Jeu de dupes autour du confédéralisme belge
Jeu de dupes autour du confédéralisme belge
Max HELLEFF (Bruxelles) - Confédéralisme… Ce mot résonne en politique belge comme «ostracisme», terme qui fit les beaux jours du théâtre bruxellois avec le truculent «Bossemans et Coppenolle». Pourtant, il n’a rien de drôle. Si demain, le confédéralisme devait inspirer la refonte de l’Etat belge, estime plus d’un observateur, il pourrait en saper définitivement les bases.
Le confédéralisme est imposé à l’agenda politique par la N-VA de Bart De Wever. Que signifie-t-il exactement ? Personne ne peut le dire avec certitude. Pour les nationalistes flamands, le confédéralisme implique grosso modo que seuls l’Intérieur, la Défense, les Affaires étrangères et la gestion de la dette publique restent fédéraux.
Toutes les autres compétences seraient transférées à la Flandre et à la Wallonie. Bruxelles, qui a fini par devenir une Région, serait renvoyée au rang de « véritable capitale » cogérée par Flamands et Wallons.
Ce schéma s’oppose à celui d’un confédéralisme classique qui réside dans la volonté de plusieurs Etats souverains et indépendants de mettre un certain nombre de choses en commun. Or, ni Bruxelles, ni la Wallonie, ni la Flandre ne sont indépendantes.
Bénéfique aux francophones
Ce contre-sens n’empêche pas la N-VA de faire aujourd’hui du confédéralisme son moteur dans les négociations devant mener à la formation du gouvernement… fédéral. Ou le Parti socialiste francophone d’Elio Di Rupo accepte de discuter du confédéralisme, dit-elle en substance, ou la N-VA ne s’assoira pas à la table de négociations. Pour les socialistes, jusqu’à ce jour, c’est « niet ».
Bart De Wever et ses nationalistes ne baissent pas les bras pour autant. Ces derniers jours, l’une des ex-pointures du parti, l’ancien président de la Chambre Siegfried Bracke, s’est appliqué à donner des interviews à la presse du sud du pays. Interviews dans lesquelles il répète inlassablement que le confédéralisme profiterait également aux francophones.
Un séparatisme annoncé
« Nous devons respecter (leur) dignité et leur expliquer le confédéralisme en français. Les partis francophones sont conscients qu’une nouvelle répartition des compétences est inévitable. La question est de savoir s’ils oseront franchir le pas », avance-t-il dans L'Echo.
Ce bel exercice de méthode Coué se heurte toutefois à deux obstacles, au moins. Le premier est que seule une faible minorité de Flamands veulent aujourd’hui de ce confédéralisme qui résonne comme un séparatisme annoncé.
Enviable Flandre
Le fossé entre Flamands et francophones n’a cessé de se creuser au cours des dernières décennies, c’est exact, mais plusieurs études d’opinion ont démontré qu’au nord la Belgique est désormais comprise comme une carte de visite précieuse à l’étranger. Une carte de visite qu’il faut conserver.
Le second obstacle est que jamais la Wallonie et Bruxelles ne prendront le risque de couper les ponts financiers avec la riche Flandre. En janvier dernier, avec une sincérité désarmante, le socialiste Elio Di Rupo avait reconnu que 5 milliards d’euros «flamands» transitent, chaque année, via la sécurité sociale vers la Wallonie.
Ce jeu de dupes ne trompe personne. Il voit la N-VA remettre sur le dos du PS la responsabilité de négociations impossibles à mener en l’état. Il donne aussi le change à un moment où les nationalistes de De Wever s’apprêtent à refuser une alliance avec le Vlaams Belang pour former un gouvernement flamand.
L’essentiel est de ne pas laisser à l’extrême droite le monopole de la fermeté à l’égard des francophones. Mais mieux vaut le confédéralisme que le séparatisme, souffle la N-VA.
