L'«enseignement des pauvres» en échec côté francophone
L'«enseignement des pauvres» en échec côté francophone
De notre correspondant Max HELLEFF (Bruxelles) - L’enseignement francophone belge est l’un des plus chers au monde. Et c’est pourtant l’un des moins performants de l’Union européenne si l’on croit les tests Pisa. Ces dernières années, les ministres de l’Education successifs se sont employés à rehausser son niveau via une réforme connue sous le nom de «Pacte d’excellence». Elle doit permettre à la Belgique francophone de former les cerveaux dont elle aura besoin demain.
Mais il y a loin de la coupe aux lèvres. Une enquête Pisa constate ainsi que l’enseignement francophone belge est l’un des plus inégalitaires qui soit sur base sociale. En un mot, les fils et les filles venus de milieux défavorisés restent à distance des enfants issus de la classe moyenne ou aisée qui réussissent toujours mieux leur scolarité. A l'image de ce qui a été constaté au Luxembourg en pleine période covid.
Et pourtant, 70 millions d’euros (recrutement d’enseignants, matériel pédagogique…), soit près de 1% du budget global alloué à l’enseignement, sont dévolus à la réduction des inégalités.
Différents dispositifs ont en effet pour ambition de donner à chaque jeune ses chances d’émancipation sociale. Les établissements scolaires qui réunissent des élèves d’un niveau socio-économique faible bénéficient pour ce faire d’aides supplémentaires. Elles doivent aboutir à renforcer la maîtrise des apprentissages, à mettre une série d’outils et de mesures à disposition des élèves et des enseignants pour empêcher le décrochage. Un enfant sur quatre en Communauté française est concerné.
Le retard scolaire s'aggrave
Pourtant, selon une commission mixte réunissant les différents acteurs de l’enseignement, le taux de redoublement continue d’augmenter dans les écoles dites à «discrimination positive», alors qu’il est à peu près stable dans les autres établissements. Cet échec se traduit par un retard qui, bien souvent, plombe la scolarité du jeune tout au long de son parcours. Et complique ou anéantit à terme son accès à l’université et aux hautes écoles.
A titre d’exemple, le taux d’élèves qui présentent un retard scolaire de deux ans et plus dans l’enseignement dit différencié est passé entre 2017 et 2019 de 31,3% à 40,5% (+9,2%).
Meilleurs résultats côté flamand
Ces piètres résultats ne plaident guère pour un système certes généreux, mais qui doit aussi rendre des comptes. «Il est difficilement acceptable de continuer à investir autant de moyens sans savoir si cela aide les élèves», pointe dans Le Soir le pédagogue Benoît Galand (UCLouvain). La députée libérale Stéphanie Cortisse lui emboîte le pas : «Aujourd’hui plus que jamais, et a fortiori dans un contexte budgétaire contraint, une évaluation plus pointue sur la pertinence de ces dispositifs s’impose».
Quant à la ministre francophone de l’Education, la socialiste Caroline Désir, elle botte en touche, estimant que «ce n’est pas parce qu’on ne peut pas voir une amélioration dans cette analyse que pour autant, cela veut dire que le dispositif est mauvais».
Tout cela donne de l’enseignement francophone une image disparate, paradoxale. D'un côté, il reste inégalitaire chez les enfants et les adolescents – avec la circonstance aggravante que les dispositifs prévus pour les plus défavorisés ne portent pas toujours leurs fruits. De l’autre, il se révèle de bonne, voire de très bonne qualité au niveau universitaire si l’on se fie aux différents rankings internationaux. Certaines universités du nord du pays restent toutefois loin devant. Quant aux écoles flamandes, primaires et secondaires, même en recul selon les tests Pisa, elles font mieux que leurs sœurs francophones.
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