«On gère un centre commercial comme un village»
«On gère un centre commercial comme un village»
Quand il parle de lui, Laurent Schonckert ne donne jamais directement son titre officiel. Il préfère l'expression «moitié épicier, moitié agent immobilier» plutôt qu'administrateur-directeur de Cactus et de La Belle Étoile. Un centre commercial dont il connaît le moindre recoin, la moindre boutique (et il y en a 105) et presque chacun des 1.200 employés qui font vivre la structure aujourd'hui.
En juillet 1974, à la naissance de La Belle Étoile, où étiez-vous?
Laurent Schonkert - «Je suis natif de Mamer, c'était juste à côté de ce grand bâtiment qui venait d'être construit Route d'Arlon, là où il y avait des prés. J'étais adolescent et, avec mes copains, nous sommes allés du village au centre commercial à pied pour assister aux animations et au feu d'artifice. Dix ans plus tard, j'intégrais le groupe Cactus. J'ai pris mon temps pour rentrer (rires).
Quelle est la date-clé de ces 45 ans de Belle Étoile?
«J'en vois deux. 1988 d'abord quand cinq enseignes luxembourgeoises viennent de la capitale pour nous rejoindre. C'était une révolution. Il faut se remettre dans le contexte: à l'époque, il y avait un antagonisme très fort entre le centre et la périphérie. Nous étions presque pestiférés ici. Alors l'arrivée des Neuberg, Schroeder, Josy Welter, Namur et Ernster, ça nous a donné une autre dimension.
Et puis, il y a 2013 avec l'ouverture de la nouvelle galerie après trois ans de travaux. Avec ce chantier, nous passions au-delà des 100 magasins sur site et une surface de vente de 39.000m2. J'étais persuadé qu'avec la proximité des lycées, il fallait ajouter quelques enseignes jeunes. Pari gagné.
45 ans, l'âge de la sagesse visiblement.
«Vous dites cela parce que nous n'annonçons pas de gros investissements cette année, mais c'est voulu. Nous misons plus sur la continuité du centre, l'aventure continue avec les boutiques qui nous font confiance. Cela ne nous empêche pas d'avoir de l'ambition pour nos enseignes et des projets. Il faudra revoir le code-couleur, le revêtement de sol, les luminaires de notre plus ancienne galerie. Mais nous ne le ferons pas à la légère. Le dernier chantier a duré trois ans, il faut savoir gérer l'activité commerciale et le passage des engins, le bruit, la poussière. Alors, on réfléchit bien. C'est cela la sagesse.
La concurrence, elle, ne cesse de croître. Quel est votre avis sur cette multiplication des centres commerciaux?
«Je serai contre un moratoire qui interdirait de nouvelles ouvertures. Mais il faut reconnaître que cela complexifie le métier. L'arrivée de Royal-Hamilius, Cloche d'Or, Infinity Shopping (qui ouvrira le 12 décembre), cela sème surtout le trouble parmi les grandes enseignes qui ne savent plus trop où se positionner ou ouvrir une nouvelle franchise. Pour ce qui concerne Belle Étoile, nous n'avons pas beaucoup de mouvements. Et ce qui prime toujours dans les choix de location, c'est de conserver notre image populaire: ni bas de gamme, ni haut de gamme.
Vous reconnaissez-vous dans ce nouveau paysage commercial?
«Pas tellement. Car je constate que bien souvent ces projets ont pour origine des promoteurs immobiliers, pas des commerçants. Il ne faut pas seulement s'intéresser à la ligne des loyers quand on gère un centre commercial, c'est une vie à organiser. Belle Étoile est né et appartient à la famille Leesch (propriétaire de cactus) et pas à un fonds de pension. Ce que ça change? L'approche. Ici, nous veillons à la mixité des commerces, entre de vrais Luxembourgeois et des groupes internationaux. Un mix que nous pensons être à l'image du pays.
Les centres commerciaux grandissent plus vite que le pouvoir d'achat, cela peut être préoccupant pour eux.
«Il ne suffit pas d'ouvrir pour qu'un centre fonctionne. Les consommateurs de 1974 n'avaient guère le choix, aujourd'hui les centres se battent pour les attirer. Et pas que dans notre pays, Linkling en France, Messancy en Belgique ou côté allemand, la concurrence est féroce. Cette nouvelle donne doit nous pousser à être plus vigilants encore dans le choix des marques que nous rassemblons, leur équilibre, leur réponse aux attentes des clients. Car au final, c'est lui le patron!»
