L'UE menacée par l'euroscepticisme?
L'UE menacée par l'euroscepticisme?
Où en est-on avec l'euroscepticisme? A la lecture de l'Eurobaromètre 96, collection hiver 2021-2022, on pouvait relever que dans 13 des 27 Etats membres, la confiance en l'Union européenne ne dépassait pas les 49%. Un an plus tôt, le même institut indiquait que 49% des Européens étaient favorables à l'UE et précisait même que ce score n'avait jamais été aussi haut depuis le printemps... 2008. Alors, qu'en est-il exactement du ressentiment européen?
Marc Angel (Groupe de l'Alliance Progressiste des Socialistes et Démocrates) n'est guère inquiet. L’eurodéputé luxembourgeois appuie son argumentation sur un autre type de sondage : l'élection. «Les deux dernières en date, en Slovénie et en France, ont vu la victoire des pro-européens.» A Ljubljana, les législatives ont vu le succès du parti europhile du Mouvement pour la Liberté; dans l'Hexagone, la présidentielle a permis à Emmanuel Macron de décrocher un deuxième mandat aux dépens de Marine Le Pen, plébiscitée toutefois de près de 42% des suffrages exprimés.
Faire bande à part et s'isoler du monde, c'est tout simplement suicidaire
Charles Goerens (Groupe Renew Europe)
Au Grand-Duché, seuls 43% des Luxembourgeois se disaient confiants en l'UE, suffisant pour le placer parmi les cinq derniers en compagnie de la Slovaquie (43), de l'Autriche (42), de la Grèce (39) et de la... France (32). Omniprésente durant la campagne présidentielle hexagonale, l'Europe était, avec la sécurité et l'immigration, l'un des sujets les plus prégnants dans les médias. Charles Goerens (Groupe Renew Europe) ne cache pas son inquiétude face à cette «internationalisation de l'extrême droite proche de la Russie».
Qu'ils soient de gauche ou de droite, les partis eurosceptiques ont en commun «la détestation de l'establishment» et ont, selon le député DP, «une vision assez courte de l'Etat ainsi que de leur propre avenir». «Mais faire bande à part et s'isoler du monde, c'est tout simplement suicidaire», poursuit-il avant ce clin d'œil à Laurent Fabius, ancien chef du gouvernement de François Mitterand (1984-1986): «Les populistes, ce sont de fausses réponses à de vraies questions...» Pour Charles Goerens, il ne faudrait pas oublier que l'orientation donnée à une question n'est jamais anodine. «Les médias détenus par (Robert) Murdoch ont inondé l'Angleterre de fake news qui sont à l'origine du Brexit.»
Existe-t-il un risque de voir l'un ou l'autre Etat membre suivre le même chemin? «Il faut rester vigilant, martèle Charles Goerens, guère rassuré par la présence de Steve Bannon à Bruxelles. L'ancien stratège de Donald Trump ambitionne de fédérer l'extrême droite européenne. Sur les 705 sièges que compte le Parlement, 24% d'entre eux sont occupés par des opposants à tout eurofédéralisme. Répartis entre le Groupe des conservateurs et des réformistes européens (63), Identité et Démocratie (70) et les non-inscrits (37), ils occupent le flanc droit de l'échiquier.
«Plus conflictuel, plus politique et moins technique»
Au fond, cette opposition est-elle une si mauvaise chose pour le Parlement? Nathalie Brack est convaincue du contraire. Dans un entretien accordé en 2014 à la Fondation Wiener-Anspach, l'auteure de L'euroscepticisme au sein du Parement européen expliquait que «la présence d'eurosceptiques renforce la représentativité de l'assemblée, puisque ces députés représentent des franges de la population qui sont tout aussi légitimes».
Aussi, la Belge qui enseigne à l'Université libre de Bruxelles, ajoute ceci: «La présence croissante d’eurosceptiques a provoqué d’une part l’irruption d’un style plus conflictuel, plus politique et moins technique, ce qui permet aux citoyens de s’identifier plus facilement avec les enjeux, de comprendre l’impact des politiques européennes sur leur vie quotidienne et donc aussi l’importance d’aller voter.»
Voir un Luxembourgeois voter pour un Italien, un Allemand ou un Belge, c'est quand même un grand pas en avant, non?
Tilly Metz (Groupe des Verts/Alliance libre européenne)
Ces voix dissonantes, on les retrouve aussi à gauche. Ainsi, le Groupe confédéral de la Gauche unitaire européenne/Gauche verte nordique (39 sièges) au sein duquel figurent des représentants de la France Insoumise, de Die Linke (Allemagne) ou de Syriza (Grèce) se dit «eurosceptique modéré».
Au Luxembourg, où l'on observe toujours avec beaucoup d'attention ses voisins, on ne verrait pas d'un bon œil une éventuelle arrivée de Jean-Luc Mélenchon au poste de Premier ministre en France. «Ce serait la fin du couple franco-allemand tel qu'on le connait», assure Charles Goerens. «Espérons que son association avec les socialistes et les Verts l'assagisse un peu...» Marc Angel, lui, n'est pas un fervent supporter du tribun de la France Insoumise. «Je n'aime pas sa désobéissance à l'Europe.»
Pour Tilly Metz (Groupe des Verts/Alliance libre européenne), «l'Europe est une aventure» qui s'écrit de manière permanente. Ainsi, le 3 mai, elle a voté en faveur de l'adoption d'une proposition visant à réformer les élections européennes afin de n'en faire qu'une seule et pas 27. «Voir un Luxembourgeois voter pour un Italien, un Allemand ou un Belge, c'est quand même un grand pas en avant, non?»
Pour avancer plus vite, Emmanuel Macron et Ursula von der Leyen, la présidente de la Commission, souhaitent une réforme des traités et l'abandon du vote à l'unanimité pour la majorité qualifiée. Une manière de réduire l'euroscepticisme à sa plus simple expression?
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