Privés de chantiers mais pas de missions
Privés de chantiers mais pas de missions
Ce n'est pas un virus qui mettra à mal Bonaria Frères. Gérard Thein s'y engage, lui qui représente la quatrième génération familiale aux commandes de la société eschoise spécialisée dans le BTP. «N'empêche, quand j'ai réuni toute l'équipe dans la cour pour leur annoncer l'arrêt total des chantiers et la mise en chômage partiel, ce n'était pas simple à avaler.» Face à lui, le chef d'entreprise se retrouvait avec 150 salariés inquiets tant pour leur santé immédiate que leur emploi de demain.
A chacun, le patron voulait délivrer le même message. Sur le congé familial, sur le chômage partiel, sur sa confiance dans la reprise. «Car ça redémarrera. Même très fort, genre action-réaction. Tout le monde voudra voir achever sa construction, débuter tel chantier qui a pris du retard, nous confier de nouveaux travaux. C'est aussi à ce moment-là que les donneurs d'ordre devront montrer un peu de solidarité et comprendre que tout ne pourra pas se faire en un claquement de doigts. Il faut valoriser encore plus le dur travail de nos ouvriers dans le secteur de la construction. »
Et, oui, sans doute faudra-t-il repenser le congé collectif pour cet été 2020. «On doit trouver une solution ensemble avec nos ouvriers et les syndicats, prévient Gérard Thein. Après la tornade d'août 2019, personne n'a rien trouvé à redire quand on a demandé aux artisans de vite interrompre leurs vacances pour réparer les dégâts à Pétange et Bascharage. On nous a même applaudis pour l'avoir fait.»
Mais l'arrêt n'aura guère duré pour une partie des employés et des cadres de Bonaria Frères. Assurant les réparations d'urgence pour une dizaine de communes du sud du pays, les Ponts & Chaussées, Sudgaz ou Creos, le téléphone a vite sonné pour des urgences express. «C'est clair qu'en ce moment quand tu aides à vite rétablir le courant dans un quartier ou à stopper une fuite d'eau, ça prend une autre dimension. Tu te sens plus utile encore en temps de crise.»
Aussi, quand la commune d'Esch, a appelé l'entrepreneur pour mobiliser des personnels à la mise en place du centre de soins avancé à la Rockhal de Belval, Gérard Thein n'a pas hésité une seconde. Sept ouvriers, deux camions et voilà l'entreprise agissant pour le bien du pays aux côtés de l'Armée, des employés communaux d'Esch et les techniciens de la salle de spectacles. Cas de force majeure.
Leçons à tirer
Comme chef d'entreprise, Gérard Thein reconnaît que ces derniers jours ne sont pas de tout repos. Vérifier les comptes, s'assurer que les paies partent bien et avec le bon montant, bien répondre aux appels d'offres qui tombent toujours, jongler avec les nouveaux reports de collecte de TVA ou charges sociales, peiner à joindre des fournisseurs, être rassuré par les appels des banques qui assurent qu'elles se montreront souples. «Le plus important pour les entreprises est ce message: chaque client doit payer ses factures et les entreprises doivent payer tous leurs fournisseurs pour garantir que l’économie luxembourgeoise ne risque pas de stopper», estime le responsable.
De cette crise, le directeur entend tirer des leçons. A commencer par le déploiement accéléré du télétravail pour certaines missions. La méthode fonctionne, pourquoi ne pas la reconduire sitôt débarrassé de la menace du covid-19? «Ce serait important pour diminuer le trafic routier au Luxembourg ou le stress des employés. Les heures perdues hors famille seraient réduites aussi, ce qui ne serait pas un mal non plus.»
Et tandis que dans un coin de sa tête, il réfléchit à la réorganisation envisageable demain, l'entrepreneur laisse parler son cœur : «J’espère qu'après cette crise, les gens penseront d’une autre manière et que nous revaloriserons les travaux durs de l’artisanat, des soins et des hôpitaux».
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