Ford Sarrelouis, une usine en sursis
Ford Sarrelouis, une usine en sursis
Depuis ce mercredi 22 juin, c'est le branle-bas de combat à Sarrelouis, à 40 km de la frontière luxembourgeoise et 10 km de la France. Dans un communiqué, le groupe Ford en Europe, qui a engagé un vaste plan de restructuration sur le continent, a annoncé avoir choisi son usine de Valence, en Espagne, plutôt que le site sarrois pour fabriquer un futur modèle électrique. Valence et Sarrelouis étaient en concurrence depuis plusieurs mois pour ce projet du manufacturier américain.
Le communiqué reste évasif sur l'avenir du site sarrois :«L'usine Ford à Sarrelouis continuera à produire la voiture de tourisme Ford Focus, tandis que l'entreprise évalue également les options pour les futurs concepts de site.» Le groupe tente néanmoins de rassurer l'Allemagne avec une autre annonce : «Ford va également de l'avant avec une conversion de 2 milliards de dollars de ses opérations de son usine de Cologne pour commencer à produire des véhicules de tourisme électriques à partir de 2023.»
«L'offre économiquement la plus pauvre»
Mais à Sarrelouis, où Ford emploie 4.600 personnes (plus de 6.000 avec les sous-traitants), la pilule ne passe évidemment pas. Dès l'annonce du groupe, mercredi, les salariés, emmenés par le syndicat IG Metall, ont débrayé. Ils peuvent compter sur le soutien de la ministre-présidente du Land de Sarre, Anke Rehlinger (SPD), qui est allée à leur rencontre. «Ford a décidé et la décision de Ford est une farce. Nous sommes convaincus que le groupe a opté pour l'offre économiquement la plus pauvre», a tout d'abord réagi la dirigeante politique sur son compte Twitter, en référence, notamment, aux salaires moins élevés en Espagne qu'en Allemagne.
Dans une déclaration devant le parlement sarrois, Anke Rehlinger a ensuite posé les jalons de la contre-attaque, en chargeant une fois de plus le groupe Ford : «Nous attendons de la direction qu'elle développe ses propres idées et suggestions sur la manière de garantir le plus grand nombre d'emplois possible sur le site au-delà de 2025», a-t-elle déclaré.
Près de 1.000 travailleurs frontaliers français concernés
La ministre-présidente a aussi indiqué que le gouvernement sarrois souhaitait entrer en négociations pour récupérer des terrains et locaux propriétés de Ford, afin d'y implanter de nouveaux emplois. Enfin, elle en a appelé au pouvoir fédéral de Berlin et même européen de Bruxelles. D'autres pays pourraient être sollicités, certainement la France, par le biais de la région Grand Est voire directement du gouvernement. En effet, Ford Sarrelouis emploie près d'un millier de frontaliers français.
Si la mobilisation est donc forte, il n'en reste pas moins qu'une épée de Damoclès planait depuis longtemps au-dessus du site sarrois, actif depuis 1970 et où est fabriqué le modèle Focus. Déjà, en 2019, 900 emplois avaient été supprimés.
Depuis, de nombreux autres départs volontaires ont suivi. De plus, l'usine, comme toute l'industrie automobile, a été affectée par les conséquences de la crise sanitaire puis la pénurie de semi-conducteurs nécessaires à la fabrication des voitures. Les périodes de chômage partiel ou technique se sont enchaînées.
Le triste précédent de l'usine de Genk
Il faudra bien de la force aux salariés et aux politiques pour influer sur la décision du constructeur américain, et pour rebondir après cette annonce qui pourrait présager d'un désastre économique et social. Cela n'est pas sans rappeler le sort réservé aux 4.300 salariés de Ford à Genk, en Belgique. En 2012, le manufacturier avait annoncé la fermeture de leur usine, décision effective en 2014. La production du modèle Mondéo avait alors été transférée... à Valence, en Espagne.
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