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La Belgique dissèque son passé colonial
International 3 min. 29.11.2022
Relation avec le Congo

La Belgique dissèque son passé colonial

Ces dernières années ont été marquées par de nombreux actes de déboulonnage et de taggage de statues de Léopold II, le second roi des Belges qui fit du Congo sa propriété personnelle avant de le donner au pays.
Relation avec le Congo

La Belgique dissèque son passé colonial

Ces dernières années ont été marquées par de nombreux actes de déboulonnage et de taggage de statues de Léopold II, le second roi des Belges qui fit du Congo sa propriété personnelle avant de le donner au pays.
Photo: Tom Lucas - Collection privée
International 3 min. 29.11.2022
Relation avec le Congo

La Belgique dissèque son passé colonial

Max HELLEFF
Max HELLEFF
Une commission parlementaire pose notamment la question des « excuses » de la métropole à ses ex-colonies

De notre correspondant Max HELLEFF (Bruxelles)

Il est des fautes que l'on aimerait expier, mais jusqu'à quel point ? Ce sentiment aura dominé les travaux que la Chambre des représentants a consacrés au cours des dernières années au passé colonial de la Belgique.


President of the Democratic Republic of the Congo Felix Tshisekedi (L) and Belgium's King Philippe (R) are seen after a hand over of a ceremonial mask at the National Museum of the Democratic Republic of the Congo in Kinshasa on June 8, 2022. - Belgium's King Phillipe visited DRC's national museum in Kinshasa, established in 2019, where he handed over a ceremonial mask the ethnic Suku group use in initiation rites. 
The mask is on "unlimited" loan from Belgium's Royal Museum for Central Africa, he announced. 
The move comes after the Belgian government last year set out a roadmap for returning art works looted during the colonial era -- which remains a sensitive topic in DRC. (Photo by Arsene Mpiana / AFP)
Philippe, roi des Belges, réaffirme ses regrets au Congo
Le roi Philippe a prononcé le premier discours de son voyage en RDC. Il a notamment réaffirmé de vive voix ses «sincères regrets» pour l’époque coloniale.

En 2020, une commission parlementaire a été mise en place pour répondre notamment aux revendications du mouvement Black Lives Matter et à des faits inquiétants de racisme. 300 auditions ont été menées afin d'examiner le passé colonial de la Belgique au Congo, au Rwanda et au Burundi. Des experts et des partis politiques ont contribué aux travaux. Aujourd'hui, le temps des recommandations est venu.

Des excuses réclamées

L'un d'elles voudrait que «la Chambre condamne le régime colonial en tant que système fondé sur l'exploitation et la domination, qui reposait sur un rapport d'inégalité injustifiable caractérisé par le paternalisme, la discrimination et le racisme et qui a donné lieu à des humiliations». Une autre souhaite que la même Chambre «présente ses excuses aux peuples congolais, rwandais et burundais pour la domination et l'exploitation coloniales, les violences et les atrocités…».

Mais il n'est pas question pour autant que l'Etat belge y aille de sa poche. Cette reconnaissance, est-il stipulé, «n'implique aucune responsabilité juridique et ne peut donc donner lieu à une réparation financière».


Selon certains historiens, Léopold II aurait la mort de dix millions de Congolais sur la conscience.
Bruxelles pourrait fondre les statues de Léopold II
La destruction des symboles coloniaux est l’une des solutions envisagées pour «décoloniser» la ville.

L'autre pan des recommandations concerne la gestion de l'héritage colonial. Ces dernières années ont été marquées par de nombreux actes de déboulonnage et de taggage de statues de Léopold II, le second roi des Belges qui fit du Congo sa propriété personnelle avant de le donner au pays. Ici, les recommandations prônent plutôt le cas par cas et une approche pédagogique des monuments visés.

Ce dossier est particulièrement délicat. Au-delà de la volonté d'une génération de faire la lumière sur ce qui s'est passé un siècle - voire davantage - plus tôt se pose la question de la faisabilité des actions recommandées. «Si tout ce qu'a fait Léopold II doit être démoli, il faudra alors désosser les Musées royaux au Cinquantenaire et combler le barrage de la Gileppe», illustre par l'absurde un parlementaire. 

De nouveaux monuments 

L'idée serait dès lors de dresser de nouveaux monuments qui prendraient le contre-pied du passé colonial et en rappelleraient les exactions. L'un d'eux pourrait être érigé en hommage au Premier ministre congolais Patrice Lumumba, assassiné en 1961, sans que les autorités belges ne s'en émeuvent. Un autre monument pourrait être consacré aux victimes des zoos humains installés de 1897 à 1958, mortes de froid ou de maladie sous nos latitudes pour satisfaire la curiosité des badauds.


(FILES) In this file photo taken on November 1, 1960, soldiers guard Patrice Lumumba (R), Prime Minister of then Congo-Kinshasa, and Joseph Okito (L), vice-president of the Senate, upon their arrest in December 1960 in Leopoldville (now Kinshasa). - The Democratic Republic of Congo celebrates the 60th anniversary of its independance from Belgium on June 30, 2020. Leader of the Congolese national movement, Patrice Lumumba became the first Prime Minister (1960) of the new state Democatic Republic of the Congo, former Belgian Congo, renammed Zaire in 1971. Arrested in November 1960 and deposed, he was assassinated in January 1961. (Photo by - / AFP)
Une dent pour rapprocher la Belgique du Congo
La restitution des «restes» de Patrice Lumumba à la République démocratique du Congo doit contribuer à l'apaisement des relations entre la Belgique et son ex-colonie.

D'autres recommandations ont trait à l'ouverture d'archives restées confidentielles et à la lutte contre le racisme. Il est notamment question de vider de «toute représentation raciste» certaines manifestations folkloriques. Ce thème fait débat depuis des années en Belgique, notamment autour du carnaval. 

Faut-il aller plus loin ? Les partis sont divisés. Les libéraux francophones estiment qu'on en a fait assez. Des «regrets» ont déjà été présentés par le roi Philippe à l'occasion du soixantième anniversaire de l'indépendance du Congo en 2020. En juin dernier, le Premier ministre Alexander De Croo a présenté des «excuses» et admis «une responsabilité morale» de la Belgique dans le meurtre de Lumumba.  Les Verts, qui ont piloté cette commission parlementaire, se disent satisfaits. Les socialistes jugent qu'elle ne va pas assez loin et veulent mettre en place un travail de réparation.

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