9.000 à 17.000 manifestants ont mis Metz à l'arrêt
9.000 à 17.000 manifestants ont mis Metz à l'arrêt
14h approchent. Sur le parvis de la gare de Metz, seuls les manifestants éparpillés en petits groupes marchant d'un pas décidé vers la place Mazelle laissent planer un parfum de contestation. Les restaurants et les cafés du quartier, eux, sont loin d'être à l'arrêt, tandis que les bus effectuent leur ballet habituel devant l'édifice.
Quelques centaines de mètres plus loin, pourtant, des milliers de personnes convergent. Si les rangs paraissent moins serrés que le 31 janvier dernier, cette première impression est rapidement balayée par les opposants à la réforme des retraites qui continuent d'affluer à 14h passées. Chacun à leur tour, les syndicats s'élancent vers l'avenue Foch.
Les premiers partent à l'assaut des rues de Metz dès 14h15. Ceux qui suivent devront être un peu plus patients. Parmi eux, Axelle attend le tour de son cortège. L'étudiante, qui manifeste avec l'Unef, l'un des syndicats étudiants les plus importants de l'Hexagone, a participé à toutes les manifestations contre la réforme des retraites, sans exception. «Il n'y a qu'en se mobilisant que l'on fera reculer le gouvernement et le patronat. On est fatigués, mais on ne lâchera pas une miette et on se mobilisera jusqu'au retrait», confie la jeune femme.
Un très long cortège
Enclenchée le 19 janvier dernier, la mobilisation s'inscrit en effet dans la durée. Et ce mardi 7 mars, cette contestation prend un véritable tournant, selon Axelle. «L'intersyndicale a été obligée d'aller plus loin que des dates de grève perlée. C'est un début, et il faut aller vers cette grève reconductible afin d'imposer un rapport de force, car c'est comme ça qu'on gagne», estime l'étudiante.
Posté sur un trottoir, Jacques Leroix observe le groupe survolté de jeunes manifestants défiler d'un regard amusé. Le retraité est, lui aussi, un inconditionnel des rendez-vous de la contestation. «Je pense que le président doit discuter, se mettre à la table des négociations avec le peuple et les syndicats, au lieu de s'entêter dans une réforme rejetée par l'ensemble des travailleurs», affirme l'ex-chargé d'affaires.
Dans une ambiance bon enfant, la tête de cortège a déjà atteint le centre-ville de Metz, tandis que les derniers manifestants attendent toujours leur tour place Mazelle. Certains opposants à la réforme s'arrêtent pour reprendre des forces aux stands de confiserie de la petite fête foraine installée sur la place de la République. Les manèges, eux, sont déserts.
Déserts aussi, les magasins situés rue des Clercs qui n'accueillent, pour la plupart, aucun client. Leurs vendeurs regardent l'interminable foule de manifestants défiler sous leurs yeux, leur rideau métallique parfois partiellement baissé, dans le but de se protéger d'éventuels débordements.
Il faut une énergie de dingue pour faire cours. À 67 ans, ce sera impossible, je ne serai plus du tout en phase avec la jeunesse.
Natacha, professeure d'histoire-géographie
«Mes élèves ne veulent pas d'une mémé-tresse», «Macron nous rassemble, bravo» ou encore «Métro, boulot, tombeau», les pancartes confectionnées par les participants à cette sixième journée de contestation usent de tous les tons. Parmi elles, l'inscription «Enseignants 67 ans à 70 ans, sérieusement?» est brandie par Natacha. La professeure d'histoire-géographie au collège d'Uckange se mobilise pour la première fois contre la réforme des retraites.
«J'ai commencé à travailler à 23 ans, ce qui veut dire que je vais devoir continuer jusqu'à au moins 67 ans pour toucher un taux plein», explique la jeune femme. Pour l'enseignante, il est inenvisageable de faire face à une classe de 30 élèves à cet âge. «Il faut une énergie de dingue pour faire cours. Cette énergie, je l'ai encore, bien que je sois un peu fatiguée en huit ans de carrière. À 67 ans, ce sera impossible, je ne serai plus du tout en phase avec la jeunesse.»
«Durcir le mouvement»
Jeunes actifs, retraités, étudiants, et même élus ou anciens élus -l'ex-maire de Metz, Dominique Gros, et la députée LFI, Charlotte Leduc, ont notamment été aperçus- le cortège est éclectique. Les revendications, elles, ne le sont pas: dans leurs différents chants, les manifestants exprimaient leur volonté de voir le projet de loi purement et simplement retiré.
Outre le traditionnel «Macron démission», et le tout aussi classique «Qui sème la colère récolte la misère», les slogans ont été égrenés tout au long du parcours. En arrivant à son point de chute, place de la Comédie, vers 16h, les syndicalistes de Force Ouvrière scandent «60 ans, ça suffit, 64 ans non merci». Parmi eux, se trouve Stéphane. Depuis le 19 janvier, l'ouvrier du secteur automobile ne rate aucune manifestation.
«Je suis entièrement concerné par cette réforme, qui m'obligera à travailler deux ans de plus. C'est la raison pour laquelle je me rends dans la rue, pour essayer de faire céder le gouvernement», indique le syndicaliste. Avec son amie Véronique, syndiquée à la CGT, il envisage également cette mobilisation du 7 mars comme un tournant. «Si on reste comme ça, à défiler sans blocage, ça n'avancera pas. Il faut durcir le mouvement.»
À 16h20, le bout du cortège s'engouffre seulement dans la rue des Clercs. Les drapeaux de l'OGBL flottent au-dessus des têtes de ces ultimes manifestants. Ce mardi, les représentants luxembourgeois sont moins nombreux que lors des rendez-vous précédents. «Aujourd'hui, on a choisi de rééquilibrer notre présence, en participant également à la manifestation de Longwy», explique le responsable des frontaliers français à l'OGBL, Christian Simon-Lacroix.
La contestation continue
Depuis le début des contestations, le syndicat luxembourgeois a fait part de son soutien au mouvement. «Cette réforme aura un impact sur les frontaliers français qui ont souvent une carrière mixte», rappelle le syndicaliste. Alors que le reconductibilité du mouvement pour ce mercredi 8 mars a d'ores et déjà été annoncée à la SNCF, l'OGBL indique encourager cette nouvelle phase de la contestation. «On soutient, même si ce n'est pas notre culture. On ne sera pas présents tout le temps et partout, mais on essayera d'accompagner cette contestation inédite du mieux que l'on peut.»
Il est près de 17h, les slogans se font plus rares, les pancartes disparaissent et les manifestants se dispersent, place de la Comédie. Ce mardi 7 mars, ils et elles auront été 9.800, selon la police, à dire «non» à la réforme des retraites portée par le gouvernement français. Les syndicats, eux, estiment que la taille du cortège a dépassé celle du 31 janvier dernier, et parlent de 17.000 manifestants. Sur le chemin du retour, une manifestante laisse échapper un «je n'ai jamais vu ça».
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