«Les liens belgo-luxembourgeois voués à se renforcer»
«Les liens belgo-luxembourgeois voués à se renforcer»
Ce 21 juillet marquera le 192e anniversaire de la Belgique. Une fête qui trouvera, à n'en point douter, une certaine résonance au Luxembourg. Il faut dire que les deux pays ont bien plus en commun qu'on pourrait le penser. Au cours de l'histoire, le Luxembourg et la Belgique ne firent qu'un et ce, jusqu'à l'indépendance du Grand-Duché. Lors de sa création, le rôle de la Belgique était ainsi de faire «tampon» entre la France et la Prusse. Ce territoire belge comprenait à l'époque l'actuel Grand-Duché, le Limbourg hollandais ainsi que le sud de la Zélande.
Un partage qui ne plait guère au roi des Pays-Bas, Guillaume Ier, qui se voit amputé d'une partie conséquente de son territoire. Afin de calmer ses ardeurs, on décidera de lui offrir l'actuel Luxembourg pour qu'il puisse y régner. Il deviendra donc dans la foulée le tout premier Grand-Duc du Luxembourg, tout en assurant son rôle de roi des Pays-Bas. Les années passent et en 1839, le Luxembourg obtiendra finalement son indépendance et n'aura plus aucun lien territorial avec les Pays-Bas. Tout cela pour dire que la création même du Luxembourg tel que nous le connaissons est liée à l'histoire de la Belgique.
Un partenaire «privilégié»
Aujourd'hui, le plat pays est considéré comme un partenaire «privilégié» du Grand-Duché. «Et ce, pour diverses raisons», estime Franz Clément, chercheur belge au Liser, centre de recherche en sciences sociales, et ancien bourgmestre de la commune de Martelange, frontalière au Grand-Duché. Pour lui, difficile de passer à côté des liens monarchiques. Le roi Philippe n'est autre que le cousin du grand-duc Henri. «Une visite d'État du roi Philippe au Luxembourg a d'ailleurs eu lieu il y a quelques années. Celle-ci avait eu un certain retentissement. Et puis, rappelons également que le défunt grand-duc Jean avait épousé Joséphine-Charlotte de Belgique, la fille de Léopold III».
Difficile également de faire l'impasse sur les partenariats militaires entre les deux pays. «Le Grand-Duché est clairement associé aux missions que la Belgique effectue à l'étranger à divers endroits, ce qui était déjà le cas à l'époque du Congo belge où des Luxembourgeois étaient présents comme coopérants mais également en tant que militaires». Aussi, rappelons qu'il y a un an, la ministre de la Défense belge Ludivine Dedonder et le ministre luxembourgeois François Bausch (déi Gréng) signaient une lettre d’intention pour la création d’un bataillon de reconnaissance belgo-luxembourgeois. Celui-ci doit voir le jour d'ici 2028.
Cette amitié belgo-luxembourgeoise est d'autant plus marquée dans la province belge de Luxembourg et plus particulièrement dans le sud de la province, notamment dans le pays d'Arlon. «Là, on ressent encore une certaine nostalgie vis-à-vis de l'ancienne unité avec le Grand-Duché. Il y existe d'ailleurs bon nombre de passionnés qui parlent encore l'Arelerplatt ou l'arlonais qui n'est autre qu'un dialecte du luxembourgeois. De nombreux événements culturels entre artistes et communes belges et luxembourgeoises ont d'ailleurs lieu de manière régulière. Certains passionnés de cette région se prêtent d'ailleurs à rêver d'un rattachement de la province au Grand-Duché mais il faut être honnête, c'est de la science-fiction pure et dure», sourit le chercheur du Liser.
Ce dernier rappelle que les deux pays sont devenus extrêmement différents au fil des années. «Avec des systèmes de gestion différents et des niveaux économiques différents. Mais il est vrai qu'il reste toujours de la part des Belges un attachement viscéral au Grand-Duché. Il n'y a qu'à voir le nombre hallucinant de Belges ayant demandé la nationalité luxembourgeoise au moment où cela était encore possible.»
Mais la véritable preuve de l'union et de l'amitié profonde qui lie les deux pays tient en quatre lettres: UEBL pour Union économique belgo-luxembourgeoise. Ce traité, lancé en 1921 et qui a donc fêté ses 100 ans l'année passée, constituait à l'époque «la forme la plus avancée d'intégration économique et monétaire entre des pays souverains en Europe et fut un précurseur du Benelux, de l'Union européenne et de l'euro», comme l'indique le ministère des Affaires étrangères. «Ce traité, qui a donc 101 ans, continue encore d'exister et de se développer aujourd'hui», poursuit Franz Clément, que l'on retrouve derrière l'ouvrage «Belgique-Luxembourg: 100 ans de collaboration», paru l'année dernière aux éditions Larcier.
Un jackpot envié par la France et l'Allemagne
La création de l'UEBL a notamment permis de générer des effets bénéfiques pour la prospérité des économies et le bien-être des deux peuples respectifs grâce à bon nombre d'accords bilatéraux. «Je crois que l'exemple qui illustre le plus ce traité n'est autre que la rétrocession de l'impôt des travailleurs frontaliers belges qui travaillent au Luxembourg», estime le chercheur belge. En effet, rappelons que cette rétrocession fiscale agit comme une sorte de compensation financière pour les communes belges qui abritent des travailleurs frontaliers et dont ces derniers ne payent pas d'impôts dans leur pays de résidence.
Le Luxembourg indemnise donc plus ou moins ces communes en fonction du nombre de frontaliers sur leur territoire. Pour certaines communes belges situées à deux pas de la frontière grand-ducale, cette compensation représente un véritable pactole. Pour 2021, c'est une somme de 48 millions d'euros que le Luxembourg a versée à 553 communes belges. Arlon, le chef-lieu de la province belge de Luxembourg qui compte de très nombreux frontaliers parmi ses résidents, s'est ainsi vu accorder la coquette somme de 8,6 millions d'euros en 2022.
Difficile aujourd'hui pour certaines communes de se passer de tels montants. Pourtant, ce principe de rétrocession fiscale n'existe pas du Luxembourg vers la France ou l'Allemagne même si ces derniers aimeraient qu'un système semblable soit d'application pour eux également. «Cela montre encore une fois que la Belgique est particulièrement privilégiée vis-à-vis des autres pays», soutient le chercheur du Liser.
Des investissements pour remplacer la compensation
Pourquoi la Belgique y a droit et non les autres pays? Pour le comprendre, il faut remonter à 1975, lors de la création de la «compensation Martelange». «A l'époque, on s'est rendu compte que les commerces qui se trouvaient du côté luxembourgeois de Martelange profitaient énormément de la clientèle belge. Cette taxation échappait à la Belgique et un premier accord de rétrocession financière du Grand-Duché en direction de la Belgique avait été décidé. Celui-ci a ensuite évolué vers le système de compensation que l'on connaît aujourd'hui au début des années 2000». Les Français et les Allemands ne sont toutefois pas laissés pour compte par le Luxembourg. «Le Luxembourg investit plutôt dans des aménagements du territoire chez ses voisins, comme des P+R ou des aménagements du rail par exemple.»
Et puis, les activités commerciales entre les deux pays s'inscrivent également largement dans cette union belgo-luxembourgeoise. «En 2015, en ce qui concerne les exportations du Luxembourg vers le plat pays, la Belgique se classait 3e et 2e concernant les importations, juste derrière l'Allemagne.»
Et la suite dans tout cela? Pour Franz Clément, il ne fait pas l'ombre d'un doute que les collaborations entre la Belgique et le Luxembourg vont s'intensifier à l'avenir. «Et ce, en raison du développement démographique, que ce soit au Luxembourg ou dans la région d'Arlon. Je pense par exemple à des stations d'épuration transfrontalières qui par ailleurs existent déjà mais également à des chantiers autoroutiers communs ou encore à des horaires de trains harmonisés. Au niveau économique, les deux pays ont clairement un bel avenir en commun.»
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