L'UE prend pour cible les entreprises «boîtes aux lettres»
L'UE prend pour cible les entreprises «boîtes aux lettres»
(ASdN avec Diego Velasquez) - Depuis les révélations «OpenLux» qui ont montré comment de riches fortunes et multinationales économisent des impôts grâce aux services offerts au Luxembourg, presque rien n'a bougé sur le territoire national. A Bruxelles, en revanche, la Commission n'entend pas rester les bras croisés. Mercredi au Parlement européen, celle-ci a affiché son intention de combler rapidement les lacunes de la législation européenne qui permettent encore la planification fiscale agressive.
Mais la Commission européenne ne compte pas s'arrêter là. Elle a ainsi profité de la discussion pour annoncer une série de mesures qu'elle compte prendre dans la lutte contre l'évasion fiscale. Parmi cette longue liste, l'une d'elles n'est pas passée inaperçue. A savoir, la modification des règles européennes en matière d'évasion fiscale dans le but de soumettre les sociétés dites «boîtes aux lettres» à un examen minutieux.
«Nous ne devons pas nous reposer sur nos lauriers», a déclaré le Commissaire européen aux affaires économiques Paolo Gentiloni. Pour l'ancien Premier ministre italien au Parlement européen, Openlux a été «instructif en montrant comment de telles constructions contribuent à l'évasion fiscale.» A l'en croire, les sociétés boîtes aux lettres - sans ou avec très peu de substance économique - peuvent en effet «constituer une menace sérieuse pour le marché unique en déplaçant les profits», a-t-il affirmé avant d'ajouter que cela pourrait être problématique pour le Luxembourg. Selon les calculs du Fonds monétaire international, ces sociétés représentaient 6% du produit intérieur brut du pays en 2018.
«Échec des contrôles»
Outre ces menaces d'évasion fiscale, la recherche «OpenLux» a également permis de révéler d'autres incohérences en particulier dans le «Registre des bénéficiaires effectifs» (RBE). Si ce registre de transparence est censé révéler les propriétaires des sociétés basées au Luxembourg, les enquêtes des journalistes ont montré que pour environ la moitié des sociétés luxembourgeoises, les informations promises étaient manquantes ou trompeuses. Pour le Commissaire européen, il s'agit donc là d'«un échec des contrôles». Une critique néanmoins partagée par le gouvernement luxembourgeois, qui souhaite apporter des améliorations dans ce domaine.
Pourtant, la qualité supposée de ce registre appartenait à la ligne de défense centrale du gouvernement, également internalisée par l'opposition au Luxembourg. «Jusqu'à présent, pas même la moitié des Etats membres ont mis en place un registre des bénéficiaires effectifs - et surtout, ils ne sont pas nécessairement aussi complets et gratuits que ce qui est déjà le cas au Luxembourg», a déclaré, par exemple, le député européen Christophe Hansen (CSV).
Le Luxembourg toujours au pilori
«Le scandale OpenLux prouve ce que tout le monde sait déjà», a déclaré de son côté Manon Aubry, chef de la gauche européenne. A savoir, que le Luxembourg «est l'un des pires paradis fiscaux du monde». Pour Sven Giegold, expert fiscal des Verts européens, la situation est également claire : «Nous avons des caisses vides, il y a un grand besoin d'investissements et en même temps la fraude fiscale et l'évasion fiscale agressives restent autorisées dans le marché intérieur de l'UE», a-t-il déploré, affirmant que cela «doit changer».
Marc Angel, parlementaire du LSAP, a adopté un point de vue similaire : «La justice fiscale est une question importante et les États membres de l'UE doivent se regarder dans un miroir» qui regrette que les changements à la suite des scandales des PanamaPapers et LuxLeaks n'aient pas été suffisants. Mais pour l'homme politique luxembourgeois, il est important de ne pas limiter le débat au Grand-Duché. «Nous n'aurions pas ce débat aujourd'hui si le Luxembourg disposait d'un registre de transparence comme certains autres pays de l'UE, même les plus grands. La 'course vers le bas' n'est pas seulement la faute des petits États membres, mais aussi des grands États membres qui y participent», estime-t-il.
Un constat qu'a également reconnu Paolo Gentiloni à la suite du débat. «OpenLux a montré où nous en sommes actuellement», a-t-il conclu sur un ton légèrement ironique. Après tout, a-t-il rappelé, le registre de transparence est une «conséquence d'une directive européenne que le Luxembourg a mise en œuvre de manière exemplaire». Mais l'analyse des journalistes d'«OpenLux» l'a bien montré : «il y a encore beaucoup de transparence et de travail à faire».
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