Cachez ces malades que je ne saurais voir
Cachez ces malades que je ne saurais voir
De notre correspondant, Max Helleff (Bruxelles) - L’histoire retiendra que le premier relent communautaire des débuts du gouvernement De Croo a été inspiré par le covid. Christoph d’Haese, le bourgmestre nationaliste (N-VA) de la petite ville flamande d’Alost (nord-ouest de Bruxelles), a clairement fait savoir aux hôpitaux bruxellois qu’ils devaient garder leurs malades du coronavirus. Il n’y a pas de place pour eux dans les établissements hospitaliers de sa ville…
«Les limites de la solidarité médicale ont été atteintes», a déclaré Christoph d’Haese à la chaîne publique flamande VRT. «Je suppose raisonnablement que le principe de base devrait être qu’un patient d’Alost devrait pouvoir aller dans un hôpital d’Alost. C’est aussi la chose la plus responsable médicalement à mon avis.» Puis, le bourgmestre s’est fait comptable : «Les interventions (en hôpital) programmées diminuent en raison de la crise du coronavirus, ce qui a des conséquences sur les finances.»
Ces arguments font partie du discours que renvoient classiquement les nationalistes flamands aux francophones. Un vieux slogan de l’extrême droite proclame «Eigen volk eerst» («d’abord mon propre peuple»). Quant aux histoires d’argent, elles n’ont cessé de polluer les relations entre la Flandre et les territoires francophones depuis des décennies, la première pointant les transferts financiers flamands dont profiteraient honteusement les seconds. La sécurité sociale reste à ce jour l’un des derniers traits d’union entre tous les Belges, avec la monarchie et la Défense.
La sortie du bourgmestre d’Alost a été très critiquée. Par la presse. Par le corps médical qui a mis en avant le devoir de solidarité et les usages prévalant entre les hôpitaux. Par des politiques également, tel le bourgmestre de Malines, le libéral flamand Bart Somers, qui dit être prêt à ouvrir en grand les lits de ses hôpitaux aux Bruxellois.
Ce n’est pas la première fois que Christoph d’Haese est pointé du doigt. La présence de caricatures antisémites lors du carnaval d’Alost et l’absolution que leur a donnée l’édile en dépit des condamnations venues de l’étranger l’ont plus d’une fois mis sur le gril. Sa rhétorique lui a néanmoins permis de doubler son score électoral en quelques années.
Traditionnellement, Bruxelles, «ville socialiste, sale et pleine d’immigrés», a mauvaise presse en Flandre. La N-VA et le Vlaams Belang tirent parti de cette image pour dire à quel point l’argent flamand qui aboutit dans les caisses de l’Etat fédéral est mal utilisé. La présence de la capitale sur le podium des villes les plus contaminées d’Europe et ses conséquences (cafés et salles des fêtes fermés, sports à huis clos, etc. à partir de ce jeudi) n’arrangent rien à l’affaire. Sans oublier la mise en quarantaine des gouvernements bruxellois et wallon après qu’un de leurs ministres respectifs a été testé positif mercredi.
Ce type d’humiliations intercommunautaires entre Flamands et francophones n’est pas rare. Cet été, un incident entre «jeunes Bruxellois» et policiers sur la plage de Blankenberge sur fond de non-respect des mesures covid a eu l’honneur des débats en commission Intérieur de la Chambre. Rien de moins…
Le pied de nez adressé par le bourgmestre alostois aux Bruxellois resterait au niveau du bac à sable s’il n’augurait des difficultés communautaires qu’aura à connaître le gouvernement De Croo dans les prochaines années. Les nationalistes flamands qui n’ont pu y accéder sauront lui rappeler très vite leur existence.
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