de prendre certaines initiatives sans se retourner, à commencer par la création d’une entreprise. Du moins, c’est le MR qui le dit.
D’aucuns voient dans cet intérêt le retour du balancier de l’histoire. Après la redécouverte du libéralisme social dans les années 90 par Louis Michel, le Mouvement réformateur a rapidement retrouvé les rails de l’économie de marché. Devenu Premier ministre, Charles Michel, le fils de Louis, a fait de l’orthodoxie budgétaire un axe majeur de sa politique. Suivant l’exemple de ses prédécesseurs, il n’a eu de cesse de désinvestir dans les soins de santé, avec pour conséquence de laisser le pays confronté à un déficit de moyens lorsque les malades du covid ont afflué vers les hôpitaux au printemps dernier.
Lorsqu’il était à la tête du parti libéral, le même Charles Michel avait déclaré que son parti était «ouvert aux principes d’une allocation universelle pour autant que cela s’accompagne d’une réforme globale du système d’imposition en Belgique». Mais ce thème était resté en rade. Son successeur Georges-Louis Bouchez l’a depuis remis à flot. En 2015, alors pratiquement inconnu, le jeune homme déclarait dans le journal d’une association d’aide aux démunis être «convaincu que le modèle fondé uniquement sur le travail (…) n’a plus beaucoup de sens vu l’évolution que connaît notre société. Je crois fondamentalement à l’idée d’allocation universelle…»
Certains intellectuels appuient eux aussi ce grand dessein social. Dans «Le revenu de base inconditionnel», les universitaires Philippe Van Parijs et Yannick Vanderborght défendent une idée «foncièrement émancipatrice», gage d’une liberté réelle pour tous. A les entendre, «le revenu de base ne se substitue ni à l’assurance ni à l’assistance. Il vise à moderniser notre protection sociale en palliant ses défauts». Pas plus tard que ce week-end, le versement d’une prime de 50 euros a entraîné des tensions entre allocataires sociaux.
La crise sanitaire va-t-elle rendre sa superbe à l’Etat social ? Plusieurs partis belges semblent le penser. La N-VA nationaliste flamande de Bart De Wever - qui avait jusqu’ici des accents ultralibéraux et identitaires - se rêve désormais en protectrice des petites gens. Mais elle n’a rien inventé : l’extrême droite flamande y avait pensé avant elle.
Suivez-nous sur Facebook, Twitter et abonnez-vous à notre newsletter de 17h.
