En route pour un troisième tour
En route pour un troisième tour
Par Gaston Carré
La France s’est résignée à une délibération lasse, entre un homme en qui beaucoup de Français ne se reconnaissent pas et une femme qui, loin de porter un projet d’avenir, ne fait que brasser leurs appréhensions. L’élection a donné lieu à un double tir de barrage, chacun des camps principaux ayant visé, surtout, à neutraliser le candidat de l’autre, mais le tir le plus mortifère est venu d’un troisième camp, de ces citoyens qui plutôt que voter par la négative ont choisi de ne pas choisir.
C’est le mal-aimé qui en définitive l’a emporté. Emmanuel Macron, premier président à être réélu hors cohabitation avec une majorité opposée. Face aux candidats en lice, les Français ont préféré l’homme qui puisse les rassurer à défaut de les faire rêver. Cette préférence permet à la France de ne pas vaciller sur ses fondements, et l’Europe en est soulagée.
Mais à quel prix, cette victoire de Macron, quand sa rivale atteint le plus haut score jamais obtenu par un mouvement d’extrême droite? L’élection de Marine Le Pen sans doute aurait mené à des troubles dans les banlieues, mais la victoire de Macron peut laisser craindre des colères plus générales - un troisième tour se déroulera au moment des législatives, mais il est à craindre qu’il ne se déroule dans la rue aussi.
Apaiser et convaincre
Comment le président va-t-il apaiser les Françaises et Français qui n’ont pas voulu de lui? Convaincre ceux et celles qui l’ont élu par défaut, comme un moindre mal? Immense est le défi auquel il se voit confronté. Car les Français considèrent que leur pouvoir d’achat se dégrade, que l’éducation n’assume plus son rôle, que le système de santé est malade, que l’Europe pas plus que la France n’est à la hauteur des défis que le monde leur lance - la France surtout exprime un sentiment d’«insécurité», dont Le Pen donne une définition trop restrictive.
Car ce sentiment est le produit d’un mal-être, de Français qui se sentent démunis, dépréciés, désorientés. L’insécurité est l’autre nom de la peur, mais c’est d’une peur profonde qu’il s’agit, et il n’est pas sûr qu’Emmanuel Macron ait bien compris cela, quand il prétend traiter le problème en augmentant les effectifs de la police. Le président doit faire preuve d’humilité désormais - rien ne serait pire pour lui, et la France, que de laisser croire qu’il reste à l’Elysée de plein droit, sûr que des mesures techniques suffiront à traiter les maux.
Tenter l'avenir
Macron doit donner des gages à la gauche. A un électorat dont sept millions de voix se sont portées sur Mélenchon, qu’il pourrait satisfaire en intégrant un peu d’«insoumission» à son gouvernement. Des gages aux jeunes, car jamais un président si vert ne fut plus incompris de ceux-ci, en matière d’écologie notamment. Mais comment séduire les Insoumis sans s’aliéner les électeurs de Le Pen, demandeurs d’autorité? Comment parler aux jeunes, quand ceux-ci sont indifférents au discours politique? Comment, de façon plus générale, convaincre la France que l’avenir vaut d’être tenté, quand un fou peut mettre le feu au continent?
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