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Immobilier en Moselle: «Heureusement que le sillon lorrain existe»
International 6 min. 23.01.2014 Cet article est archivé

Immobilier en Moselle: «Heureusement que le sillon lorrain existe»

Ennery, le long de la D1, en septembre 2008

Immobilier en Moselle: «Heureusement que le sillon lorrain existe»

Ennery, le long de la D1, en septembre 2008
Capture d'écran StreetView
International 6 min. 23.01.2014 Cet article est archivé

Immobilier en Moselle: «Heureusement que le sillon lorrain existe»

En dehors de l'axe Metz – Luxembourg, morne plaine : quatre professionnels de l'immobilier en Lorraine insistent sur le rôle des frontaliers dans la dynamique du marché immobilier et soulignent les difficultés auxquelles les futurs propriétaires font face alors qu'en certains endroits, le prix de l'are avoisine les 30.000 euros.

Les prix de l'immobilier en Lorraine se sont-ils effondrés depuis le début de la crise ? Pas vraiment ou, plutôt, tout dépend de quel secteur on parle. Nous avons demandé à quatre professionnels de nous communiquer leur ressenti face à l'évolution des ventes dans le Nord mosellan ces dernières années :

  • Yannick Schroeder, dirigeant du Groupe Schroeder Immobilier, un aménageur lotisseur mosellan ;

  • Jean-Pierre Fischer, agent au sein du cabinet Benedic d'Amnéville, spécialisé sur le sillon lorrain A31 Metz – Luxembourg ;

  • Sonia El' Andoulsi, agent chez Prestige Immobilier, Thionville, spécialisé sur le même sillon ;

  • Pierre Michaux, qui travaille pour Maisons Batigère, constructeur de maisons individuelles, en Moselle et Meurthe-et-Moselle Nord.

Sur le sillon lorrain, les prix se maintiennent...

« Globalement en Moselle, on note une baisse des prix de l'immobilier », analyse Jean-Pierre Fischer, qui estime qu'a contrario, « sur le sillon de l'A31, notamment sur les maisons récentes, les prix se stabilisent ». Une vision que partage Yannick Schroeder : « Dans le département, le secteur qui résiste, c'est le sillon lorrain autour de l'A31, de Metz au Luxembourg ».

Le « sillon lorrain » se structure principalement autour de l'A31 et regroupe notamment Thionville, Metz et Nancy. Sur la partie de cet axe entre Metz et Luxembourg, le maintien des prix est d'abord dû à un manque de l'offre, estime Yannick Schroeder. « Peu de communes souhaitent urbaniser davantage et, en conséquence, les prix restent élevés », estime-t-il, même si des lotissements continuent à sortir régulièrement de terre, comme à Ennery, tempère Sonia El'Andoulsi.

L'orientation prise en France depuis quelques années est d'éviter ce qu'on appelle le « mitage urbain », confirme Pierre Michaux, pour densifier le parc urbain intra-muros et privilégier le collectif.

Néanmoins, la maison individuelle « reste l'objectif de quatre Français sur cinq », ajoute M. Michaux. Le gouvernement français favorise par ailleurs la rénovation de l'ancien, avec des aides à cette fin.

… mais la demande s'est effondrée

« Il y a eu une forte demande entre 2006 et 2008 qui s'est par la suite effondrée. Dans ce contexte, l'A31 et l'axe Hettange-Grande – Frisange fonctionnent mieux que celui de Mondorf », atteste Yannick Schroeder.

Dans la construction, l'évolution des ventes est clairement à la baisse, confirme Pierre Michaux. « Le marché est difficile et en Moselle nous sommes soumis à une grosse concurrence. Mais le problème principal reste le financement. A ce titre, une nouvelle réglementation thermique arrivée en janvier 2013 a fait augmenter le prix des maisons neuves de 10 à 15%... tout en sachant que les banques financent moins. »

Une tendance que confirme Sonia El'Andoulsi : « Au lendemain de la crise de 2008, les prix n'ont pas chuté et, depuis, le marché évolue en dents de scie. Mais des biens en vente, il y en a énormément. Ce sont les acheteurs qui font défaut. »

Des terrains qui avoisinent 30.000 euros l'are

Comme au Luxembourg, le prix des terrains devient un frein important. « Je commence à voir des terrains qui coûtent plus cher que les maisons », poursuit M. Michaux, citant à Marly, la banlieue chic de Metz, des terrains à 26.500 euros l'are ou, à Yutz, un terrain « de qualité discutable », vendu 23.000 euros l'are ; un prix également constaté à Roussy le Bourg.

Les clients : des frontaliers, plus âgés

Conséquence : « Depuis un an, je ne vois quasiment plus de primo-accédant, de jeune couple voulant accéder à la propriété. Les gens que je rencontre aujourd'hui ont des revenus assez confortables, bien souvent des frontaliers », atteste Pierre Michaux. D'autant que, même si les taux d'intérêts restent bas, « l'accès au crédit pose problème », souligne M. Schroeder.

Et si, sur le sillon lorrain, les prix résistent, « c'est notamment dû à la clientèle de frontaliers qui a des revenus supérieurs et donc une capacité d'endettement plus importante », note Sonia El'Andoulsi. Ce qui permet à cette population « dont l'emploi du temps est comparativement plus chargé » d'acquérir « un bien récent, au goût du jour et sans travaux. Quand un tel produit est disponible, même à un prix relativement élevé, il part », conclut M. Fischer : « En 2013, une dizaine de biens qui répondaient à ces critères est partie sans négociation. »

Les frontaliers, véritable lueur d'espoir des promoteurs ? « Il y a de plus en plus de frontaliers, donc de futurs propriétaires. De plus en plus de Luxembourgeois viennent en France. Il y a de l'avenir quand même. Mon métier, j'aurais du mal à le faire en d'autres endroits de la région », résume M. Michaux.

Les Luxembourgeois débarquent-ils en France ?

Dans son dernier rapport sur la question, l'INSEE note l'installation de quelque 600 Belges et 600 Luxembourgeois dans le Nord lorrain entre 2002 et 2007. Un phénomène encore timide et récent aux yeux de l'Institut, qui recensait en 2007 1.325 Luxembourgeois dans le secteur (soit 0,5% de la population du Nord lorrain).

Assez pour tirer les prix de l'immobilier vers le haut ? Les avis sont contrastés. « A mon sens, il y a essentiellement des Français qui étaient résidents luxembourgeois, locataires, et souhaitent se porter acquéreurs en France », tempère M. Schroeder. Mme El'Andoulsi nuance aussi l'idée : «Jusqu'à présent, je ne trouve pas qu'il y ait beaucoup de Luxembourgeois qui aient fait le choix de s'installer en France. »

M. Fischer confie avoir trois connaissances qui ont vendu leur maison à des Luxembourgeois, « dans des secteurs même ruraux, à des prix de vente qui me faisaient sourire », tout en veillant à ne pas tirer de ces expériences une généralité.

« J'ai le cas d'une maison à Bouzonville, très sympa, de 130 mètres carrés, vendue à des Luxembourgeois retraités 280.000 euros, ce qui est très cher pour le secteur. Les deux autres cas étaient dans le coin de Sierck-les-Bains », énumère-t-il, dressant par ailleurs un parallèle avec Perl, en Allemagne, « où les prix s'envolent ».

Pas de crainte de l'éclatement d'une bulle immobilière au Luxembourg

« Très franchement je ne m'inquiète pas beaucoup pour le Luxembourg. On avait la même crainte d'une bulle immobilière à Paris. Certes les prix commencent à chuter un petit peu dans la capitale française, ceci dit je pense qu'il n'y a pas eu plus rentable comme investissement que d'acheter à Paris », assure M. Fischer, dont le cabinet va s'installer très prochainement à Luxembourg : « Nous sommes certains que c'est un marché porteur et pérenne. »

Point de vue partagé par Mme El'Andoulsi : « Le marché immobilier au Luxembourg a encore de beaux jours devant lui », ainsi que par M. Schroeder : « On a pensé que le marché immobilier luxembourgeois allait devenir un peu moins attractif pour les investisseurs, or ce n'est pas du tout le cas », jugeant néanmoins la situation « surréaliste » avec un prix de l'are « qui peut monter jusqu'à 100.000 euros ».

Dominique Nauroy


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