Plus de 10.000 «non» contre la réforme des retraites à Metz
Plus de 10.000 «non» contre la réforme des retraites à Metz
Dans les rues du quartier de la gare de Metz, des centaines de personnes pressent le pas. Il est presque 14h, ce jeudi 19 janvier, et c'est sur le parvis que le rendez-vous a été donné. Aux habituelles valises des voyageurs se sont substitués drapeaux, pancartes et banderoles aux slogans incisifs. La lutte contre la réforme des retraites du gouvernement français est bel et bien lancée.
Quelques dizaines de minutes suffisent pour que le point de convergence soit noir de monde. Derrière les sourires et les visages à l'apparence détendue se cache une véritable rage. «Cette réforme est injuste pour les petits salaires, pour les personnes qui ont commencé leur carrière très jeunes, et notamment pour les femmes», dénonce Stéphanie, une manifestante syndiquée à la CGT.
Le second syndicat de France était largement représenté dans les rues de Metz, où plus de 10.000 personnes ont laissé entendre leur voix, selon les estimations de la police. «Quand le travail, c'est marche ou crève, les travailleurs se mettent en grève», scandent les manifestants qui s'élancent à travers la ville.
Une belle mobilisation
Au sein du cortège, Christine et Philippe sont venus de Longwy pour apporter leur soutien aux grévistes. À la retraite depuis quelques années, ce couple d'anciens enseignants se positionne en faveur d'un départ à 60 ans. «On a vécu une réforme en 2003 suite à laquelle on a perdu quelques années, et on n'a pas envie que les plus jeunes subissent la même chose que nous», confient les deux syndiqués de la FSU.
Habitué des manifestations, Philippe ne réprime pas son sourire face à la foule qui envahit les principales artères de la préfecture de Moselle. «Ça fait très longtemps que je n'avais pas vu autant de monde dans les rues de Metz, c'est une belle mobilisation», se réjouit l'ex-enseignant.
Alors que la tête du cortège s'engouffre dans la rue Serpenoise, de nombreux manifestants se trouvent encore en face à la gare. Sur plus d'un kilomètre, les grévistes défilent dans une ambiance joyeuse et intergénérationnelle. Aux côtés des actifs, les étudiants sont représentés par plusieurs organisations syndicales, dont Le Poing Levé. «La retraite à 64 ans, c'est la jeunesse qui va la subir», estime Julie.
«Un horizon de misère»
Pour l'étudiante messine, les jeunes ne se voient actuellement proposer qu'un «horizon de misère», face auquel il est «impossible de rester immobile». Alors que la précarité étudiante est une réalité quotidienne pour bon nombre d'élèves fréquentant les universités, cette réforme semble être la goutte de trop. «Les jobs précaires, on les occupe déjà aujourd'hui et on va les occuper après nos études et sûrement jusqu'à 64 ans», dénonce le membre du Poing Levé.
Aux côtés de la jeune femme, se trouvent plusieurs membres du collectif féministe La Grenade. Ce dernier accuse le gouvernement de mener une «réforme terrible pour tous les travailleurs, en particulier pour les femmes et les minorités».
Puisqu'elles sont moins bien payées et que leurs carrières sont davantage hachées, les femmes seront encore plus précarisées, et plus affectées par cette réforme.
Servane Diaferia-Acevedo Reyes, collectif féministe La Grenade
Alors qu'actuellement, la pension moyenne des femmes est inférieure de 40% par rapport à celle des hommes, le collectif craint une aggravation des inégalités. «Plus on est oppressé, plus on est concerné par cette réforme. Puisqu'elles sont moins bien payées et que leurs carrières sont davantage hachées, les femmes seront encore plus précarisées, et plus affectées par cette réforme», explique Servane Diaferia-Acevedo Reyes, membre fondatrice de La Grenade.
Enseigner à 64 ans, une perspective impossible
Vers 16h, les manifestants commencent à s'agglomérer sur la place de la Comédie. Alors que le brûlot «L'odeur de l'essence» du rappeur Orelsan retentit à plein volume dans les enceintes d'une des camionnettes de la CGT, certains grévistes commencent à quitter les lieux. Postée sur un trottoir, Sophie regarde le cortège finir sa course en brandissant sa pancarte «Enseigner jusqu'en primaire jusqu'à 62 ans semblait déjà impossible, alors 64 ans!».
Née en 1966, l'institutrice se sent doublement lésée par le projet de réforme du gouvernement français. «Je vais devoir cotiser pendant trois trimestres supplémentaires, mais en tant qu'enseignante, je ne pourrai pas m'arrêter en cours d'année, je vais devoir continuer jusqu'à mes 64 ans», se désole Sophie. Une perspective qui lui semble impossible. «Comment enseigner face à 25 à 30 gamins à cet âge? Physiquement, psychologiquement, ce n'est pas réalisable!»
Dans la masse de gilets CGT se distinguent une cinquantaine de drapeaux bleu et rouge. Le syndicat luxembourgeois de l'OGBL est venu en nombre pour apporter son soutien aux travailleurs français. «En tant que frontaliers, beaucoup d'entre nous sommes concernés par cette réforme, car nous présentons des carrières mixtes», explique Angélique.
Les syndiqués de l'OGBL sont 150 à 200 à avoir fait le déplacement. Ils dénoncent «une réforme imposée par Macron». Angélique souligne un projet qui porte particulièrement atteinte aux jeunes. «Il y a tellement de jeunes qui ne trouvent pas de travail. Comment les inclure si l'on force les plus âgés à cotiser plus longtemps?»
Alors que la queue du cortège continue sa course au pied de la cathédrale Saint-Etienne, certains grévistes commencent à quitter les lieux. Parmi les membres de la CGT, il se murmure que 13.000 personnes auraient fait le déplacement pour cette manifestation que beaucoup envisagent comme un premier acte. «Je m'attendais à ce qu'il y ait autant de monde. C'est la première, mais pas la dernière», glisse Stéphanie.
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