Jamais deux sans trois pour Marine Le Pen
Jamais deux sans trois pour Marine Le Pen
De notre correspondante Christine LONGIN (Paris) - Après un discours d'une heure, les lumières s'assombrissent dans la salle des congrès de Reims. La candidate se présente devant le pupitre et déclare d'une voix douce : «Maintenant, je vais prendre quelques minutes pour parler de moi». Marine Le Pen raconte sa vie aux quelque 7.000 auditeurs venus assister à son premier meeting de campagne début février.
Son enfance en tant que fille de Jean-Marie Le Pen, condamné pour racisme et antisémitisme. «Un père que je ne voyais que trop rarement», raconte-t-elle. À l'âge de huit ans, elle a été témoin d'un attentat contre sa maison. «Mon petit lit a flotté au-dessus du vide et je me suis demandé qui avait survécu».
J'ai beaucoup appris, j'ai parfois échoué, je suis tombée, mais je me suis relevée.
Marine Le Pen
La candidate appuie visiblement sur la glande lacrymale. Elle parle du divorce de ses parents et de l'époque où elle élevait seule ses trois enfants, qui sont nés peu de temps après. «J'ai beaucoup appris, j'ai parfois échoué, je suis tombée, mais je me suis relevée». Se montrer sous son côté vulnérable fait partie de la stratégie de Le Pen dans cette campagne électorale.
Le racisme demeure
Depuis qu'elle a repris le Front national de son père en 2011, elle tente de «dédiaboliser» le parti et de le rendre également éligible pour les conservateurs. L'avocate ne tolère plus les propos antisémites et se montre également plus discrète dans sa diatribe contre les musulmanes et les musulmans. Elle fait la différence entre l'islam et l'islamisme, répète-t-elle sans cesse. Elle a rebaptisé le parti de son père Rassemblement national (RN) - non plus un front, mais un mouvement de rassemblement.
Mais même si elle a changé de façade, elle reste fidèle à elle-même dans ses idées mâtinées de racisme. Ainsi, directement après son élection, Marine Le Pen veut organiser un référendum sur l'immigration, qui doit être totalement stoppée. «Ma main ne tremblera pas quand il s'agira de défendre les Français contre la submersion migratoire», déclare-t-elle à Reims.
Pour les non-Français, elle veut supprimer les aides sociales, même si cela va à l'encontre du principe d'égalité de la Constitution. Et les foulards doivent être totalement interdits dans la rue.
Une aide de l'extrême droite
En 2017, la populiste de droite a obtenu un score remarquable de 33 % au second tour contre Emmanuel Macron et cette fois encore, selon les sondages, elle semble assurée d'accéder au second tour. Sa «dédiabolisation» semble également s'opérer dans l'esprit des Françaises et des Français. Selon un sondage, ils ne sont plus que 50 % à la considérer comme une menace pour la démocratie. Face à Emmanuel Macron, elle pourrait cette fois compter sur environ 43% des voix.
La candidature d'Eric Zemmour place Marine Le Pen davantage au centre.
Jean-Yves Camus, spécialiste de l'extrême droite
Le rôle d'épouvantail d'extrême droite a été repris à sa place par l'ancien commentateur de télévision Eric Zemmour, qui propage des théories du complot, s'en prend ouvertement aux musulmans et met en garde contre le «grand remplacement de population», après lequel la population blanche chrétienne sera remplacée par une population arabo-musulmane. «La candidature d'Eric Zemmour place Marine Le Pen davantage au centre», estime Jean-Yves Camus, spécialiste de l'extrême droite.
Sa dernière élection
Alors qu'Eric Zemmour considère que sa candidature n'est qu'un début, pour Marine Le Pen, sa troisième élection présidentielle, après celles de 2012 et 2017, sera aussi sa dernière. Pendant longtemps, on n'a pas su si elle se présenterait à nouveau. Le débat télévisé de 2017 contre Emmanuel Macron, qu'elle avait complètement raté, avait notamment terni sa réputation.
Mais Marine Le Pen s'est ressaisie. Elle s'est fait coacher par un petit cercle d'experts afin de mieux maîtriser les thèmes économiques notamment. Il y a cinq ans, c'est sa demande de sortie de la zone euro qui lui a été fatale. Lorsqu'elle s'est aperçue que les Françaises et les Français étaient attachés à la monnaie unique, elle a basculé juste avant les élections vers un système de double monnaie, qu'elle n'a toutefois pas pu expliquer elle-même.
Elle a mis le sujet de l'euro de côté pour le moment. Elle veut désormais changer de l'intérieur l'UE qu'elle voulait encore quitter en 2017. Elle veut en faire une Europe des États-nations, en renégociant les traités européens et en retirant ses compétences à la Commission. Elle aspire toujours à la fin de l'UE. Mais elle ne le dit plus.
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