Hadja Lahbib, le beau coup de com' des libéraux belges
Hadja Lahbib, le beau coup de com' des libéraux belges
De notre correspondant Max Helleff (Bruxelles) - La chaîne publique RTBF a consacré lundi un reportage à Hadja Lahbib, son ex-journaliste devenue ministre des Affaires étrangères. La nouvelle cheffe de la diplomatie belge y est apparue encore sous le choc de l'émotion, un brin angoissée mais parlant vrai. «Le plus dur, a-t-elle lâché au micro, c'est de faire la différence entre ce qu'on peut dire et ce qu'on ne peut pas dire».
Cet aveu en dit long sur l’apprentissage qui attend cette novice en politique, dans un rôle où elle aura à jouer les funambules en permanence. L'Union européenne, le Congo, Israël, le conflit russo-ukrainien… sont autant de dossiers où chaque mot compte dès lors qu’il faut incarner la voix de la Belgique sur la scène internationale.
Vendredi dernier, Hadja Lahbib, une ancienne présentatrice du journal de la RTBF, a créé la surprise en acceptant de succéder à la libérale Sophie Wilmès au poste de ministre des Affaires étrangères. Cette francophone issue d’une famille d’origine algérienne passe pour exemplaire d’une intégration réussie. Elle a longtemps été le visage féminin et souriant d’une chaîne publique soucieuse de refléter une certaine diversité. Mais elle n’a aucune expérience en politique. Le 15 juillet, c'est pourtant elle que Georges-Louis Bouchez, le président du Mouvement réformateur (MR, libéral francophone), a choisie pour diriger le ministère de la rue des Petits-Carmes. La veille, Sophie Wilmès avait annoncé quitter définitivement son poste pour soutenir son mari atteint d’une tumeur au cerveau.
A 52 ans, le curriculum vitae d’Hadja Lahbib ne se limite toutefois pas à la présentation du JT «ertébéen». Il y a quelques années, elle s’est muée en réalisatrice de documentaires. Elle connaît le monde et ses misères pour les avoir interrogés au cours de plusieurs voyages. Dans un autre registre, le gouvernement régional bruxellois lui a demandé de préparer la candidature de Bruxelles comme capitale européenne de la culture en 2030, souligne l’agence Belga.
Une «femme de terrain»
Avec l'arrivée d’Hadja Lahbib, la politique fédérale belge tourne un peu plus le dos au machisme. Longtemps, les Affaires étrangères ont constitué le ring attitré de «costauds» parmi lesquels les Paul-Henri Spaak, Henri Simonet, Didier Reynders et autre Louis Michel. Le style qu'imprimera Hadja Lahbib à sa fonction reste fatalement à définir, mais il sera différent. Lundi, elle a découvert son nouveau job à la manière d’une page blanche lors d’un premier conseil européen où elle a constaté les répercussions du conflit russo-ukrainien sur les citoyens «confrontés à des prix très élevés des matières premières et de l’énergie». Les sanctions commencent à faire mal au portefeuille des Belges…
L'humeur des diplomates de carrière est plutôt à la surprise. Certains saluent l'arrivée d’une vraie «femme de terrain». Côté néerlandophone, le feeling est plutôt bon dans la mesure où la nouvelle patronne semble se débrouiller dans la langue de Vondel. Et comme les Affaires étrangères ont longtemps constitué le pré carré des chrétiens-démocrates flamands, mieux vaut être armé sur le plan linguistique pour plaire au nord du pays.
Contrairement à ce que prétend l’étiquette, tous les diplomates belges (ou presque) sont proches d’un parti. Leur avancement dépend de leurs états de service, mais aussi des équilibres politiques. D'où la réflexion de cet ancien ambassadeur au Soir : «La nomination d’ Hadja Lahbib est plutôt une bonne chose pour calmer le jeu au niveau des nominations politiques. Mais si elle dit qu’elle n'est ni de gauche ni de droite, elle est quand même nommée par le Mouvement réformateur», parti qui s’est fortement repositionné à droite au cours des dernières années.
On s'en doute : la nomination d’Hadja Lahbib a fait des mécontents et des jaloux à l'intérieur du Mouvement réformateur. Mais tout le monde en convient : en allant chercher une femme issue de l'immigration, étiquetée à gauche quoi qu'en dise l'intéressée, le président du MR Georges-Louis Bouchez a réalisé une excellente opération. A ce beau coup de com' s'ajoute la perspective d’aller chercher demain un électorat qui ne se reconnaît pas ou plus dans le libéralisme à la belge. Car il ne faudrait pas qu'à s’opposer en permanence aux socialistes et aux écologistes, les «bleus» n’apparaissent plus que comme les alliés indéfectibles des nantis et des conducteurs de grosses cylindrées. Avec Hadja Lahbib à leur côté, le message est clair : ils ont eux aussi la main sur le cœur.
Suivez-nous sur Facebook, Twitter et abonnez-vous à notre newsletter de 17h.
