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A Bouzonville, l'attrait de la 2e couronne du Luxembourg
Grande Région 3 6 min. 17.03.2023
Les frontaliers s'y installent

A Bouzonville, l'attrait de la 2e couronne du Luxembourg

Une vue de Bouzonville.
Les frontaliers s'y installent

A Bouzonville, l'attrait de la 2e couronne du Luxembourg

Une vue de Bouzonville.
Photo: virgule.lu/Pascal Mittelberger
Grande Région 3 6 min. 17.03.2023
Les frontaliers s'y installent

A Bouzonville, l'attrait de la 2e couronne du Luxembourg

Pascal MITTELBERGER
Pascal MITTELBERGER
Le Luxembourg attire des travailleurs frontaliers qui viennent de plus en plus loin, par choix ou par obligation. En Moselle, certains territoires en tirent profit et comptent sur ce phénomène pour se développer. C'est le cas du secteur de Bouzonville.

Cédric Frey a le souvenir de «deux ou trois primo-accédants luxembourgeois, qui n'avaient pas les moyens d'acheter dans leur pays». Ou encore de ce travailleur frontalier «qui habitait entre Metz et Thionville et en avait marre de passer une heure dans les bouchons matin et soir. Il a préféré acheter une maison ici, faire plus de kilomètres pour aller au Luxembourg, mais au moins ça roule.»


Virgule , Audun le Tiche , Deitsch Oth , Foto:Guy Jallay/Luxemburger Wort
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«Ici», c'est le secteur de Bouzonville. Cédric Frey y gère une agence immobilière depuis une vingtaine d'années. Son regard est pertinent et son constat clair: «Il y a toujours eu une certaine attractivité du Luxembourg mais on peut remarquer qu'elle s'est accrue ces dernières années».

Des travailleurs frontaliers toujours plus nombreux

Les propos de l'agent immobilier sont confirmés par les chiffres. «Sur le territoire de la communauté de communes de Bouzonville-Trois Frontières (CCB3F), 41% des actifs occupés sont des travailleurs frontaliers. C'est 7% de plus qu'en 2013», relève Armel Chabane, maire de Bouzonville et président de l'intercommunalité depuis 2020. 

 Le territoire de la CCB3F est vaste. Il s'étend de la frontière luxembourgeoise, à Sierck-les-Bains et Apach, jusqu'à Bouzonville et ses communes environnantes. L'intercommunalité - 25.000 habitants au total - est née en 2017 de la fusion des communautés de communes des Trois Frontières (Sierck) et du Bouzonvillois. Avant ce mariage forcé (par l'Etat), un débat avait fait rage côté bouzonvillois: s'unir avec Sierck plutôt que de regarder vers Metz ou la Moselle-Est est-il pertinent?

Des prix immobiliers attractifs 

Armel Chabane n'était pas encore aux manettes à l'époque mais pour lui, la question ne se pose plus. «Cette fusion est on ne peut plus logique. Le territoire tout entier est attiré vers le Thionvillois et le Luxembourg. Cela a toujours été le cas pour le secteur de Sierck, et le phénomène n'a fait que s'accentuer pour Bouzonville qui n'est qu'à 30 minutes de Schengen.» Citant une étude d'Agape Lorraine Nord de 2018, l'élu rappelle qu'il y a quelque «4.500 travailleurs frontaliers qui résident sur le territoire: 3.500 vont vers le Luxembourg, un millier vers l'Allemagne». Et le chiffre luxembourgeois va encore en s'accentuant.

Cédric Frey est le gérant d'une agence immobilière à Bouzonville.
Cédric Frey est le gérant d'une agence immobilière à Bouzonville.
Photo: virgule.lu/Pascal Mittelberger

Illustration de cette attractivité grand-ducale avec le marché immobilier. «Certains travailleurs frontaliers sont regardants sur le temps de trajet et ne voudront pas s'éloigner autant du Luxembourg, concède Cédric Frey. Mais d'autres viennent vers ici en raison de l'attractivité des prix.» Avec des biens forcément plus abordables dans cette deuxième couronne qu'en bande frontalière directe, dans le secteur de Thionville ou Cattenom. A Bouzonville, la maison individuelle de 100 à 120 m2 avec cinq à six ares de terrain se négocie entre en moyenne «180.000 et 250.000 euros, selon les prestations», confie l'agent immobilier. Le tout dans un cadre rural recherché par certaines familles.

Nous ne voulons pas que nos communes soient uniquement des dortoirs.

Armel Chabane président de la CCB3F

Dans certaines communes, des lotissements ont vu le jour ou sont en projet. Pour maîtriser ce développement, la CCB3F est en train de se doter d'un plan local d'urbanisme intercommunal (PLUI). «Nous ne devons pas subir mais accompagner ce dynamisme. Nous prévoyons d'accueillir entre 2.000 et 3.000 habitants de plus sur notre territoire d'ici 10 ans. Nous ne voulons pas que nos communes soient uniquement des dortoirs», explique Armel Chabane.

Une vue sur Sierck-les-Bains. Le secteur des Trois Frontières a toujours été attractif pour les travailleurs frontaliers. Mais ces derniers n'hésitent plus à s'installer plus au sud du territoire, vers Bouzonville.
Une vue sur Sierck-les-Bains. Le secteur des Trois Frontières a toujours été attractif pour les travailleurs frontaliers. Mais ces derniers n'hésitent plus à s'installer plus au sud du territoire, vers Bouzonville.
Photo: virgule.lu/Laura Bannier

Ce PLUI doit permettre de trouver un équilibre entre urbanisme et cadre de vie. Mais il s'agit aussi de prévoir les services publics et équipements nécessaires à cette croissance de la population. «Il n'y aurait rien de pire que de dire qu'on arrête la politique publique parce que les gens bossent au Luxembourg», poursuit le président de la CCB3F, qui veut «créer une économie à l'intérieur du territoire et ne pas être dépendant des flux». 

Armel Chabane est maire de Bouzonville, président de l'intercommunalité CCB3F et vice-président du conseil départemental de la Moselle.
Armel Chabane est maire de Bouzonville, président de l'intercommunalité CCB3F et vice-président du conseil départemental de la Moselle.
Photo: virgule.lu/Pascal Mittelberger

Armel Chabane voit néanmoins deux points négatifs à ce phénomène d'attractivité du Luxembourg. «Le premier, ce sont les compétences qui fuient. Le second, c'est la concurrence dans le domaine des services. Par exemple, nous avons une crèche à Apach ou encore une maison de retraite à Rustroff qui n'arrivent pas à recruter d'infirmières en raison de la proximité du Luxembourg.»

Rouvrir la ligne ferroviaire pour faciliter la mobilité

Pas question, cependant, de se lamenter de cet état de fait. Armel Chabane veut rester proactif et continuer à tirer les bénéfices de cette tendance qui n'est pas près de s'inverser. Pour accueillir ces travailleurs frontaliers, il faut leur faciliter la vie. Par les services apportés, donc, notamment en matière de mobilité. Le territoire de la CCB3F a le désavantage de n'être maillé que par le réseau routier secondaire. Le covoiturage est une solution mise en avant pour rallier le Luxembourg. De plus, l'élu milite fortement pour un projet dans le domaine ferroviaire: la réouverture au trafic de voyageurs de la ligne Béning-Bouzonville-Thionville.

Aujourd'hui, cette ligne, électrifiée, n'accueille que le fret. Pour rejoindre la gare de Thionville, les usagers doivent prendre le bus. «J'ai travaillé sur cette ligne. Depuis que les trains de voyageurs ont été remplacés par des bus, c'est 45 minutes supplémentaires de trajet entre Bouzonville et Thionville. En plus, les horaires ne sont pas adaptés aux besoins», affirme Laurent Courtade, habitant du territoire, cheminot et fervent partisan de la remise en service. «Aujourd'hui, beaucoup d'habitants vont en voiture jusqu'à Thionville. Vous avez déjà essayé de trouver une place de stationnement autour de la gare? C'est une vraie galère. Si on relançait le train sur cette ligne, ça résoudrait en partie le problème.»

Les gens ne monteront à bord que si le cadencement, les horaires correspondent à leur rythme de travail.

Armel Chabane, à propos d'une éventuelle remise en service de la ligne ferroviaire.

Une étude a été lancée par le département de la Moselle pour juger la pertinence et la faisabilité de cette remise en service, qui n'a jamais convaincu côté luxembourgeois. «Les premiers éléments montrent qu'il y a un besoin, une demande des usagers, et que les investissements à réaliser seraient raisonnables», indique Armel Chabane, également vice-président du conseil départemental.

Trouver la bonne formule et convaincre

Pour que le projet aboutisse, l'élu est conscient qu'il faudra proposer la bonne formule sur les rails: «Les gens ne monteront à bord que si le cadencement, les horaires correspondent à leur rythme de travail.» Le temps de trajet devra aussi être attractif. Donc pas question de proposer une halte dans la moindre petite gare, il y aura des choix à faire. 

«Mais je suis assez confiant sur les résultats complets de cette étude et sur le soutien à cette réouverture. Ensuite, il faudra convaincre la région Grand Est et la SNCF... Moi, j'y crois, ce serait une très belle opportunité pour le territoire», souligne Armel Chabane. Une de plus.

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