20% de «nouveaux» frontaliers français au Luxembourg
20% de «nouveaux» frontaliers français au Luxembourg
Selon les données du Statec, 105.600 salariés français occupaient un emploi au Luxembourg en 2020. Ils n'étaient que 46.400 voilà 20 ans, et étaient même 110.200 en 2021. Bref, la part des travailleurs ne cesse d'augmenter.
L'homologue français du Statec, l'Insee, fait évidemment le même constat, dans une étude parue la semaine passée, jeudi 22 septembre. Celle-ci s'appuie néanmoins sur une originalité. «C’est un nouveau travail, jamais effectué auparavant, utilisant les déclarations de revenus pour étudier le travail transfrontalier », explique Lionel Viglino, auteur de l'étude. Avec un focus particulier sur la Moselle et la Meurthe-et-Moselle.
Ainsi, en 2020, l'Insee dénombre 86.100 résidents de ces deux départements travaillant au Grand-Duché. Un chiffre interpelle plus particulièrement. Sur ce nombre, 20% sont des nouveaux frontaliers. La proportion est quasi identique en 2018 et 2019.
L'Insee précise encore que sur ces 17.700 «néo-frontaliers» de 2020, les trois quarts occupaient un poste en France l'année précédente, et un peu plus de 60% habitaient déjà en Moselle ou Meurthe-et-Moselle et n'ont pas changé de commune de résidence.
La part de travailleurs précaires difficile à estimer
Comment expliquer cette proportion annuelle de 20% de nouveaux navetteurs parmi les frontaliers? Une hypothèse avancée est la présence d'une grande part de travailleurs dits précaires. «Des frontaliers travaillent au Luxembourg, repartent plus d’une année puis reviennent parfois y travailler. Il faut comprendre précaire non pas au sens salarial du terme, mais temporel. (…) Cela correspond au volume des intérimaires selon les chiffres de l’Inspection générale de la Sécurité sociale, mais je ne peux pas affirmer que ce sont bien les mêmes personnes», précise Lionel Viglino.
Il faut voir cette étude comme la première qui, si elle suscite de l’intérêt, pourra ouvrir la voie à des études plus complexes.
Lionel Viglino, auteur de l'étude de l'Insee.
«Une étude sur une plus longue période permettrait de mieux connaître ces frontaliers précaires, et de confirmer la part qu’ils prennent dans les nouveaux frontaliers en revenant travailler au Luxembourg, après un arrêt d’une année ou plus», poursuit-il dans la description de ses résultats.
Pour l'auteur de l'étude, il s'agit donc là d'une première étape. Il espère approfondir le sujet dans les mois à venir. «Il faut voir cette étude comme la première qui, si elle suscite de l’intérêt, pourra ouvrir la voie à des études plus complexes. Je n’ai pas voulu attendre d’avoir plus de choses à publier, sachant qu’il y a un vrai besoin social et d’information autour du phénomène des frontaliers. J’ai voulu publier dès que j’ai eu quelque chose de présentable.»
Pourquoi viennent-ils travailler au Luxembourg? Evidemment, les salaires pratiqués au Grand-Duché ne sont pas étrangers au phénomène. L'étude a comparé les revenus déclarés d'activité d'origine luxembourgeoise à ceux d'origine française. «On aboutit à un ratio de 1,25 à 2,04.» Signification de ce 2,04: «A proximité de la frontière, les frontaliers gagnent en moyenne deux fois plus que leurs voisins qui travaillent en France», peut-on lire.
Des salaires du simple au double par rapport à la France
C'est par exemple le cas pour les habitants des communautés de communes de Cattenom et environs, où un tiers de la population des 15-64 ans de ce territoire sont des travailleurs frontaliers.
Dans l'intercommunalité du Pays-Haut Val d'Alzette (Audun-le-Tiche/Villerupt), ces derniers représentent un peu plus d'un quart des 15-64 ans. Leur part est de 20% dans les agglomération de Longwy et Thionville.
La nature des emplois et le niveau de qualification des travailleurs frontaliers «peuvent expliquer en partie cette différence de salaire», précise l'étude. Plus on s'éloigne de la frontière, plus ce ratio salarial diminue. Mais de manière moins rapide, tout de même, que la part des frontaliers dans la population totale. Ainsi, pour les travailleurs frontaliers résidant dans la métropole messine, qui représentent 3,8% des 15-64 ans, le salaire moyen est encore 1,8 plus élevé que pour un habitant salarié dans cette agglomération.
Concernant cette question salariale, Lionel Viglino espère, là encore, affiner ses statistiques dans un avenir proche. «J’aimerais bien faire un border pay gap, sur le modèle du gender pay gap. Mon idée pour l’année prochaine est d’obtenir les écarts des rémunérations en passant la frontière, détaillés par des éléments d’explication : niveau de diplôme, ancienneté, secteur d’activité, pratique ou non du luxembourgeois», conclut-il.
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