«La main-d'œuvre française reste appréciée»
«La main-d'œuvre française reste appréciée»
Non, la présence française au Grand-Duché ne se résume pas à ses 110.000 travailleurs frontaliers. «Ce sont aussi des sociétés qui marchent fort», se réjouit-on à la Chambre de commerce et d'industrie française du Luxembourg. Et la liste ne cesse de s'allonger au-delà des ''grands noms'' que peuvent être BNP Paribas ou Société Générale pour les banques, Tralux (Demathieu-Bard) dans la construction, Car Avenue dans le secteur automobile ou encore le groupe d'assurance Axa.
«Nous avons aussi, parmi nos 250 membres, tout un réseau de petites et très petites entreprises qui ont trouvé au Luxembourg le terrain idéal pour développer leur activité», se félicite le président de la CCIFL en ce 14 juillet, jour de fête nationale tricolore.
Comment se porte l'entrepreneuriat français au Luxembourg?
Fabrice Poncé : «Pas si mal au sortir de cette crise. Entre les soutiens apportés à l'économie par le gouvernement luxembourgeois et les conseils qu'a pu donner la Chambre d'industrie et de commerce aux sociétés françaises, le tissu économique tricolore a bien résisté.
Il est vrai que le Grand-Duché a connu un rebond d'activité précoce, et les prévisions semblent positives pour la reprise. Le marché de l'emploi n'a pas faibli même en 2020 (+1,1%) et l'ADEM a encore près de 7.000 postes à pourvoir. Donc le pays reste bien une terre d'opportunités pour les travailleurs comme ceux qui souhaitent y créer leur entreprise.
Quels sont les points forts et les points faibles du pays au regard d'un porteur de projet français?
«La stabilité politique et fiscale restent les deux atouts du Grand-Duché. Il y a aussi ces capacités du pays à être aisément agile pour s'adapter aux secteurs en développement ou porteurs de croissance. Et si auparavant, cela n'était perçu que de la part des entrepreneurs des environs du pays, aujourd'hui la CCI reçoit de plus en plus de demandes de sociétés parisiennes ou du sud de la France envisageant de s'implanter au Grand-Duché.
Maintenant, des obstacles existent aussi. Et grossissent même. Il y a toute cette problématique du transport quotidien et de l'habitat de part et d'autre de la frontière. Les temps de trajet ou les prix du logement pourraient vite constituer des critères répulsifs si l'on n'y prend pas garde suffisamment.
Les entreprises intéressées s'interrogent aussi sur les profils et la quantité de main-d'oeuvre qu'elles pourront trouver. Là encore, dans certains secteurs, le manque de salariés suffisamment qualifiés est criant (finances, informatique, santé, ingénierie...). Là encore, l'Etat Luxembourg comme Paris doivent se pencher sur ce déficit et mettre en place les formations attendues.
Enfin, et c'est typiquement français, reste l'écueil de la langue. Je ne parle pas seulement de l'apprentissage du luxembourgeois, mais plus généralement des langues internationales. Les Français ne brillent toujours pas de ce point de vue, alors que les employeurs luxembourgeois leur reconnaissent bien d'autres qualités.
Se pose aussi la question de l'adaptation des règles fiscales et sociales à la nouvelle réalité du télétravail...
«Clairement. La tolérance accordée (prolongée jusqu'au 30 septembre) depuis près d'un an et demi a été bénéfique à la poursuite de l'activité luxembourgeoise comme à l'emploi des frontaliers français. Il ne faudrait pas que la France limite trop le possible recours de ses nationaux au télétravail par un régime fiscal désavantageux. Je sais que l'ambassadeur Bruno Perdu fait remonter notre préoccupation et que le sujet sera un des points cruciaux de la prochaine Commission intergouvernementale franco-luxembourgeoise. La réunion qui devait avoir lieu le 12 juillet a été reportée au 18 octobre, mais il faudra vite trancher ce point. Histoire de donner une visibilité aux travailleurs comme aux employeurs.
Cela vaut aussi pour l'Europe et cette exigence en matière d'affiliation à la sécurité sociale qui limite le temps de travail presté par un salarié à l'étranger à 25%. La crise a montré que le home-office pouvait être une solution pertinente, y compris pour l'économie luxembourgeoise, il ne faudrait pas sortir perdant au coup d'après.
L'image du Luxembourg eldorado, vue de France, semble avoir été écornée ces dernières années. Qu'en dites-vous?
«Les temps changent, les points de vue aussi. Même le rapport à l'emploi a changé parmi les jeunes générations qui arrivent sur le marché du travail. Le salaire n'est plus l'alpha et l'oméga, les grands groupes n'attirent plus autant. Il faut que les sociétés -et notamment celles tenues par des Français- s'adaptent si elles veulent continuer à attirer de la main-d'oeuvre ou des profils rares. Mais l'on voit que ce changement de paradigme est porteur pour les start-up, ou les plus petites structures.
Qu'espérez-vous pour les entreprises françaises du Luxembourg?
«Qu'il y en ait plus encore. L'ambition serait de dépasser les 300 sociétés implantées d'ici peu. Nous travaillons donc beaucoup à la promotion du pays auprès du patronat français et d'autres Chambres du commerce et d'industrie.
Nous cassons notamment cet a priori que les salaires à verser ici seraient bien trop élevés. Quand on fait le ratio entre des rémunérations certes bien supérieures à la moyenne européenne et des charges plus basses, un patron peut s'y retrouver. D'autant qu'il peut aussi faire valoir à ces recrues la possibilité d'accéder à des prestations sociales plus généreuses qu'ailleurs.»
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