Des «failles» persistent dans la traque des conflits d'intérêts dans l'UE
Des «failles» persistent dans la traque des conflits d'intérêts dans l'UE
(AFP) - Les efforts pour repérer et empêcher les conflits d'intérêts dans la distribution des fonds européens de la politique agricole commune (PAC) et de la politique de cohésion restent très insuffisants, a estimé lundi la Cour des comptes de l'UE.
Les deux plus gros postes du budget
«Tant la Commission européenne que les États membres ont déployé des efforts pour lutter contre les conflits d'intérêts, mais des failles persistent», en particulier pour détecter et signaler les situations à risque, observe un rapport de l'institution basée au Luxembourg.
La PAC et la politique de cohésion (financement de projets pour réduire les écarts de richesse entre régions) constituent les deux plus gros postes du budget de l'Union européenne, avec respectivement 56 milliards et 64 milliards d'euros de fonds distribués en 2021.
Leur gestion est partagée entre Bruxelles et les Etats, avec pour devoir d'éviter «tout conflit d'intérêts découlant d'affinités politiques ou nationales, d'intérêts économiques ou de tout intérêt personnel direct ou indirect» (liens familiaux, professionnels, commerciaux...) susceptible de fausser l'attribution des fonds.
Un ex-Premier ministre soupçonné de conflit d'intérêts
Le rapport cite le cas d'un fonctionnaire roumain approuvant des aides pour une firme dont il était actionnaire, et celui d'un employé du gouvernement luxembourgeois communiquant des données à son épouse agricultrice pour qu'elle sollicite certaines aides.
L'ex-Premier ministre tchèque Andrej Babis a lui-même été soupçonné de conflit d'intérêts entre ses fonctions politiques et sa carrière d'entrepreneur milliardaire, Bruxelles lui réclamant finalement le remboursement d'importantes subventions.
«Les déclarations sur l'honneur sont la méthode la plus utilisée pour prévenir ces conflits d'intérêts, mais on ne peut pas toujours s'y fier», observent les auditeurs.
Surveiller davantage le «pantouflage»
Les informations peuvent s'avérer «difficiles à recouper» en raison de règles sur la protection des données. Surtout, dans les pays audités (Allemagne, Hongrie, Malte et Roumanie), ces déclarations ne sont pas systématiquement vérifiées ni même obligatoires pour les membres du gouvernement.
La pratique du «pantouflage» (passage d'une responsabilité publique à un poste dans le privé) devrait être surveillée «de manière plus active», déplore aussi le rapport.
Autre souci: dans les marchés publics, les autorités nationales «ne réagissent pas toujours à certains signaux d'alerte, comme l'accumulation de procédures sans réelle mise en concurrence». Ainsi, en 2017, la moitié des appels d'offres publics en Roumanie n'attiraient qu'une offre unique.
Enfin, les auditeurs critiquent «le manque de mesures de protection des lanceurs d'alerte», de nombreux États tardant encore à transposer les règles de protection européennes.
Plus généralement, le rapport déplore l'absence de transparence: les sites internet nationaux ou régionaux «ne contiennent actuellement aucune information sur les bénéficiaires finaux (des fonds européens) derrière les personnes morales, ce qui limite le contrôle public».
