«Il faut qu'il y ait un patron à droite»
«Il faut qu'il y ait un patron à droite»
Ce weekend des 3 et 4 décembre, en France, les 91.110 adhérents du parti Les Républicains (LR) sont appelés à voter pour choisir leur nouveau chef. Parmi les candidats en lice figurent le député des Alpes-Maritimes Eric Ciotti, le sénateur de Vendée Bruno Retailleau et le député du Lot Aurélien Pradié. Cette élection doit permettre de donner un nouveau cap à la droite française, après son échec lors de la dernière élection présidentielle où la candidate LR Valérie Pécresse n'était parvenue à obtenir que 4,8%.
«C'est un scrutin très important parce qu'il faut mettre les choses en place. Il faut qu'il y ait un patron. Les militants sont déçus par le passé et impatients pour l'avenir. Actuellement, le parti vit avec une gestion de remplacement, et pas avec une stature de caractère national», estime Vincent Derudder. Le chargé de mission du parti LR au Luxembourg indique qu'au 24 octobre dernier, le Grand-Duché recensait 73 militants à jour de cotisation, qui pourront donc voter.
«Il ne faut pas tourner autour du pot»
«C'est très important que nous ayons enfin un président qui, je l'espère, sera élu avec une grande majorité. Parce que s'il est élu avec 51 ou 49%, ce n'est pas très positif et ça ne solutionne pas les différences qui peuvent exister à l'intérieur de LR», ajoute le conseiller des Français de l'étranger.
Si Eric Ciotti est perçu comme favori dans ce scrutin, il obtient également le soutien de la plupart des militants au Luxembourg, dont celui de Vincent Derudder: «Je suis de Cannes, donc des Alpes-Maritimes. Par conséquent, évidemment, mon cœur bat pour Eric Ciotti. Cela n'empêche pas que Bruno Retailleau soit un homme de qualité et honnête. En tant que président du groupe LR au Sénat, il a fait un super travail. Maintenant, à la tête de LR, il faut quelqu'un qui soit un petit peu plus dur parce qu'il ne faut pas tourner autour du pot, il ne faut pas vouloir faire du politiquement correct. Eric Ciotti est certainement celui qui représente le plus la tradition des militants LR depuis le temps du général de Gaulle. C'est un homme au franc-parler.» Un atout important selon Vincent Derudder pour regagner les électeurs perdus et se différencier nettement du parti de Macron.
Quelle place sur l'échiquier politique pour LR entre La République en marche (LREM) et le Rassemblement national (RN)? «Macron est un bourgeois de gauche. Il mènerait même la politique de Marine Le Pen si ça pouvait lui apporter des voix. Il soutiendrait donc n'importe qui, de l'extrême gauche à l'extrême droite. Avec lui, un jour, il faut faire rentrer les immigrés, le lendemain il faut les jeter à la mer. C'est un homme sans convictions et c'est cela qui manque justement à la France. Quant à Marine Le Pen, ses idées gagnent du terrain en Europe, quand on voit les élections en Suède ou en Italie. Comme le dit Laurent Wauquiez, si en 2027, il n'y a pas un candidat qui soit vraiment de droite, Marine Le Pen sera élue.»
Wauquiez, candidat de la droite en 2027?
Dans sa campagne électorale pour remporter la présidence de LR, Eric Ciotti a affirmé que s'il était élu, il désignerait le président d'Auvergne-Rhône-Alpes comme candidat à la présidentielle de 2027. Dans un entretien publié dans le JDD en septembre dernier, le député affirme que «Laurent Wauquiez est le mieux placé pour incarner l'avenir de la droite. Il a développé des politiques très novatrices tout en gérant remarquablement l'argent public. Il porte une vision courageuse de la France et de son avenir.»
Vincent Derudder partage ce point de vue: «Il dirige la région la mieux gérée et la moins endettée de France, c'est un fantastique gestionnaire. Laurent Wauquiez a aussi un bagage universitaire que n'a pas Emmanuel Macron et c'est un homme de convictions.»
Si vous avez un assistant qui vous a arrangé le dîner, vous ne pouvez pas vous occuper de tout et compter les petites cuillères.
Vincent Derudder, chargé de mission LR au Luxembourg
Un bon gestionnaire, vraiment? Pas tout à fait selon Médiapart qui révèle que ce dernier a utilisé près de 150.000 euros d'argent public pour organiser un dîner fastueux. Vincent Derudder balaie d'un revers de la main ces accusations: «Vous croyez que Macron n'a pas de casseroles? Il en a plein! N'oubliez pas qu'il est un ancien de chez Rothschild. Souvenez-vous comment il a fait sa fortune avec des bonus chez Rothschild en vendant des biens de l'Etat. Il n'y a pas d'homme politique 100 % clean.»
Des politiciens ''sans casseroles'', mission impossible? Une situation plutôt triste et grave pour la classe politique, non? Réponse de l'intéressé: «Si vous avez un assistant comme dans le cas de Laurent Wauquiez qui vous a arrangé le dîner, vous ne pouvez pas vous occuper de tout et compter les petites cuillères. La mentalité de l'opinion publique a changé. Tout ce dont on a accusé François Fillon, tout le monde l'a fait pendant 50 ans et du jour au lendemain, ce n'était plus bien d'employer sa femme.»
En mai dernier, la cour d'appel de Paris a condamné François Fillon et son épouse Penelope pour les emplois fictifs d'assistante parlementaire de sa femme. Le couple Fillon a décidé de se pourvoir en cassation.
Pour Vincent Derudder, les différentes affaires évoquées à droite n'entachent pas le nom du parti: «Je crois que l'électeur de base s'en moque, qu'il sait très bien que tous les autres sont aussi mouillés que nous et il se rend bien compte de l'obsession des magistrats, majoritairement de gauche, à ne poursuivre que des hommes politiques de droite et jamais de gauche.» Selon le chargé de mission LR, la droite a échoué lors de la dernière présidentielle à cause du «manque de charisme de Valérie Pécresse et parce qu'elle n'a pas réussi à répondre aux attentes des électeurs de droite». Selon le chargé de mission LR, trois arguments expliquent l'échec de son parti ces dernières années: le manque de ligne claire, l'attraction des autres partis et le manque de renouvellement.
Toutes ces histoires de front républicain, c'était une petite salade. Je ne vois pas où est le problème de s'associer avec le RN.
Vincent Derudder
Quelles valeurs le parti LR doit-il porter selon lui pour se relancer? «Le patriotisme, notamment quand vous voyez la dégringolade de la qualité de l'éducation en France, c'est un gros problème. Il faut rétablir cette qualité d'enseignement. L'autre élément qu'Eric Ciotti connaît très bien, c'est l'élément fiscal. La France est un désastre, c'est le pays le plus fiscalisé d'Europe. Je suis aussi pour la suppression des droits de succession.»
En septembre 2021, Eric Ciotti déclarait qu'en cas de duel entre Eric Zemmour et Emmanuel Macron au second tour de l'élection présidentielle, il voterait pour Eric Zemmour. Vincent Derudder estime que ce dernier «aurait pu être chez LR». Encore aujourd'hui? «C'est un autre sujet. C'est la fameuse union des droites. Je pense que si on la faisait véritablement, ça aurait du sens.»
Cette union aurait-elle du sens entre LR, Reconquête et Rassemblement national? «Oui. Toutes ces histoires de front républicain, c'était une petite salade. Je ne vois pas où est le problème de s'associer avec le RN. L'important, c'est que les gens soient patriotes et veulent défendre leur pays. Je pense que chez nous, Les Républicains, on a une attitude plus réfléchie sur les sujets que le Rassemblement national, mais ça, c'est un problème culturel.»
«Historiquement, nous étions un parti de réflexion avec des gens de qualité. Le RN a tout de même un passé avec Jean-Marie Le Pen qui était un homme un petit peu violent sur les bords et pas le petit bonhomme sympa du coin de la rue. Il y a quand même une différence, mais ça ne devrait pas nous empêcher de travailler ensemble. Si vous travaillez avec quelqu'un, vous ne partez pas forcément en vacances avec lui.» Contrairement à Jean-Marie Le Pen, Vincent Derudder considère que sa fille Marine a entamé un «changement radical dans son attitude et qu'elle a su s'entourer de personnes, notamment issues de LR, qui ont changé le caractère du RN».
«Un parti en mutation»
Alexandre Dias est loin de partager ce point de vue. Le suppléant LR du Luxembourg se dit fermement opposé à une union des droites: «Je suis absolument contre. Je ne vois aucun projet commun entre LR et RN, hormis le fantasme de la frange dure de LR. Je suis à droite et non à l'extrême droite. Le fondement idéologique de l'extrême droite ne fait pas partie de mes valeurs.»
Parmi les candidats en lice pour la présidence LR, Alexandre Dias confie se reconnaître davantage dans celle d'Aurélien Pradié, député du Lot et secrétaire général du parti: «Je suis peut-être plus jeune et libéral. Il y a aussi une dimension géographique. Bruno Retailleau est un Vendéen, donc une terre très conservatrice. Eric Ciotti vient du sud-est, donc aussi très conservateur. Pour toutes ces raisons, je m'oriente plus vers Aurélien Pradié.»
Si celui-ci ne venait pas à remporter l'élection, le suppléant dit qu'il ne quitterait pas pour autant LR. «C'est un parti en mutation et ces phases ne sont jamais évidentes. On retravaille la ligne directrice du parti. Il ne faut pas oublier que les élections européennes et sénatoriales approchent. Je crois que c'est positif, on a souvent fait le reproche au parti de ne pas consulter ses militants. Là, nous avons la chance de pouvoir élire le président», ajoute Alexandre Dias.
Pour l'instant, je ne vois personne qui se dégage, a le charisme et les idées.
Clothilde Marie, militante LR
Clothilde Marie, militante depuis dix ans au sein de LR, vit depuis deux ans au Luxembourg. Pour elle, le parti a subi des défaites ces dernières années, parce que LR a «perdu le vote populaire»: «Ils se sont ''parisianisés'' et le vote populaire est parti au RN. L'affaire Fillon a été la goutte d'eau de trop. Et finalement, il n'y a pas eu de renouvellement de génération. Lors de la primaire de la droite en 2016, je m'occupais du comité de soutien de Bruno Le Maire, parce qu'il avait compris qu'il fallait une nouvelle génération et de nouvelles idées.»
Clothilde Marie regrette que LR ne soit plus une force de propositions concernant l'économie:«Avant, ils avaient des solutions, mais ils sont partis peu à peu vers des dérives identitaires depuis Sarkozy, alors que ce n'est pas le cœur du parti.» L'expatriée reconnaît que parmi les candidats, il n'y a pas de véritable renouveau: «Je ne suis pas super emballée, mais en même temps, il n'y a rien dans le parti qui fait émerger des talents.» Pour qui compte-t-elle voter ce weekend? «Je voterai pour Bruno Retailleau parce qu'au Sénat, il gère bien son groupe. Ils ont beaucoup travaillé sur l'inclusion scolaire. Ils ont notamment créé une commission scolaire pour les Français de l'étranger», souligne cette mère de famille qui a une fille autiste.
Est-ce le seul critère qui justifie son choix? «Oui, parce que j'ai toujours été orienté plus au niveau politique que sur l'inclusion scolaire. Si ça ne concerne pas ce sujet, ça ne m'intéresse pas (rires). C'est peut-être un peu clientéliste, mais on est tellement en retard sur la problématique qu'on ne peut pas se permettre de s'éparpiller sur d'autres choses.»
Des militants résignés?
Quelles sont ses attentes concernant le scrutin de ce weekend? «Je n'ai pas de grands espoirs, on va voir ce que ça donne, j'espère me tromper. Mais de toute façon, il faut qu'il y ait un électrochoc, sauf qu'on ne peut pas reprendre les mêmes et reproduire la même chose. Pour l'instant, je ne vois personne qui se dégage, a le charisme et les idées. Même pas Bruno Retailleau», lâche Clothilde Marie. Un désespoir partagé au sein des militants? «Je pense qu'il y a une certaine forme de résignation, mais il y a un tel rejet de Macron que ça leur donne du courage», note Vincent Derudder, le chef LR du Luxembourg.
Pour Alexandre Dias, plusieurs têtes se profilent pour 2027, dont Laurent Wauquiez mais aussi David Lisnard, le maire de Cannes et président de l'Association des maires de France (AMF). Concernant le scrutin de ce weekend, Alexandre Dias pense que Bruno Retailleau «peut l'emporter dès le premier tour». Les résultats sont attendus dimanche soir.
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