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En Belgique, la déradicalisation est en échec
International 3 min. 29.11.2018 Cet article est archivé

En Belgique, la déradicalisation est en échec

En Belgique, la déradicalisation est en échec

Photo: Shutterstock
International 3 min. 29.11.2018 Cet article est archivé

En Belgique, la déradicalisation est en échec

Les deux tiers des détenus radicalisés ne bénéficient ni d'un traitement psychologique ni de mesures d'accompagnement.

Par Max Helleff, à Bruxelles

Le 10 janvier, le procès de Mehdi Nemmouche débutera devant la cour d’assises de Bruxelles. Nemmouche est accusé d’avoir commis l’attentat du Musée juif de Bruxelles le 24 mai 2014, laissant derrière lui quatre morts. Une semaine plus tard, il avait été arrêté à Marseille en possession d’armes, de munitions et d’un drapeau de l’organisation djihadiste Etat islamique. Il comparaîtra aux côtés d’un complice présumé: Nacer Bendrer.

Ces préparatifs coïncident avec la publication d’un rapport consacré à l’état des lieux des prisons belges par un think tank nommé Groupe du Vendredi. Surpeuplées, logeant quelque 11.000 prisonniers dont un nombre effarant de récidivistes (57 %), elles font aussi l’objet d’une attention particulière dans la mesure où on y trouve des radicalisés.

Idéalement, du moins c’est le vœu des autorités, la prison devrait aussi être le lieu de la déradicalisation. Il en va de la sécurité publique, puisqu’un jour ces détenus seront appelés à être relâchés.

447 détenus radicalisés

Pourtant, le constat que fait le Groupe du Vendredi n’a rien de rassurant. Le think tank s’appuie lui-même sur un rapport établi en janvier 2018 par la cellule Extrémisme de la Direction générale des établissements pénitentiaires et de la Sûreté de l’Etat. Selon cette étude, 447 détenus sont considérés comme radicalisés en Belgique et 237 d'entre eux ont eu des activités liées à l’extrémisme ou au terrorisme.

Une vingtaine de détenus sont qualifiés de fortement radicalisés. Ils sont emprisonnés dans deux sections spéciales des prisons de Hasselt et d’Ittre. 4,5 pour cent de la population pénitentiaire actuelle est donc considérée comme radicalisée.

Ces chiffres doivent toutefois être pris avec des pincettes. Il s’agit d’une «estimation», nuance en effet le rapport, «les techniques de détection et de suivi de la radicalisation par les autorités judiciaires et pénitentiaires étant très fragmentées».

Il reste que sur les 447 détenus concernés, 132 seulement ont fait l’objet d’un traitement individualisé. Et seules douze personnes fortement radicalisées (sur une vingtaine donc) suivent un programme individuel de déradicalisation.

Efficacité à terme

«En d’autres termes, les deux tiers des détenus qualifiés de radicalisés ne bénéficient d’aucun traitement psychologique ni d’aucun accompagnement», conclut le Groupe du Vendredi. Rien n’assure par ailleurs que les traitements appliqués sont efficaces à terme. Le Groupe du Vendredi fait encore valoir que de courtes périodes de détention préventive peuvent contribuer à la radicalisation en raison de la vulnérabilité psychologique du prisonnier.

L’ensemble de ces données renvoie le législateur et le juge face à une question a priori insoluble: que faire en effet des radicalisés réputés dangereux si l’on sait par avance que la prison ne peut préserver la société du péril qu’ils représentent? «Pour une poignée d’entre eux, écrit ,Le Soir‘, ce retour à la société est d’ailleurs imminent. Si un dispositif de surveillance est évidemment prévu pour les profils les plus dangereux, nos services de sécurité ne sont pas en mesure de tenir à l’œil tous ceux qui figurent dans les fichiers de l’Organe de coordination pour l’analyse de la menace (Ocam)».

Ce constat intervient au terme de trois années de réflexions, de décisions et de financements liés à la déradicalisation, que ce soit au niveau fédéral ou régional. Il conclut à un échec alors que plusieurs radicalisés de «seconde zone» ont déjà quitté la prison.


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