Le Luxembourg et le spectre d’un Brexit sans accord
Le Luxembourg et le spectre d’un Brexit sans accord
(DH avec Thomas Klein) - Les amateurs de thrillers politiques peuvent annuler leur abonnement chez les géants de l’audiovisuel. Aucune série de fiction ne rivalise à l’heure actuelle avec le scénario à rebondissements du Brexit. Toutes les options sont encore possibles et les réponses apportées à la question des conséquences économiques du retrait du Royaume-Uni de l'UE sont toutes aussi incertaines.
Quel serait alors l'impact d'un «no deal» sur l'économie? Selon une étude réalisée par le cabinet de conseil en management PricewaterhouseCoopers, un Brexit dur, à lui seul, coûterait à l'industrie financière britannique 6 à 8% de croissance et environ 30.000 emplois à court terme.
14,5 milliards d'exportation
Les conséquences étant extrêmement difficiles à quantifier, d'autres instituts, à l’image d’Oxford Economics, envisagent des répercussions beaucoup plus faibles pour les partenaires économiques du Royaume-Uni. Le Luxembourg entretient des liens très étroits avec la City et, selon le Statec, le Royaume-Uni est le cinquième partenaire du pays en termes d’exportations. Les deux économies échangeant beaucoup dans le secteur des services.
En 2015, le Luxembourg a exporté pour 14,5 milliards d'euros de services vers la Grande-Bretagne, un chiffre sept fois supérieur aux exportations de biens. Cela signifie en d’autres termes que 16% des exportations luxembourgeoises de services ont pris la direction des îles britanniques et qu’elles représentent le partenaire le plus important après l'Allemagne.
Etant donné qu’environ la moitié des flux étaient des services financiers, l’interaction avec le Royaume-Uni engendre une vulnérabilité certaine. L'agence de notation Standard & Poor's a d'ailleurs établi un «indice de sensibilité» indiquant dans quelle mesure les différentes économies seraient sensibles aux effets d’un Brexit dur.
Après l'Irlande, en raison de sa proximité géographique, le Luxembourg est classé en deuxième position sur une liste de 21 pays comme le montre le graphique ci-dessous.
Des calculs très aléatoires
Marina Steininger (économiste de l'institut allemand IFO) admet que ses calculs n'incluent pas les mesures d'ajustement et les mouvements de capitaux après le référendum concernant le Brexit. Frank Gill, analyste chez Standard & Poor's, souligne également combien il est difficile de calculer les conséquences d'un «no deal».
«C'était un défi de réaliser une analyse pour le Royaume-Uni. C'est encore plus difficile d’évaluer les effets sur les autres économies. Et cela est particulièrement vrai pour le Luxembourg, avec une concentration inhabituelle dans le domaine de la finance.» «Il faut considérer non seulement les interactions directes entre les deux pays, mais aussi l'effet d'un Brexit sur les autres partenaires commerciaux du Grand-Duché ou les effets sur le climat des affaires», ajoute Ferdy Adam du Comité de direction du Statec.
Un secteur financier bien préparé
De son côté, Nicolas Mackel, CEO de Luxembourg for finance, estime que le secteur financier est bien préparé. «Dans les accords négociés entre l'UE et la Grande-Bretagne, il n'y a rien sur les services financiers. Cela signifie que le secteur financier s’est, dès le début, préparé à un scénario de no deal», assure-t-il. «Toutes les sociétés actives sur les deux places ont mis en place des structures opérationnelles alternatives depuis 2016.»
C’est ainsi que les institutions financières britanniques ont commencé très tôt à délocaliser leurs activités vers des sites européens afin de garantir le bon fonctionnement de leurs activités. Selon le Statec, 66 entreprises se sont installées au Luxembourg depuis le référendum, dont huit banques, 35 fonds et 14 compagnies d'assurance.
D'après Standard & Poor's, 45 milliards d'euros d'actifs de fonds ont migré du Royaume-Uni vers le Luxembourg, cela rien que depuis le début de cette année. Cet afflux engendrera entre 500 et 1.000 nouveaux emplois sur la place luxembourgeoise sans compter les emplois indirects dans d'autres secteurs.
Les statisticiens luxembourgeois concluent donc que les scénarios catastrophe sont injustifiés. «Dans l'ensemble, nous prévoyons de légers effets positifs d'une rupture brutale sur le PIB luxembourgeois pour 2019, puis des effets légèrement négatifs pour 2020 et 2021, mais les conséquences sont de l'ordre du dixième de point de pourcentage», conclut Ferdy Adam.
