Encore un dépôt d'ordures sauvage juste à la frontière
13.01.2020
A Rédange, près de 200 tonnes de déchets ont été illégalement déposées. Une société de transport luxembourgeoise est impliquée.
(pj avec Nicolas Anen) A l'heure où Differdange a choisi de faire l'achat d'un terrain de 120 hectares, côté français sur la commune de Saulnes, pour éviter l'ouverture d'une décharge «officielle» , un scandale environnemental se déroule à quelques kilomètres. A Rédange précisément, juste entre Belval et Audun-le-Tiche.
Une montagne d'ordures
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Daniel Cimarelli, maire de Rédange, et son adjoint Christian Cendecki ont encore du mal à y croire, et témoignent de leur stupeur au Luxemburger Wort. Fin octobre/début novembre, plusieurs camions de déchets sont venus décharger leurs remorques dans la nature à quelques centaines de mètres du village situé juste derrière la frontière luxembourgeoise. L'imposante montagne d'ordures est tout juste masquée par la végétation, sur le côté de la nouvelle route de contournement d'Audun-le-Tiche.
Le site choisi par les indélicats est une ancienne usine de broyage, témoin du passé industriel local. Même la barrière installée à l'endroit des lieux n'a pas réussi à freiner les camionneurs.
La montagne d'ordures approche les 2 mètres de haut et s'étend sur plusieurs dizaines de mètres. Matériaux isolants, sacs d'ordures en plastique, briques de lait, vieille peluche: le tas contient un peu de tout. «Cela représente environ 200 tonnes de déchets», estime Christian Cendecki.
Mais l'élu se désole de ce dépôt sauvage d'autant que l'endroit et notamment les anciens bassins de refroidissement sont maintenant utilisés comme zone de loisirs locale. «La perle du village» , comme le rappelle avec tristesse le maire. L'eau de pluie qui s'infiltre à travers le tas d'ordures risque maintenant de se retrouver dans les plans d'eau voisins et le sous-sol, craignent les responsables rédangeois.
Cette pollution possible n'affecterait pas que les étangs à proximité. En effet, l'eau de ces points d'eau vient ensuite se jeter dans le Beler, ruisseau qui lui alimente le cours de l'Alzette à Audun-le-Tiche.
«Nous sommes donc tous concernés» , rappelle Christian Cendecki en regardant vers le Luxembourg. La frontière avec Esch ou Sanem n'est qu'à un jet de pierre de la décharge illégale. D'ailleurs, des sentiers forestiers passent aussi d'un pays à l'autre.
En provenance de Belgique
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A l'heure actuelle, nul responsable de ce dépôt illégal de déchets n'a été identifié. Les autorités judiciaires françaises mènent une enquête. La commune et un particulier, propriétaire d'une partie du site, ont porté plainte. Les enquêteurs disposent d'un élément important : des habitants ont réussi à photographier un des poids lourds qui auraient participé à cette opération.
Selon Christian Cendecki, le camion appartient à la société Jost, basée à Weiswampach. Contactée par le Luxemburger Wort, l'entreprise ne nie pas les fais. Dans un communiqué, elle indique toutefois avoir été trompée par le client réel du transport.
Pas un cas isolé
Malheureusement, cette décharge illégale à Rédange n'est pas le seul cas dans la zone frontalière voisine. Selon nos confrères de France3 Grand Est et du Républicain Lorrain, plusieurs dépôts similaires ont été repérés ces derniers mois. L'un se trouve à Haucourt-Moulaine, près de Longwy. Près de 550 tonnes d'ordures y ont été déversées.
Dernièrement, c'est du côté de la Vallée de la Fensch que l'on découvrait des restes, du mobilier, des ordures déversés sans autorisation en plein nature. Des déchets provenant du Luxembourg cette fois.
Pour le maire de Rédange, la multiplication de ces infractions ne tient pas du hasard. Les dépôts, à cette échelle, sont pensés, organisés, prémédités. «Même les habitants d'ici ne connaissent pas cet endroit où les déchets ont été jetés. » Par contre des conducteurs belges semblaient, eux, bien mieux informés...
Disposant d'un budget communal d'un million d'euros, Rédange n'a pas les moyens de prendre à sa charge le déblaiement de la montagne d'ordures. L'adjoint Daniel Cimarelli suppose que la facture approcherait les 100 000 à 200 000 euros. Et d'ajouter : «Et même si nous avions l'argent, ce n'est pas au grand public d'enlever les ordures de la propriété privée». Seule une petite part se trouve toutefois sur des terrains appartenant à la municipalité.
En France actuellement, un cas similaire fait beaucoup parler de lui. En effet, face à un dépôt sauvage dont l'origine avait été clairement identifiée, le maire d'une commune de l'Oise a opéré un «retour à l'envoyeur» filmé et diffusé sur les réseaux sociaux.
A Rédange, les élus attendent désormais les décisions de la Justice. Mais le village qui compte un peu moins de 1.000 habitants (dont un tiers de frontaliers) craint qu'il ne faille patienter plusieurs mois avant que la montagne d'ordures ne disparaisse enfin du paysage.
Un client de Jost dans le collimateur
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Dans cette affaire, l'entreprise de transport Jost Group se considère comme une victime. Dans un message destiné au Luxemburger Wort, la société indique qu'elle a signé, mi-octobre, un contrat avec une société de recyclage belge appelée Mondial Services. Cette société souhaitait faire transporter des gravats de construction, pour lesquels la société Jost dispose d'autorisations.
Sitôt le contrat signé, l'itinéraire de transport n'a cessé de changer. D'abord, le chargement devait être pris dans le Nord de la France, près de Lille, à destination de Brecht (non loin d'Anvers). Ensuite, ce fut l'inverse. Finalement la destination d'arrivée signifiée fut Thionville, puis Saulnes (près de Lasauvage) et, enfin, Rédange.
Interlocuteurs sur place
A l'arrivée, les chauffeurs Jost devaient contacter une personne pour le déchargement. Selon le groupe Jost, ce type de contact n'est pas inhabituel pour des destinations en dehors des zones urbanisées. Cependant, les routiers avaient remarqué que la procédure de déchargement devait se dérouler exceptionnellement rapidement. Un chauffeur a également déclaré que les matériaux transportés n'étaient pas seulement des gravats de construction.
Coopération avec la police
Les enquêteurs français ont, semble-t-il, pu rencontrer une des personnes chargées d'accueillir les transporteurs à l'entrée du site de Rédange. Le groupe Jost n'aurait pas été la seule firme à être trompée par le commanditaire belge. La société de transport luxembourgeoise présente d'ailleurs ses excuses aux habitants concernés et affirme avoir aussi engagé des poursuites judiciaires contre son client.
Le Grand-Duché épargné
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Il n'y a pas de cas connu de décharges illégales au Grand-Duché comme celles apparues du côté français de la frontière. L'information provient de Robert Schmit, directeur de l'administration luxembourgeoise de la nature. Même s'il n'est pas rare que des tentatives soient faites pour cacher des déchets dans d'anciennes zones industrielles dans le pays.
