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Le procès Luxleaks fondamental pour les lanceurs d'alerte
Économie 4 min. 12.12.2016 Cet article est archivé
A Luxembourg ce lundi

Le procès Luxleaks fondamental pour les lanceurs d'alerte

A son arrivée au tribunal le 26 avril bénéficiait d'un certain soutien populaire.
A Luxembourg ce lundi

Le procès Luxleaks fondamental pour les lanceurs d'alerte

A son arrivée au tribunal le 26 avril bénéficiait d'un certain soutien populaire.
Guy Jallay
Économie 4 min. 12.12.2016 Cet article est archivé
A Luxembourg ce lundi

Le procès Luxleaks fondamental pour les lanceurs d'alerte

En première instance, Antoine Deltour et Raphaël Halet ont été reconnus comme lanceurs d'alerte, mais condamnés à de la prison avec sursis. Les accusés et les associations militantes attendent un acquittement en appel.

Par Pierre Sorlut

Les trois accusés de Luxleaks comparaissent en appel devant les juges luxembourgeois ce lundi après-midi sur fond de débat européen pour garantir davantage de protection aux lanceurs d'alerte.

Alors que les manifestations de soutien aux «whistleblowers» se multiplient ces derniers jours, deux de leurs plus emblématiques représentants, Antoine Deltour, 31 ans, et Raphaël Halet, 40 ans, visent à partir de ce lundi l'acquittement dans le procès en appel des Luxleaks, du nom de la fuite de documents confidentiels qui, le 5 novembre 2014, avait mis à nu l'optimisation fiscale des multinationales via le Grand-Duché.

L'acquittement pur et simple

Pour avoir soustrait à leur employeur PricewaterhouseCoopers (PwC) Luxembourg des centaines de copies d'accords fiscaux passés entre le cabinet d'audit et le fisc luxembourgeois pour le compte de grandes entreprises, Antoine Deltour et Raphaël Halet avaient le 29 juin respectivement écopé de 12 mois de prison avec sursis et 1.500 euros d'amende, et de 9 mois avec sursis et 1.000 euros d'amende. Ils sont tous deux poursuivis pour vol, violation du secret professionnel, accès frauduleux dans un système informatique et blanchiment de documents soustraits. Les deux Français avaient fait appel de la condamnation.

Quatre ans et demi sous les projecteurs de LuxLeaks

Le journaliste français Edouard Perrin, 45 ans, qui avait récupéré les documents fiscaux auprès de MM. Deltour et Halet avant de les utiliser dans deux émissions de Cash investigation diffusées sur France 2 en mai 2012 et juin 2013 avait lui été acquitté en première instance des charges qui pesaient sur lui, à savoir complicité de divulgation de secrets d'affaires, de violation du secret professionnel et blanchiment d'informations volées. M. Perrin réapparaît à la barre ce lundi suite à un appel général prononcé en août par le ministère public luxembourgeois qui ne voulait pas «saucissonner» les éléments du dossier. Contacté, le parquet du Luxembourg indique que les faits reprochés à Edouard Perrin sont indivisiblement liés à ceux reprochés à Raphaël Halet.

Luxleaks caisse de résonance

En première instance, Antoine Deltour et Raphël Halet avaient dit avoir agi au nom de l'intérêt général et revendiqué le statut de lanceur d'alerte, ce que le tribunal avait bien voulu entendre. «Suite aux révélations 'Luxleaks', ils ont contribué à une plus grande transparence et équité fiscale. Les deux prévenus ont donc agi dans l’intérêt général et contre des pratiques d’optimisation fiscale moralement douteuses» résume le jugement. Mais si le président du tribunal, Marc Thill, a reconnu aux deux Français le statut de «lanceur d'alerte», il a néanmoins constaté que celui-ci ne les protégeait pas, ni en droit national ni en droit européen.

La société civile s'est mobilisée dimanche (voir par ailleurs) et a annoncé reconduire le mouvement ce lundi en faveur de la reconnaissance en droit de l'action des lanceurs d'alerte. Des membres du Parlement européen, Pascal Durand, Benedek Javor, Sven Giegold et Claume Turmes (Les Verts), réitéreront leur soutien aux lanceurs d'alerte avant de se rallier aux centaines de personnes venues à l'invitation des mouvements de solidarité avec les inculpés, sur le parvis de la cité judiciaire.

108 eurodéputés derrière les lanceurs d'alerte

En septembre déjà, 108 eurodéputés de différentes sensibilités politiques avaient apporté leur soutien aux «lanceurs d'alerte de Luxleaks» par une lettre envoyée aux autorités européennes et luxembourgeoises. Dans leur courrier, les représentants des citoyens européens constataient, comme le juge luxembourgeois l'avait fait valoir dans son délibéré du 29 juin, «le manque de protection accordée aux lanceurs d'alerte aussi bien au niveau national qu'européen». Les membres du Parlement européen entendent une nouvelle fois utiliser le procès Luxleaks comme caisse de résonance pour inviter la Commission européenne et les Etats membres à formuler des propositions concrètes en faveur des lanceurs d'alerte.

Le jugement qui sera prononcé par le président de la Cour d'appel Michel Reiffers à l'issue des audiences pourrait alternativement faire école s'il disculpe MM. Deltour et Halet ou cristalliser la lutte pour la reconnaissance du combat des lanceurs d'alerte. Dans cette deuxième hypothèse, les avocats de la défense ont d'ores et déjà indiqué qu'ils iraient devant la Cour de cassation.

Le 5 novembre 2014, l'ICIJ avait publié sur son site internet 548 rescrits fiscaux liant l'administration luxembourgeoise à plus de 350 sociétés, ainsi que 16 déclarations fiscales. Les documents avait été respectivement soustraits par Antoine Deltour (le 13 octobre 2010) et Raphaël Halet (en 2012). Le scandale avait poussé le gouvernement luxembourgeois à battre en retraite sur l'échange transfrontalier de documentation fiscale et avait fragilisé le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, fraîchement investi. Les révélations de Luxleaks ont également servi de catalyseur à l'adoption de normes favorisant une homogénéisation de l'imposition des firmes multinationales à travers les pays de l'OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques).

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