Repenser la territorialité pour assurer l'avenir, indispensable pour Idea
Repenser la territorialité pour assurer l'avenir, indispensable pour Idea
L'économiste Vincent Hein de la Fondation Idea l'a rappelé d'emblée au début de son intervention: «En trente ans, le Luxembourg a multiplié son PIB par 2,6, créé près de 290.000 emplois (x2,5), vu le nombre de ses frontaliers augmenter de 170.000 (x6) et connu une poussée démographique de près de 250.000 personnes (+65%).»
Des chiffres qui donnent le vertige si l'on se base sur les prévisions faites à la fin des années 80, bien en deçà de ce qui est la réalité actuelle. Et le moins que l'on puisse dire, c'est que cette attractivité a eu «d’incontestables retombées positives», entraînant une certaine «félicité économique».
Toutefois, il en résulte des modifications profondes de nombreuses caractéristiques territoriales du pays. «Des goulots d’étranglement se manifestent peu à peu et représentent une menace pour la prospérité économique, sociale et écologique future du Luxembourg.»
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Raison pour laquelle les économistes ont collaboré avec Romain Diederich, un géographe anciennement à la tête du département de l'aménagement du territoire du ministère du Développement durable pendant dix ans. Le but: avoir une vision complémentaire qui allie économie et géographie.
Ainsi, à un état des lieux général de la situation se succèdent deux scénarios distincts, l'un supposant une croissance économique progressive à l'horizon 2050; l'autre, à l'image de la démarche du gouvernement avec Luxembourg Stratégie, se base sur un développement économique et social très dynamique de la productivité, avec cependant des calculs et des simulations «maison» dans les deux cas. Et qu'importe les prévisions effectuées, certaines thématiques bien précises sont à (re)considérer au plus vite par les politiques.
Des défis certains en matière d'urbanisme
En haut de la liste des priorités à mettre en œuvre en matière de territoire, «faire accepter sociétalement parlant certaines évolutions des modes de vie proposés»; mettre en place «des outils règlementaires nouveaux»; «penser la double contrainte de mixité fonctionnelle et sociale» et enfin, «inventer des modèles économiques qui permettre d'instaurer des réalisations urbaines nouvelles et un accès au logement à prix abordable».
Et cela passerait donc par un freinage de «l'urbanisation de secteurs ruraux pour éviter la périurbanisation», ou encore par la création «de nouvelles centralités urbaines, autrement dit, transformer des villages en petites villes et des petites villes en villes». Sans oublier la préservation des «espaces faisant l'objet de mesure de protection environnementale». Un casse-tête qui nécessitera plus «de fusions et de coopérations entre les communes».
Repenser les transports et la mobilité
Selon l'étude, il apparaît aussi plus que nécessaire d'effectuer «d'importantes évolutions du système de mobilité au Luxembourg et dans son espace transfrontalier».
Une dynamique qui comprend donc le réseau routier, le réseau ferroviaire, le tram, les bus et la mobilité dite douce. Il faut dire qu'«à l'heure actuelle, toutes les lignes principales de chemin de fer aboutissent à la gare centrale de la capitale», générant de fait des détours et «renforçant la saturation de celle-ci» et du donc du réseau CFL.
Pour désenclaver la gare centrale, Romain Diederich préconise plusieurs mesures, à commencer par la mise en place de «deux by-pass permettant de relier certaines lignes importantes entre elle, sans passer par cette dernière». L'installation à des «endroits bien choisis» de P+R supplémentaires constitue aussi «un maillon essentiel».
Enfin, deux autres modes de transport pourraient faire leur apparition: le tram sur pilotis pour les zones où il n'y a pas assez d'emprises disponibles au sol, et le téléphérique urbain, tel qu'il existe déjà dans des villes comme Brest. Ces derniers sont «particulièrement indiqués» pour franchir des obstacles topographiques importants, à l'image de la vallée de l'Alzette. De l'aveu du géographe, ces alternatives seraient certes coûteuses, «mais bien moins que le tram et auraient l'avantage d'être plus rapides».
Autant de propositions qui pourraient permettre d'absorber plus facilement un flot démographique qui ne cesse de grossir, «à condition que la part de la voiture baisse et que le télétravail se développe».
Instaurer plus de coopération avec les pays limitrophes
Pour finir, il est indispensable d'élaborer le Luxembourg de demain en concertation avec les pays et les régions limitrophes, car les problématiques du pays «ne s'arrêtent pas à ses frontières».
En témoignent les déconvenues induites par l'explosion de la démographie dans les villes frontières, à l'image d'Audun-le-Tiche, ou encore les projets ferroviaires comme celui qui devrait permettre de relier Sarrebruck et Luxembourg via Metz d'ici 2035.
L'étude propose d'ailleurs d'utiliser la fiscalité pour «favoriser la mobilité durable», d'étudier «la pertinence de système de vignettes (péages dans les centres urbains»... Ou encore de créer des fonds de coopération transfrontalières et d'inciter aux regroupements de communes aux frontières. Dans tous les cas, Romain Diederich est formel, «il va falloir oser, et ne pas s'arrêter au fait que certaines choses n'ont jamais été tentées et semblent irréalisables».
Retrouvez ci-dessous une synthèse de l'étude en 136 pages:
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