Le revenu universel ou l'illusion du remède miracle
Le revenu universel ou l'illusion du remède miracle
Moqué par certains, sensé pour d'autres, le revenu universel signe son grand retour en force en Europe. En France, en Belgique ou encore en Allemagne, le versement d'une somme mensuelle fixe à tous les citoyens, sans conditions, est ainsi de plus en plus présentée comme une potentielle réponse à la crise sociale engendrée par le covid-19. Si la question n'est pas pour l'heure étudiée au Grand-Duché, l'idée reste néanmoins soutenue depuis plusieurs années déjà par le parti pirate.
Pour son président Sven Clement, l'instauration d'un tel revenu offrirait en effet la possibilité de pouvoir se «libérer de l'obligation d'aller travailler» engendrée par une nécessité financière. A ses yeux, la mise en place d'un telle mesure permettrait donc à chaque citoyen de mieux harmoniser vie professionnelle et vie privée, de prendre certaines initiatives sans se retourner ou encore de «s'épanouir pleinement dans d'autres activités», souligne-t-il, évoquant l'éducation des enfants, l'engagement bénévole ou le développement d'un projet entrepreneurial.
Mais ses avantages ne s'arrêtent pas là. Le revenu universel serait également une solution toute trouvée pour «pallier certaines insuffisantes du modèle de protection sociale» qui ont été révélées par la pandémie, souligne de son côté le directeur de la Fondation Idea Muriel Bouchet. Car malgré le soutien public massif, notamment à travers le chômage partiel, certains subissent de plein fouet les conséquences économiques de la crise. A l'instar des professionnels de l'horeca, des étudiants ou encore les personnes travaillant au noir.
Pour autant, bien qu'il considère l'idée «intéressante» sur un plan philosophique, l'économiste se veut plus terre à terre. Une telle mesure serait en effet «peu viable» pour le pays. En 2015, l'expert avait d'ores et déjà estimé le coût brut d'une allocation de 1.000 euros par mois à près de 14% du PIB, si elle était versée exclusivement aux résidents. Un taux qui pourrait grimper à 23% si elle incluait également les quelque 200.000 travailleurs frontaliers. «Ce qui serait juste», souligne-t-il.
Ces coûts pourraient néanmoins être revus à la baisse si l’allocation universelle avait pour vocation de «remplacer les prestations sociales», précise l'expert du think tank de la Chambre de commerce. Dans ce cas, l’État réaliserait alors une économie «d'environ 8% du PIB». Mais pour l'économiste, «il n'y a pas d'économie possible». Selon lui, il serait «compliqué» de remplacer les aides existantes par une somme fixe mensuelle. «On ne peut pas dire à une personne qui doit se faire opérer de supporter le coût de celle-ci avec le seul revenu universel», donne-t-il en exemple.
Cibler davantage
Malgré ses atouts, la mesure ne pourrait donc pas être vue comme une solution à la crise aux yeux de l'économiste. «Le pays a accumulé des déficits». Sans compter que «d'autres besoins existent», que ce soit pour le logement, la transition énergétique ou écologique. Il serait donc tout simplement «difficile de mettre encore davantage d'argent sur la table».
Pour Muriel Bouchet, il reste donc plus intéressant de cibler les bénéficiaires. «L'idée est moins révolutionnaire qu'une allocation universelle, mais ce serait plus juste», assure-t-elle avant d'ajouter que cela bénéficie ainsi «aux personnes qui en ont le plus besoin». Pour rappel, 12% de la population active se trouvait, en 2019, en risque de pauvreté au Luxembourg selon les données Eurostat. Un score bien au-delà de la moyenne européenne, fixée à 9%. A l'inverse, quelque 40.200 millionnaires résideraient au Luxembourg à en croire le dernier rapport World Wealth Report.
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