Un nouveau pas vers des compensations transfrontalières
Un nouveau pas vers des compensations transfrontalières
Depuis quelques mois, le refrain se fait entendre, en Lorraine, en Allemagne et plus modérément côté wallon: le Grand-Duché capte la main-d'œuvre formée à l'étranger sans reverser de compensations fiscales. Jusqu'à présent, les autorités gouvernementales avaient repoussé l'idée de verser une compensation, mais la décision adoptée mardi par le congrès des pouvoirs locaux du Conseil de l'Europe relance la question.
En effet, la «répartition équitable de l’impôt dans les zones transfrontalières» a été approuvée comme un fait indispensable. Il en irait même de la viabilité des stratégies transfrontalières dans l'UE, et donc sur notre territoire. La résolution propose, par exemple, le reversement d’un pourcentage du salaire brut des travailleurs frontaliers perçu dans le pays d’emploi au pays de résidence. A l'exemple de ce qui se fait déjà entre le canton de Genève et la France.
Si ce modèle devait être retenu, le Luxembourg devrait donc annuellement signer un chèque de près de 164 millions d'euros à Paris, en guise de compensation pour la valeur créée par les quelque 105.000 salariés frontaliers français qui travaillent dans le pays. Soit 3,5% du salaire brut.
Cela fait beaucoup, mais d'après, Claude Haegi, l'ancien maire de Genève venu défendre ce système devant le Conseil de l'Europe, la formule est bénéfique pour l'Etat qui reverse : «En 10 ans, l’État de Genève a rétrocédé 2,27 milliards d’euros à ses voisins français. Ce ne fut que justice de le faire et pas un cadeau».
Mais d'autres exemples de «ruissellement» pourraient être adoptés par les autorités. Comme le cas appliqué entre la Suisse et la France, et qui monte cette fois la hauteur de la redistribution à 4,5% du salaire brut perçu par les Lorrains. Là, la facture monterait à 211 millions d'euros au bénéfice des finances françaises.
Moins lourde serait la compensation reversée en suivant l'exemple de ce qui se fait déjà entre l'Allemagne et la France. La note ne porterait plus que sur 100 millions d'euros.
Pas l'orientation luxembourgeoise
Présent au congrès des pouvoirs locaux, le maire de Metz n'a pu que se féliciter de voir avancer le dossier des compensations. Il mène depuis des mois ce combat et face à l'assemblée, il n'a pu que rappeler sa colère face à un Grand-Duché dont près de 45% de la main-d'œuvre est issue des pays voisins. Le travail de ces frontaliers a, selon lui, « pour conséquence l’amélioration de la compétitivité fiscale du Luxembourg qui perçoit les recettes des impôts sur la totalité de sa force de travail mais n’en entretient que la moitié. Dans de telles proportions, c’est un cas unique en Europe !»
Reste que le partage équitable de la fiscalité du travail entre pays d’emploi et territoire de résidence est loin d'entrer en vigueur. Et Jean-Pierre Klein, au nom de l'État luxembourgeois, a rappelé au Conseil de l'Europe l'orientation prise par le gouvernement jusqu'à présent.
Loin de faire le compte
Si Xavier Bettel ne veut «pas payer pour les sapins de Noël de ses voisins» comme il l'avait ironiquement fait savoir, le Luxembourg a toutefois «engagé des moyens importants pour l’amélioration du quotidien des frontaliers sur des projets ciblés». Pour près de 120 millions d'euros, le pays cofinance des investissements chez ses voisins, notamment pour l'amélioration de la mobilité (quais de gare rallongés, nouveaux P+R, etc).
C'est loin de faire le compte, pour Dominique Gros qui rappelle qu'il sera «nécessaire d'investir pour 1 milliard d'euros dans le ferroviaire côté lorrain» pour assurer le déplacement des salariés vers le Grand-Duché. Chiffre difficilement vérifiable. «Ces 120 millions, ce n’est donc que 0,3 % des 33 milliards de recettes budgétaires que le Luxembourg aura perçues grâce aux frontaliers français sur 10 ans. Est-ce équitable?», interpelle l'élu mosellan.
