Ces Britanniques qui changent de passeport
Ces Britanniques qui changent de passeport
Trois ans que la «Grande-Bretagne est redevenue une île». Depuis ce 23 juin 2016, où les électeurs anglais ont fait le choix de quitter l'UE, certains citoyens ayant grandi à l'ombre de Big Ben se préoccupent, eux, d'obtenir un passeport délivré par un autre Etat membre européen.
L'année 2018, au Luxembourg, a ainsi marqué un record dans le genre avec 435 naturalisations acceptées au Grand-Duché pour d'anciens sujets de sa majesté Elisabeth II. Mais 2019 risque de dépasser, largement, cette barre, envisage-t-on au ministère de la Justice.
Sur les sept premiers mois de l'année, déjà 208 demandes ont été déposées. Le Brexit et ses incertitudes constituant le principal moteur pour ce passage à l'acte.
La place luxembourgeoise a vu, elle, s'implanter de nombreuses firmes ayant déserté Londres. Récemment, le CEO de Luxembourg for finance, Nicolas Mackel, rappelait qu'une soixantaine d'institutions financières avaient officiellement déclaré leur intention de se délocaliser de ce côté-ci du continent.
Un torrent de demandes
En juin dernier encore, c'était le Commissariat aux assurances qui notait que dix assureurs non vie du Royaume-Uni avaient ainsi choisi d’établir leur centre d’activités au Grand-Duché, en 2018.
Et pendant que le ministre de l'Économie se frotte les mains, du côté du ministère de la Justice, nul n'a le temps d'applaudir. Car si les uns gèrent la vague des délocalisations, les autres font face à un torrent de demandes de naturalisation.
L’appartenance à l’Europe, ou à un de ses pays membres, tient encore à cœur à certains Anglais
Car le flot ne fait que grossir. Il y a dix ans encore, en 2009, à peine 62 Britanniques obtenaient la nationalité luxembourgeoise. Mais un peu avant l'approbation du Brexit et les mois qui allaient suivre, le nombre de citoyens à préférer la Pétrusse à la Tamise quadruplait, de 56 à 193 cas juste entre 2015 et 2016.
Maintenant, il est question de près de 400 dossiers reçus chaque année par le ministère de la Justice.
Aujourd'hui, pour un dossier parfaitement établi, il faut compter quatre mois en moyenne pour passer de la nationalité britannique au statut de citoyen du Grand-Duché. Et aucun demandeur ne bénéficie de faveur par rapport aux nouvelles règles en vigueur sur l'obtention du statut de Luxembourgeois (résidence, test de langue, etc).
Le coq plutôt que la rose
Au ministère de l'Intérieur français aussi, les demandes d'accès à la nationalité se sont multipliées en quelques années. Avec 386 dossiers déposés alors, 2015 ferait presque office d'année calme. En douze mois, le chiffre a crû de plus de 200%.
Si un pic de demandes a afflué en 2017 (3.173 cas), la tendance est à la modération avec «seulement» 2.952 demandes validées l'an passé par Paris.
Du côté de la représentation diplomatique française à Luxembourg, l'ambassadeur Bruno Perdu n'a jamais eu, quant à lui, autant de naturalisations à célébrer que les mois derniers. «Preuve que l’appartenance à l’Europe, ou à un de ses pays membres, tient encore à cœur à certains Anglais», sourit le diplomate avec malice.
L'Allemagne de tous les records
En 2018, 112.300 étrangers ont reçu la nationalité allemande. Selon l'Office fédéral de la statistique, le nombre de naturalisations de ressortissants britanniques a cependant diminué entre 2017 et 2018, passant de 7.500 à 6.600 cas.
Mais ce ralentissement ne signifie en rien que l'effet Brexit ne joue plus. En effet, depuis 2016, l'Allemagne a procédé à plus de 17.000 naturalisations d'anciens sujets de sa majesté Elisabeth II. Cela alors qu'au cours des 15 années précédentes, ils n'étaient que 4.800 au total à avoir pris la nationalité germanique.
La Belgique grâce aux institutions
L'office belge de statistique, Statbel, a fait ses comptes: 3.454 Britanniques sont devenus belges entre le référendum sur le Brexit en juin 2016 et le 31 mai de cette année. Le chiffre des 4.000 citoyens passés de l'Union Flag au drapeau noir-jaune-rouge devrait même être atteint à la date symbolique du 31 octobre, nouvelle échéance prévue pour le Brexit.
Dans son analyse, Statbel note que parmi les demandeurs britanniques figurent de nombreux fonctionnaires européens. Ils auraient ainsi choisi la nationalité belge afin de conserver leur emploi post-Brexit.
En effet, les statuts des employés des institutions européennes imposent que ceux-ci soient ressortissants d'un des États membres de l'UE.
A Luxembourg, près de 600 Britanniques travaillent pour une institution européenne ou à la BEI.
