Nouvelle CEO chez Luxinnovation: «Le mot d'ordre est coordination»
Nouvelle CEO chez Luxinnovation: «Le mot d'ordre est coordination»
Luxinnovation, l'agence nationale chargée du développement de l'innovation et de la promotion de l'économie, a un nouveau CEO. Sasha Baillie, qui travaillait en étroite collaboration avec le ministre de l'Economie Etienne Schneider dans son cabinet, a pris ses fonctions depuis mai. Avec plus de vingt ans de carrière dans l'administration de l'Etat (voir encadré ci-dessous), elle semble faite pour ce poste. Soutien aux entreprises, efforts de communication et marketing, développement des secteurs d'activité, dans son bureau qui surplombe le site de Belval, Sasha Baillie revient sur les principales missions de Luxinnovation et sur les défis qui l'attendent.
Sasha Baillie, si l'on considère le datacenter Google, le space-mining ou encore la lutte contre la fraude fiscale, le gouvernement a fait de grands efforts pour changer l'image du pays. L'un des objectifs de Luxinnovation est d'accompagner les entreprises souhaitant s'installer ici. Est-ce que ces efforts se traduisent par un nombre accru d'entreprises s'informant sur le Luxembourg?
Il est difficile d'établir un lien direct de cause à effet. De manière générale, une visibilité internationale plus importante sur notre économie attire un nombre plus important d'entreprises. Chaque jour, de nouveaux contacts sont créés. Notre job est de réagir rapidement, de faire une analyse de la société et de leurs besoins et de pouvoir répondre à des questions comme «Est-ce que cette entreprise est intéressante pour nous?», «Que pouvons-nous faire pour les aider dans leur développement?».
Une visibilité internationale plus importante sur notre économie attire un nombre plus important d'entreprises.
En 2017, deux entreprises étrangères ont choisi le Luxembourg. Cela vous semble être un bon résultat?
Nous avons une double mission à Luxinnovation: faciliter l'accès des entreprises de notre pays aux marchés étrangers, mais aussi attirer les investisseurs et les entreprises au Luxembourg. Il faut donc attirer l'attention sur notre pays, donner les informations nécessaires pour que les entreprises puissent faire un choix en toute connaissance de cause. C'est un processus très long. Les entreprises qui décident de s'implanter ailleurs doivent analyser le marché, le comparer avec d'autres marchés, évaluer les coûts, prendre en compte les ressources humaines qui seront nécessaires. Ce sont donc des décisions qui prennent des années. Il est trop tôt pour pouvoir évaluer s'il s'agit d'un bon résultat ou pas.
Au-delà des contacts établis au Luxembourg, certaines entreprises passent également par vos missions à l'étranger.
Exactement, nous soutenons les personnes qui sont sur le terrain, dans les Luxembourg Trade and Investment Offices, en leur donnant toutes les informations nécessaires pour avoir de bons arguments pour le Luxembourg sous la main. Il doit s'agir d'informations vraies, authentiques, et surtout ciblées par rapport au marché visé, sans quoi nous pourrions passer à côté de contacts qui sont d'un grand intérêt pour le Luxembourg.
Cela vous oblige à faire de la communication à la carte, non?
Nous faisons les deux: de la communication plus générale et de la communication très ciblée. Le mot d'ordre est, dans les deux cas, coordination! C'est vraiment important que nous coordonnions nos efforts en matière de marketing du pays, que nous suivions le même fil rouge, qu'il s'agisse de la promotion du secteur économique, financier, touristique ou culturel.
Cette logique de coordination semble pourtant avoir ses limites, si l'on considère le projet abandonné de fusion avec l'agence de promotion Luxembourg for Finance. Comment expliquez-vous cela?
C'était l'idée au départ, mais nous avons constaté que Luxembourg for Finance couvre un autre domaine, avec d'autres acteurs et des services très spécifiques. Il nous a semblé logique, dans un premier temps en tout cas, de lier Luxembourg for Business, qui était l'agence du ministère en charge du développement des secteurs et du soutien aux entreprises, avec Luxinnovation. Et par la même occasion, on a donné à Luxinnovation de nouvelles fonctions, notamment avec la mise en place d'une nouvelle unité de market intelligence.
Où en êtes-vous avec cette nouvelle unité?
Nous sommes en train de la mettre en place; elle comprend pour l'instant trois collaborateurs. L'objectif de l'équipe est de veiller à ce que nous ne passions pas à côté de nouvelles technologies qui pourraient nous servir au Luxembourg. Par ailleurs, cette unité nous aide à avoir une meilleure connaissance du paysage économique luxembourgeois. Dans le domaine des biotechnologies par exemple, l'unité est en train de réaliser une cartographie sectorielle. Nous souhaitons ainsi identifier les entreprises qui sont déjà présentes ici et identifier les instruments dont nous avons besoin pour les aider à développer leurs activités.
Parlons des clusters: comment évaluez-vous l'impact des échanges entre entreprises?
Le défi au niveau des clusters est vraiment d'agir de manière ciblée pour identifier des projets communs. Les clusters managers de Luxinnovation, donc ceux qui mettent en œuvre les stratégies définies par le ministère, s'occupent de l'opérationnel, rassemblent les acteurs et avancent des propositions, travaillent main dans la main avec les présidents de clusters, qui, eux, viennent du secteur privé. Ensemble, ils sont en mesure d'identifier des projets qui sont bénéfiques pour tous les acteurs représentés dans les clusters. On ne peut pas tout faire avec des moyens limités! Ensuite, les interactions entre clusters sont tout aussi importantes que les synergies qui se créent entre membres d'un même cluster. Prenons le cluster du bois et celui de l'écoinnovation: les acteurs de ces clusters peuvent être en partie les mêmes, ce qui aide à définir les intérêts que ces entreprises peuvent avoir en commun.
Mon lien avec toutes les administrations de l'Etat est certainement l'un de mes atouts principaux pour ce poste.
Luxinnovation a déménagé à Belval en 2016. Tirez-vous bénéfice de la proximité avec la communauté scientifique?
Oui, je suis contente de travailler ici, directement avec le privé. Nous cherchons vraiment à capter les besoins des entreprises. Et Belval est un écosystème pertinent pour nos activités! Il faut connaître les compétences du Luxembourg dans le domaine de la recherche pour pouvoir guider au mieux les entreprises. Quelle que soit leur taille, certaines de ces entreprises ont un besoin pointu en technologie. C'est là où la proximité avec l'Université du Luxembourg ou le Luxembourg Institute of Science and Technology nous permet de créer des synergies. Bien entendu, comme nous interagissons avec des entreprises situées dans l'ensemble du pays, je me déplace souvent. Je suis par ailleurs en contact régulier avec le ministère de l'économie, la Chambre de Commerce, la Chambre des Métiers, la Fedil, et d'autres.
Vous assumez le rôle de CEO de Luxinnovation, mais vous êtes également membre de la direction du ministère. Vos relations doivent vous aider dans vos fonctions.
En effet, mon lien avec toutes les administrations de l'Etat, donc le savoir sur le fonctionnement précis des différentes instances et de leur processus décisionnel, est certainement l'un de mes atouts principaux pour ce poste. J'ai un meilleur aperçu des marges de manoeuvre que nous avons pour faire avancer les choses et pour assurer une meilleure communication.
Quel est votre statut maintenant que vous avez changé de fonctions?
Je suis toujours fonctionnaire; j'ai simplement été affectée au poste de CEO pour diriger Luxinnovation. J'ai été mandatée à cet effet par le ministère.
De manière indéterminée?
Oui! J'ai une mission à accomplir ici dont les résultats vont, je l'espère, satisfaire nos actionnaires. On vient par ailleurs d'adopter un nouveau contrat de performance qui prévoit de nouveaux objectifs quantitatifs. Je vais tout mettre en œuvre avec mon équipe pour les atteindre, même si j'ai l'intention de mettre l'accent sur le qualitatif.
Comment vous voyez-vous finalement, fonctionnaire ou femme d'affaires?
Je dirais que je suis une fonctionnaire à l'esprit entrepreneurial! (rires)
