L'hydrogène, l'allié des antinucléaires belges
L'hydrogène, l'allié des antinucléaires belges
De notre correspondant Max Hellef (Bruxelles) - Un voyage royal peut conduire à certaines révélations. C'est ainsi que dans le sillage du roi Philippe, les Belges viennent de faire connaissance avec l'hydrogène vert, une énergie du futur qui pourrait alléger le pesant dossier de la fermeture - toujours non actée - du nucléaire.
Le roi Philippe a inauguré la semaine passée le port de Duqm dans le sultanat d'Oman, résultat d'une collaboration entre l'entreprise publique omanaise Aysad, le port d'Anvers et le groupe Deme. Les nouvelles infrastructures doivent permettre de traiter le transport des énergies fossiles habituelles (gaz et pétrole). Mais aussi de l'hydrogène et de l'ammoniac verts produits sur place grâce à un vaste champ d'éoliennes et de panneaux solaires. Ils seront acheminés vers l'Allemagne dès 2026, puis vers la Belgique en 2030.
Un dossier sensible reporté plusieurs fois déjà
Cette coopération est de première importance dans le contexte actuel. Rappelons que les centrales nucléaires belges devraient fermer en 2025 mais que, faute d'énergies alternatives, l'abandon complet de l'atome semble aujourd'hui pratiquement impossible. Une solution médiane consistant à maintenir en activité au moins deux réacteurs (sur sept) pourrait en définitive s'imposer. Le gouvernement De Croo doit se prononcer le 18 mars, mais l’on sait que ce dossier particulièrement sensible a déjà été plusieurs fois reporté.
La perspective de faire de la «Belgique une plaque tournante de l'importation et de transit pour l'hydrogène vert» et de «renforcer son rôle de pionnier des technologies de l'hydrogène» a pour avantage de rassurer tout le monde. La ministre de l'Energie, l'écologiste Tinne Van der Straeten, une ennemie déclarée de l'atome, y voit «une étape cruciale pour rendre notre industrie plus verte». Quant aux industriels qui défendent corps et âme l'énergie nucléaire pour des raisons d'indépendance énergétique et de coût, ils trouvent là une alternative qui pourrait les amener à rejoindre un jour le point de vue de ceux qui veulent en finir avec les centrales.
2030, un objectif réaliste
Dans la presse, le CEO du port d'Anvers Jacques Vandermeiren a estimé que 2030 est un «objectif réaliste pour transporter de premiers volumes importants d'hydrogène vers l'Europe et la Belgique, de préférence via Zeebruges, plus grand terminal gazier d'Europe, et Anvers, afin que l'industrie chimique puisse opérer sa transition énergétique.»
L'hydrogène vert occupe une place importante dans le Green Deal qui entend mettre l'Europe sur les rails de la neutralité carbone et réduire drastiquement ses émissions de gaz à effet de serre. Il entre aussi dans les ingrédients de la reprise économique. De nouveaux marchés sont promis et la Belgique, qui peut compter sur les ports d'Anvers et de Zeebruges, ne compte pas se satisfaire des miettes. Un apport massif d'hydrogène vert permettrait en outre de décarboner la grande industrie productrice de fortes émissions de CO2. Inconvénient: l'hydrogène qui devrait venir d'Oman, mais aussi de Namibie et du Chili, sera tributaire des aléas de la politique internationale.
L'optimisme qui en ressort rejaillit en catimini sur la couronne. Le roi Philippe s'est montré à plus d'une occasion sensible aux questions environnementales. Dans son dernier discours de Noël, il avait réservé quelques mots à la Conférence de Glasgow sur le climat. «Même si elle n'a pas débouché sur tous les engagements espérés, elle a démontré que les objectifs posés par la communauté des nations peuvent encore être atteints», avait-il déclaré. Une posture de sage à l'opposé des tensions qui divisent les partis et les régions du pays dans ce dossier.
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