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Un nouvel équilibre difficile à trouver pour les frontaliers
Économie 7 min. 10.05.2022 Cet article est archivé
Fin du télétravail

Un nouvel équilibre difficile à trouver pour les frontaliers

Après deux ans de travail à domicile, les salariés frontaliers doivent à nouveau s'habituer à l'idée du trajet quotidien.
Fin du télétravail

Un nouvel équilibre difficile à trouver pour les frontaliers

Après deux ans de travail à domicile, les salariés frontaliers doivent à nouveau s'habituer à l'idée du trajet quotidien.
Photo: Getty Images
Économie 7 min. 10.05.2022 Cet article est archivé
Fin du télétravail

Un nouvel équilibre difficile à trouver pour les frontaliers

Après deux ans de télétravail, la règle d'exception pour les frontaliers est sur le point de prendre fin. Pour de nombreuses entreprises, cela représente un danger pour la paix sociale.

(BaL avec Thomas KLEIN) L'heure tourne pour une grande partie des frontaliers allemands. Pendant plus de deux ans, en raison de la pandémie, l'accord entre les ministères des Finances allemand et luxembourgeois prévoyait que les jours de travail à domicile seraient traités fiscalement comme si les employés travaillaient depuis leur bureau au Grand-Duché.


Fini le télétravail pour les Allemands après le 30 juin
Comme pour les Belges et les Français, le travail à domicile sera possible jusque fin juin pour les frontaliers allemands. L'accord sera résilié ensuite.

Cette dérogation expire le 30 juin. Après cette date, les frontaliers ne pourront travailler que 19 jours par an dans leur pays de résidence, après quoi ils y paieront leur impôt sur le revenu au prorata. Pour la plupart d'entre eux, cela signifie une perte de revenu net. Retour au bureau donc, synonyme de retour aux bouchons inévitables sur l'A1, et aux bus bondés? Certaines initiatives tentent justement d'étendre au moins le nombre de jours de télétravail. L'année dernière, la Belgique et la France ont toutes deux décidé de relever le seuil de tolérance fiscale pour les travailleurs frontaliers à 34 jours.

Seule l'Allemagne a encore du mal à prendre une décision. Pourtant, les travailleurs ne sont pas les seuls à bénéficier d'une réglementation plus flexible, les entreprises luxembourgeoises y trouvent également leur compte. «Presque tous nos membres, dont beaucoup sont des employeurs, ont fait l'expérience du home office pendant la pandémie. Dans un sondage que nous avons réalisé en novembre dernier, 85% d'entre eux ont indiqué qu'ils envisageaient de maintenir des règles de télétravail au-delà de la fin de la pandémie», explique Stefan Pelger, président de l'Initiative économique germano-luxembourgeoise et également CEO de l'assurance DKV Luxembourg. 

Un à deux jours de télétravail par semaine, l'idéal

Stefan Pelger ist Präsident der Deutsch-Luxemburgischen Wirtschaftsinitiative.
Stefan Pelger ist Präsident der Deutsch-Luxemburgischen Wirtschaftsinitiative.
Photo: Stefan Pelger

La plupart des entreprises préféreraient un couloir d'un à deux jours de travail à domicile par semaine, dit-il. Mais lors de la même enquête de l'initiative économique, 86% des participants ont indiqué qu'ils auraient des difficultés à introduire chez eux une règle de home office praticable avec la limite des 19 jours.

«Les entreprises luxembourgeoises qui y pensent ont souvent des travailleurs des quatre États concernés. Pour l'Allemagne, la limite est de 19 jours, pour la Belgique et la France, elle est actuellement de 34 jours et le travailleur luxembourgeois n'est pas du tout concerné», explique Pelger. En tant qu'employeur, il faut se poser la question de savoir comment gérer cette situation. «Si j'accorde un jour de télétravail, je dois organiser toute mon administration du côté des ressources humaines. Je dois compter les jours et ensuite, à partir du 19e jour, suspendre l'imposition sur le revenu au Luxembourg, fournir à mon employé une preuve qu'il a travaillé en étant exonéré d'impôts à partir du 19e jour et lui demander de verser l'impôt sur le revenu en Allemagne.»

Recherche d'une nouvelle formule

Pour préserver la paix sociale au sein de l'entreprise, il serait également difficile d'introduire des règles différentes pour les salariés de différents pays de résidence. «Bien sûr, on peut se mettre d'accord sur le plus petit dénominateur commun en disant que nous faisons du télétravail, mais que nous arrêtons après 19 jours. Dans ce cas, je ne dois expliquer à personne qu'il n'a le droit qu'à 19 jours, alors que d'autres en ont 34, et les suivants sans limite», suppose Stefan Pelger. 


A team of young people in a modern office is discussing their project. The group consists of two men and two women, one of the is pointing at some papers while the others pay attention.
458.000 salariés au Luxembourg dont 46% de frontaliers
Secteurs qui emploient le plus, télétravail, écart de rémunération entre hommes et femmes,... Le Statec dresse un panorama du monde du travail luxembourgeois à l'occasion du 1er mai.

Pour ces raisons, l'initiative économique espère au moins une harmonisation des règles dans les pays participants, voire, à long terme, un nouveau relèvement de la limite. En ce qui concerne la sécurité sociale, la règle actuelle est que les travailleurs ne peuvent pas travailler plus de 25% de leur temps dans leur pays de résidence. S'ils dépassent cette limite, ils y sont assujettis à la sécurité sociale. C'est pourquoi Pelger plaide pour que les règles de l'impôt sur le revenu s'alignent à l'avenir sur celles de la sécurité sociale. Cela représenterait environ 55 jours par an.

L'initiative économique germano-luxembourgeoise n'est pas la seule à réclamer une adaptation. Ainsi, une pétition est en cours depuis fin décembre auprès du Bundestag allemand, dans laquelle des navetteurs demandent une décision du Parlement pour augmenter de 19 à 55 jours le nombre de jours pendant lesquels les frontaliers germaniques peuvent travailler chez eux.

Un échange permanent

Verena Hubertz, députée au Bundestag pour la circonscription de Trèves et Trèves-Saarburg, où vivent à eux seuls plus de 30.000 frontaliers, milite elle aussi pour un ajustement. «Dans l'intérêt des travailleurs, je souhaite œuvrer pour une extension de la réglementation. Mon objectif est d'ancrer une limite d'au moins 46 jours dans la convention de double imposition. Concrètement, je m'oriente ainsi vers un jour de travail à domicile par semaine, moins la durée moyenne des congés», écrit-elle en réponse à une question.


Illustration Arbeiten von Zuhause aus, Telearbeit, Télétravail, Coronavirus, Covid-19, Homeoffice, Foto: Lex Kleren/Luxemburger Wort
Une nouvelle étape pour demander plus de télétravail
L'Assemblée nationale française a adopté mercredi la résolution proposant deux jours de télétravail par semaine. Elle propose également une réflexion à l'échelle européenne.

«Le home office est depuis longtemps une réalité vécue dans de nombreux contextes de travail. Outre la flexibilisation du monde du travail, les aspects environnementaux liés aux déplacements domicile-travail jouent également un rôle. Dans l'accord de coalition, nous nous sommes mis d'accord en tant que partis sur le fait que le travail mobile doit être possible sans problème dans toute l'UE». Une réglementation européenne uniforme, qui comprendrait également une compensation financière pour les pertes fiscales des communes, est donc souhaitable, dit-elle. 

«Le Luxembourg, qui a déjà relevé la limite en question à 34 jours avec la Belgique, est ouvert à un relèvement de la limite temporelle avec l'Allemagne», écrit le ministère luxembourgeois des Finances. «Les autorités compétentes des deux pays procèdent à des échanges réguliers.»

Pas de solution à court terme en vue

Le ministère allemand des Finances se montre plus réservé sur la question. Un «échange d'idées informel» a eu lieu et «des discussions ouvertes sur un besoin potentiel de codification et d'adaptation de la règle des 19 jours» sont prévues, écrit le ministère berlinois en réponse au Luxemburger Wort. Il n'est pas possible de dire pour l'instant «si et quand on peut s'attendre à un résultat de ces discussions».

Un accord au niveau ministériel ne suffirait toutefois pas pour une adaptation, mais devrait d'abord passer par le Parlement: «Les conventions de double imposition ou les protocoles de révision sont certes négociés dans un premier temps au niveau de l'exécutif avec l'autre État contractant, mais doivent être transposés en Allemagne dans le droit national par des lois fédérales. Une saisine au niveau du pouvoir législatif est donc également nécessaire», précise l'avis.


Le quota de 34 jours de télétravail bientôt acté
Encore un peu de patience pour les frontaliers belges: l'accord trouvé entre le Grand-Duché et la Belgique pour passer à 34 jours de télétravail au lieu de 24 sans impact fiscal a été approuvé en commission ce mardi.

Une modification à court terme semble donc exclue:«Dans la situation actuelle, il faut prendre acte du fait que la politique est actuellement occupée par de très nombreuses autres questions difficiles et qu'à Berlin, le sujet n'est donc probablement pas en tête de la liste des choses à faire», explique Stefan Pelger. L'Allemagne a des frontières avec neuf autres pays. Pour certains, comme la Pologne et la République tchèque, les flux de frontaliers vont dans le sens inverse de celui connu au Luxembourg. «L'Allemagne est certainement intéressée par la mise en place d'une réglementation uniforme applicable à toutes les régions frontalières», estime Stefan Pelger.

Pour cette année, il ne voit pas de problème majeur pour les entreprises, car les 19 jours restants après le 1er juillet devraient suffire à la plupart des travailleurs. «Je souhaite vraiment que le temps soit mis à profit pour discuter plus profondément et plus largement de ce sujet cette année, afin de parvenir à des solutions», a déclaré Pelger. Si ce n'est pas le cas, il craint que le Luxembourg perde de son attractivité pour les travailleurs allemands. 

Cet article est paru pour la première fois sur wort.lu/de

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