Transports gratuits, un concept qui ne paie pas
Transports gratuits, un concept qui ne paie pas
Les transports publics seront gratuits au Luxembourg.
Tour à tour, jeudi après-midi, chacun des représentants des trois partis engagés dans la future coalition ont confirmé cette mesure, principalement pour des «raisons sociales» a même indiqué le ministre de la Justice, Félix Braz. Tour à tour, ils ont aussi confirmé la poursuite des investissements massifs au service de la qualité.
L'Estonie s'est engagée sur la voie du gratuit dès janvier 2013 à Tallinn. Avec son identité numérique, le résident de la capitale estonienne peut obtenir une «green card» contre 2 euros et voyager librement. Les autorités municipales ont renoncé à 12 millions d'euros de recettes annuelles pour se lancer dans l'aventure, promise par différents partis politiques depuis 2005, afin d'aider les habitants les plus démunis ou pour les sociaux-démocrates jusqu'à la lutte contre les bouchons pour le centre-droit.
La hausse des voyageurs, cette année-là, a été uniquement due à l'utilisation, par ceux qui se déplaçaient jusque-là à pied, des bus et autres trams de la capitale estonienne, le trafic automobile n'a pas diminué. En cinq ans, le nombre de voitures a même augmenté de 44 % en Estonie. Elles émettent 60 % des émissions de CO2 du pays contre 6 % pour les transports publics à Tallin.
«Pourtant, le nombre de trajets a augmenté de 4 à 5 % par an», note le responsable des Affaires européennes de la Ville de Tallinn, Allan Alaküla. «En 2017, 142 millions de voyages ont été effectués en bus, tram et trolleybus» après des rénovations du réseau et du matériel. A titre indicatif, 100 millions de voyages en transports publics ont été enregistrés au Luxembourg en 2016.
La Suisse, neuf ans d'avance sur le Luxembourg
Au bord de la mer Baltique, ce choix politique a été étendu à toute l'Estonie cet été, onze des quinze régions administratives offrent l'utilisation du bus. La mesure n'a pas d'impact sur le climat, hurle déjà le principal parti d'opposition. Le Parti de la réforme, des libéraux de centre-droit, a promis d'y mettre fin s'il remporte les élections législatives de mars 2019.
L'impact a été bénéfique... parce qu'il a incité 31.000 personnes de plus à s'installer à Tallinn, répondent les autorités de la capitale.
Dans d'autres pays, le Canada, les Etats-Unis ou même la France où des discussions sont en cours à Paris, les analyses sont très prudentes avec l'intérêt de la gratuité tant en termes social qu'environnemental.
L'Estonie, ce n'est pas le modèle de référence du ministre luxembourgeois des Transports, fait savoir son cabinet. Mais plutôt la Suisse, champion d'Europe avec 2.439 kilomètres en train par habitant et par an contre 1.391 en Autriche (2e) et 1.373 en France (3e).
La distance parcourue par les trains, trams et bus a augmenté de plus de 30 % entre 2000 et 2016. Les trains, les trams et les bus sont plus fréquents, plus rapides, plus directs (moins de changements) et circulent la nuit.
Entrées à plancher bas, systèmes d’information de la clientèle, prises électriques: l'offre s'adapte à la demande des clients. La Suisse avait même déjà atteint en 2016 un objectif similaire à celui que le Luxembourg poursuit pour 2025: 52 % des «pendulaires», ceux qui vont de leur domicile à leur lieu de travail, utilisent leur voiture, 17 % le train, 14 % les transports publics sur la route, 8 % vont à pied et 7 % en vélo.
250 entreprises de transport, un titre unique
Comment les Suisses y sont parvenus? En améliorant le service et en cassant les prix. L'abonnement demi-tarif – créé en 1891, huit ans avant l'abonnement général – est passé de 360 à 100 francs suisses en 1987. Le Parlement suisse voulait favoriser son adoption pour des raisons environnementales. En peu de temps, le nombre d'abonnements dépasse les trois millions. Trois quarts des 16-24 ans possèdent un des deux abonnements et plus de 50 % des voyageurs plus âgés et l'utilisent pour les 37 kilomètres qu'ils parcourent chaque jour.
250 entreprises (!) délivrent un seul titre de transport, avec un rabais de distance qui peut atteindre jusqu'à 25 %. L'abonnement à «Service direct» fonctionne sur les 24.000 kilomètres des transports publics suisses.
Un seul élément met un bémol à cette situation idéale: interrogés en 2015 dans le cadre du «Microrecensement mobilité et transports», 52.000 personnes donnent les trois mêmes raisons pour préférer la voiture aux transports publics ou l'inverse. C'est la solution la plus simple (43,9 % pour la voiture, 41,8 % pour les transports publics), il n'y a pas d'alternative (23,3 %-31,1 %) et le temps de déplacement est plus court (22,9 %-13,8 %). Les bagages plaident pour la voiture, le confort, le coût, les habitudes, l'environnement, l'abonnement et le stationnement pour les transports publics.
Pour améliorer l'offre, le Conseil fédéral a lancé en décembre 2017 une «Etape d’aménagement de l’infrastructure ferroviaire 2030/35», qui prévoit 11,5 milliards de francs suisses (10 milliards d'euros) d'investissements jusqu'à cette date.
On ignore encore le montant que la future coalition luxembourgeoise investira de son côté mais les trois partis ont reconnu l'importance d'accompagner la gratuité d'une amélioration du service.
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