La Belgique prépare la fin de l’atome
La Belgique prépare la fin de l’atome
De notre correspondant MAX HELLEFF (Bruxelles) - La Belgique s’apprête officiellement à dire adieu à l’atome. Si le calendrier est respecté, un premier réacteur (Doel 3) sera mis hors de service le 1er octobre 2022. Le septième et dernier réacteur s’éteindra le 1er décembre 2025 (Doel 2). La décision prise en 2003 et reconfirmée dans l’accord du gouvernement De Croo il y a un an sera ainsi exécutée. Tel est le scénario prévu. Encore faut-il le respecter...
Premier obstacle, et de taille: en novembre, le gouvernement pourrait décider de prolonger au-delà de 2025 la vie des deux réacteurs les plus récents... Il a fait ses comptes : à défaut d’avoir développé suffisamment les énergies renouvelables, la Belgique devra se fournir en électricité à l’international si elle décide de se passer du nucléaire. Elle perdrait alors en autonomie.
Autre problème cornélien : le recours à de nouvelles centrales au gaz destinées à produire l’électricité manquante sera synonyme d’émissions polluantes supplémentaires. L’empreinte carbone du pays en prendra un coup et le mettra en porte-à-faux avec les objectifs européens de réduction de gaz à effet de serre.
Quoi qu’il en soit, le gouvernement vient d’organiser une table ronde pour préparer le démantèlement des centrales nucléaires. L'opération devrait commencer dans un an et pourrait s’étaler sur quatre décennies. Treize entreprises ont été associées pour mettre leur expertise à son service. Elles devraient travailler sous la houlette de l'acteur industriel John Cockerill, lequel collaborerait directement avec Engie, le propriétaire des centrales. Le groupe français a provisionné quelque 13,8 milliards d’euros pour mener à bien ce chantier.
Le gouvernement De Croo assure la comm' : gérer la sortie du nucléaire représente une nouvelle activité que la Belgique compte bien transformer en expertise, afin de mieux la valoriser dans le futur à l’étranger, partout où l’on voudra envoyer des centrales nucléaires à la casse.
Mais il y a un hic. «L’énergéticien français Engie ayant entamé un large programme de cession de ses activités de services, un recours à de nombreux sous-traitants spécialisés sera inévitable, écrit L’Echo. L’initiative du gouvernement prend tout son sens puisque le risque qu'Engie ait recours à des entreprises spécialisées dans le démantèlement en dehors de nos frontières est réel. »
Le quotidien économique ajoute : «En quelque sorte, le gouvernement espère devancer Engie dans sa prise de décision quant à la mise en route des travaux». De quels travaux parle-t-on? La décision que prendra le gouvernement De Croo en novembre dira si les sept réacteurs belges sont concernés par le démantèlement ou s’ils ne seront que cinq, les deux autres continuant à fonctionner au-delà de 2025.
Engie a fait savoir, l'an dernier, que trop de temps a été perdu par les autorités belges, qu’il ne peut plus investir dans ces conditions dans le prolongement des centrales. Mais d’aucuns voient dans ce discours une manœuvre destinée à amener la Belgique à sortir de sa poche le milliard d’euros nécessaire à la modernisation des deux réacteurs, à un moment où elle serait aux abois.
Enfin, l’enjeu est politique. La N-VA de Bart De Wever s’est fait la défenderesse acharnée de la facture d’électricité des Belges. Elle associe le risque d’une hausse de prix à la fin du nucléaire. Si les nationalistes flamands sont aujourd'hui relégués dans l’opposition, leur argument est dans toutes les têtes et pourrait renvoyer les partis gouvernementaux face à face alors que l’on évoque déjà les élections de 2024.
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