Philippe de Belgique, le roi tenace
Philippe de Belgique, le roi tenace
De notre correspondant Max Hellef (Bruxelles) - S’il fut un prince mal à l’aise et maladroit, Philippe de Belgique compose aujourd’hui un roi crédible. En devenant chef de l’État en 2013 à la faveur de l’abdication de son père Albert II, l’homme a entamé l'étonnante métamorphose qui fait aujourd’hui de lui un souverain respecté.
C’est pourtant dans les prochains mois que le roi des Belges va devoir se révéler pleinement. Le pays vit des moments difficiles. Son gouvernement est en affaires courantes depuis décembre. Et la prochaine coalition qui devra remplacer cet exécutif bancal, sans majorité parlementaire, ne semble pas près d’être formée. De celle-ci dépendra en outre la cohésion de l’édifice fédéral menacée par l’agenda confédéraliste de la N-VA de Bart De Wever.
Gare aux chausse-trappes
Le 8 octobre dernier, le roi a désigné en tant que «préformateurs» du futur gouvernement le socialiste francophone Rudy Demotte et le nationaliste flamand Geert Bourgeois. Il a renvoyé ainsi face à face des ennemis jurés, le PS et la N-VA, les enjoignant de trouver une solution à la crise larvée qui menace de paralyser à terme le pays.
Si ce choix peut paraître logique, il est aussi «piégeux». Un échec est plus que probable. Et c’est là, dans les chausse-trappes de la politique belge, que le souverain est attendu. A n’en pas douter, chacun des gestes de Philippe sera scruté.
Le règne de Philippe amorce sans doute un tournant. S’il parvient à le négocier, il contribuera à renforcer l’image de la monarchie, en dépit des sondages qui la montrent régulièrement en perte de vitesse.
Au contraire, s’il perd pied, son échec confortera les nationalistes flamands dans leur volonté de raboter les prérogatives de la couronne. Le roi, l’un des derniers traits d’union existant entre les Belges du nord et sud, y perdra assurément en légitimité.
Une succession amère
Mais on n’en est pas là. Depuis 2013 et son accession au trône, Philippe a tenu son rang. Parmi tous ceux qui doutaient alors de ses compétences, beaucoup lui reconnaissent désormais un presque sans-faute.
Philippe, lui, n’a jamais douté de sa capacité à endosser le costume royal. Il vécut d’ailleurs mal l’intronisation de son père Albert II en 1993, à la faveur du décès de Baudouin Ier. ll voulait aller plus vite. L’épisode a laissé beaucoup d’amertume entre les deux hommes.
Maturité affichée
Depuis, Philippe a défendu sa position avec ténacité. Bien conseillé, pesant chacun de ses mots en public, entouré de communicateurs aux aguets, le roi a jusqu’ici évité tous les pièges. Il n’est plus ce prince gauche qui se faisait recadrer par Guy Verhofstadt, alors premier ministre, au motif qu’il se laissait aller à des commentaires politiques.
Philippe a gagné en maturité, c’est l’évidence. Il n’aime pas l’extrême droite, c’est entendu, mais il s’est pourtant résolu à recevoir Tom Van Grieken, le leader du Vlaams Belang, au lendemain des élections du 26 mai dernier. Le monarque a ainsi montré qu’il ne rejetait pas les 800.000 électeurs du parti ultranationaliste.
Le rôle de la reine
Les discours royaux sont soignés, choisis. Philippe se concentre sur la vie en société en insistant sur la tolérance, la solidarité et la multiculturalité. Quant à la reine Mathilde, son «atout cœur», elle opte pour des projets sociaux, souvent en rapport avec les enfants, en Belgique comme à l’étranger.
Mathilde joue un rôle fondamental dans la royale carrière de son époux. Elle allège en quelque sorte ce monarque empesé par son charme et son aisance naturelle. Quant aux quatre enfants du couple royal, ils donnent aux Belges le sentiment d’avoir affaire à une famille presque comme les autres. Parmi ceux-ci, Elisabeth, bientôt 18 ans et majeure, montera un jour sur le trône. Elle sera la première reine des Belges depuis l’indépendance du pays en 1830.
A l'écart des déboires
Mais pour l’instant, Philippe est dans la place. Travailleur et tenace. Il ne sera jamais un grand communicateur. Il n’aura jamais la jovialité son père. Mais il se garde de tout faux pas. Il se tient à distance des frasques de son frère Laurent et de ses démêlés avec le Premier ministre sortant Charles Michel.
Il reste aussi à l’écart des déboires d’Albert II, redevenu un simple Belge depuis son abdication en 2013, aujourd’hui contraint par la justice à des tests ADN. Réalisés en mai dernier, ceux-ci diront si le père de Philippe est aussi celui de l’artiste Delphine Boël.
«Je plie mais ne romps pas»… Le Chêne et le Roseau, la fable de Jean de La Fontaine, semble avoir été écrite pour Philippe de Belgique. Elle rend bien le parcours de ce monarque dépourvu de flamboyance mais capable de résister à tous les vents.
