Le zéro-mort dans le BTP impossible à tenir
Le zéro-mort dans le BTP impossible à tenir
par Thierry Labro
Il avait 52 ans et une famille. Samedi, en plein milieu de l'après-midi, cet ouvrier est passé à travers le toit d'un bâtiment de la zone industrielle Jauschwis à Roost.
Le cinquième mort de l'année dans le bâtiment est «un autre mort de trop», s'est indigné le ministre du Travail, sous un soleil de plomb, lundi matin. Sur un chantier de Costantini, route d'Arlon, presque en face de la caserne des pompiers, Nicolas Schmit donnait le coup d'envoi d'une semaine sur la sécurité et la santé au travail dans le secteur de la construction, organisée par l'Association d'assurance accident, l'Institut de formation sectoriel du bâtiment et l'Inspection du travail et des mines (ITM).
Avec son collègue de la Sécurité sociale, Romain Schneider, les deux ministres «contrôleront» huit chantiers pour témoigner de leur engagement en faveur de la formation à la prévention des risques.
Tout en sachant très bien que «l'ITM a un rôle central», réaffirme-t-il devant une cinquantaine de personnes, dossards fluorescents sur le dos, casques de chantier sur la tête et chaussures de sécurité aux pieds.
Deux fois plus d'inspecteurs seraient nécessaires
Pourtant, année après année, l'Inspection du travail et des mines, qui doit déjà travailler dans un périmètre très limité et précis, répète combien le recrutement de nouveaux inspecteurs est compliqué.
Le concours de la fonction publique d'Etat n'a qu'un taux de réussite de 25%, dit le directeur de l'ITM, Marco Boly. Ceux qui réussissent n'ont pas envie de devenir inspecteur, et comme il faut être luxembourgeois, on tourne en rond.
Selon l'Organisation internationale du travail, pour bien encadrer les 400.000 salariés au Luxembourg, 50 inspecteurs seraient nécessaires. L'ITM en compte 21.
L'opération de communication est une autre pierre «pour que la base de la pyramide des problèmes du BTP soit plus petite», dit M. Boly.
Chaque année, près de 20.000 accidents dans le secteur coûtent la vie à entre quinze et vingt-six ouvriers, dont un cinquième sur le trajet entre leur domicile et le chantier.
Organiser cette campagne en juin n'est pas innocent. C'est le moment de l'année où les patrons du BTP mettent le plus la pression sur leurs équipes avant le congé collectif, du 29 juillet au 28 août.
Une plate-forme d'action à l'automne
Entre ces murs en béton, sans aucun vent qui ne soulève la poussière blanche du sol, tout le monde est beau, tout le monde est gentil, pourtant.
Seules 15 des 1.000 entreprises du BTP participent à cette campagne. «C'est normal», glisse-t-on à droite ou à gauche pour éteindre toute polémique, elle ne fait que commencer. Les autres ne sauraient tarder à rejoindre les 70 sociétés déjà engagées, tous secteurs confondus, assure-t-on.
Pour mieux contrôler tout ce qui ne va pas, les ministres travaillent à une plate-forme d'action, dans laquelle on retrouverait la Chambre des métiers, les Douanes, l'ITM, l'administration fiscale, la Chambre de commerce et les syndicats», et une stratégie nationale pour l'automne. Il s'agit d'unir les forces pour obliger les récalcitrants à respecter les règles communes.
La coopération renforcée avec les Douanes, depuis août dernier, donne déjà des résultats: plus de 800.000 euros de procès-verbaux ont été délivrés.
Les problématiques sont d'autant plus difficiles à aborder que les entreprises luxembourgeoises ont accueilli 190.000 «détachés» l'an dernier, principalement de sociétés allemandes, loin devant les sociétés françaises ou belges et que la culture de la sécurité est très variable d'un pays à l'autre.
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