En Belgique, des sectes laissées sans surveillance
En Belgique, des sectes laissées sans surveillance
De notre correspondant Max HELLEFF (Bruxelles) - La Belgique passe pour être un nid d’espions concentrés sur l’industrie et sur les institutions internationales établies à Bruxelles. Historiquement, elle est aussi au carrefour de mouvements qui se sont livrés par le passé à des activités terroristes comme le Gia, l’Eta et plus récemment Daech. Ce tableau peu avenant doit être complété des sectes qui, de toute évidence, n’ont pas renoncé à fréquenter le royaume.
Dans les années 90, quelque 189 organisations plus ou moins suspectes, en porte-à-faux entre sectes et religions, avaient été répertoriées. Un Centre d’information et d’avis sur les organisations sectaires nuisibles (CIAOSN) avait été créé. Depuis, il travaille avec le parquet, la police fédérale et les services de renseignement. La Sûreté de l’État a pour sa part la mission de recueillir des informations sur les organisations visées.
Ce bouclier ne semble toutefois plus suffire. «Sept jours sur sept, des citoyens arrivent chez nous avec des témoignages ou des demandes d’informations», commente Kerstine Vanderput, la directrice du centre Ciaosn. Pour elle, «des gens sont dans le besoin, certains vivent des situations horribles. Le danger existe toujours».
L'inquiétude est d'autant plus grande qu'en France un rapport vient d'être présenté par la Miviludes, la mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires. On peut y lire que «la crise sanitaire a provoqué une augmentation des pratiques susceptibles d’engendrer des dérives sectaires, sans que les effets de la pandémie de la Covid 19 ne puissent être encore totalement mesurés (…) au vu du temps nécessaire à la mise en place du processus d’emprise (…)».
Conspirationnistes, survivalistes and Co
Mais il est aussi signalé dans le rapport que, dans le domaine religieux, «le regain d’activité des courants apocalyptiques, qui voient dans la pandémie un signe et une confirmation de l’éminence de la fin des temps, est notable. L’impact que peuvent avoir ces discours simplistes et autoritaires sur des personnes isolées ou angoissées par la crise pourrait engendrer de nouvelles saisines dans les mois à venir».
Sont notamment pointés Qanon (une mouvance conspirationniste d'extrême droite venue des États-Unis), les survivalistes et les adeptes de la collapsologie. Ils profitent de l’insécurité psychologique engendrée par la crise sanitaire pour étendre leur influence à travers les réseaux sociaux.
Mais quid en Belgique où les services de renseignement ont été happés par la lutte antiterroriste depuis 2015? «On n’est pas loin du néant», regrette le parlementaire socialiste André Frédéric dans les colonnes du Soir. «Depuis 2015, la Sûreté de l’Etat, dont c’était l’une des missions, n’enquête plus sur les mouvements sectaires. Elle concentre ses moyens sur le terrorisme. Idem pour la police». Quant au Comité R, l’organe chargé de contrôler les activités et le fonctionnement de la Sûreté de l'État et du Service général du renseignement, il souligne l’insuffisance d’échange d’informations sur les sectes.
Il importe enfin de rappeler qu’en 2017, un infanticide avait attiré l’attention des autorités sur la prolifération des églises évangéliques en Belgique. La meurtrière en faisait partie. Depuis une vingtaine années, ces églises ont connu un essor certain lié, notamment, au phénomène migratoire. Parmi elles, des organisations «sérieuses» liées à la pratique religieuse. Mais aussi nombre d’associations sectaires qui nécessiteraient une surveillance de premier plan si les moyens étaient là.
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