Le directeur d'Ikea Sterpenich se livre
Le directeur d'Ikea Sterpenich se livre
En mars 2005, Christophe Adrien comptait parmi les premiers employés à rejoindre les Suédois d'Ikea à Sterpenich. Après un intermède de huit ans et demi et deux ouvertures d'autres magasins du groupe, le cuisinier est revenu diriger le magasin en décembre dernier. «Un retour aux sources», dit-il, dans la salle au nom imprononçable dans laquelle il accorde sa première interview en ce vendredi matin. En toute transparence ou presque. En toute simplicité, en tout cas.
Christophe Adrien (45 ans), vous avez dû être surpris par cette drôle de phrase de votre directeur général, à l'occasion de la présentation des résultats annuels, sur une ouverture au Luxembourg, non?
C'était une phrase... (il cherche le bon mot) pas très claire... Ça a été relativement calme en magasin. Je l'ai plutôt découverte sur les réseaux sociaux, ou dans la presse, avant de recevoir des SMS d'amis et de connaissances. C'est d'autant plus malheureux qu'il n'y a pour l'instant pas de projet d'ouverture de magasin pour le marché luxembourgeois!
C'est peut-être que tout le monde connaît les raisons qui ont précédé l'installation du groupe ici à Sterpenich, le moratoire sur les surfaces commerciales. Tout le monde sait aussi combien la clientèle luxembourgeoise est de très loin majoritaire. Et parce que votre société a pris un certain nombre de virages stratégiques depuis le décès de son fondateur, non? Comme les magasins de centre-ville...
Les «city stores» relèvent pour l'instant d'un test, au niveau international, sur des grosses villes. Nous en avons deux à Madrid, un à Londres et un à Paris. On va observer, voir comment ça se passe. L'idée est de s'adapter aux nouvelles manières de consommer, d'offrir d'autres types de magasins que celui qui fait 20.000 mètres carrés.
On pourrait très bien imaginer un magasin au cœur de la capitale et qu'ici, cela reste un centre logistique. Non?
Je ne pense pas. Le magasin tel qu'on le connaît à l'heure actuelle, le magasin d'Arlon, est un endroit où on vient pour être inspiré. On peut voir tout l'assortiment, on peut tester, on peut s'asseoir. Si on s'implante en centre-ville, c'est pour avoir une offre complémentaire. Les magasins tels qu'ils existent ont encore une utilité. Et on le voit dans la fréquentation, où on est stable. On a toujours autant de visiteurs malgré les développements de l'e-commerce... Ça reste un centre d'expérience! On a des animations, des workshops, des dégustations! Ça vit, quoi! C'est une de nos forces.
Qu'est-ce que vous vendez dans vos magasins de centre-ville que vous ne vendez pas ici, alors? Puisque vous parlez d'offre complémentaire.
Déjà, on n'est pas capable de présenter tout l'assortiment. La présentation va être virtuelle, ce ne sera jamais la même chose. Il y a des objets de «marché», de petite taille, disponibles à la vente. Mais l'objectif est le service, l'accompagnement. La relation avec les clients est forcément différente. Une vitrine pour montrer notre identité.
Le vrai projet qui concerne le Luxembourg, c'est «ikea.lu», c'est comme ça qu'on doit comprendre la phrase de votre directeur général?
Ca sera le webshop pour le marché luxembourgeois. On a ouvert la plate-forme pour le marché belge, l'an dernier en février. Et ça rencontre un succès. Depuis quelques mois, on travaille sur la possibilité de l'avoir pour le Luxembourg. On a obtenu les droits et l'autorisation. Par contre, on veut le faire bien. On peaufine le projet, on se prépare correctement.
En février de cette année, on disait déjà que cette plate-forme allait ouvrir avant l'été. On est à la mi-octobre. Vous êtes en retard?
Je n'ai jamais entendu que nous serions prêts avant l'été. Depuis que je suis arrivé, en décembre, le projet est dans les tuyaux. En termes logistiques, c'est différent: le webshop, au niveau belge, ça part d'une centrale, d'un dépôt pour livrer les magasins. Ce qu'on aimerait pour le magasin d'Arlon, c'est que ça parte du magasin d'Arlon. Comme ça, on est sûr de la qualité des produits qui partent, de la manière dont sont préparées les commandes. Ça n'a l'air de rien, mais ça demande une organisation différente de celle qu'on connaît dans les autres magasins.
C'est donc juste une entreprise de logistique qui va livrer les commandes...
Oui, c'est l'entreprise avec laquelle on travaille déjà aujourd'hui, Arid. Préparation et packaging se feront chez nous.
Ça commence quand?
Le lancement est prévu pour début 2019. Nous, on veut le proposer parce qu'il faut vivre avec son temps. C'est une manière de commander. Il y a cinq ans, je n'avais rien commandé sur Amazon, aujourd'hui, c'est quelque chose que je fais assez fréquemment. Ce sont des habitudes d'achat.
Les Luxembourgeois y retrouveront 100 % des produits qui sont en magasin?
Pas tout à fait. De l'ordre de 6.500 produits. En magasin, on en a 10.000. Mais à court terme, d'ici deux ans, on veut pouvoir offrir 100 %.
C'est clairement un nouveau positionnement pour la marque. Un positionnement un peu obligé face aux développements des autres, que ce soient les deux marques propres d'Amazon, les Indiens de Flipkart ou les Allemands d'Otto ou d'Home24, qui font du 100 % virtuel...
Il y a différents types d'offres...
Et en quoi votre offre sera meilleure?
Notre assortiment est unique. Pour acheter du meuble Ikea, on est obligé d'aller chez Ikea. Ca fait vraiment partie du concept pour être accessible au plus grand nombre. On a peut-être démarré un peu tard sur le marché mais on voulait le faire bien. On ne livre pas des chaussures... Oui, ça prend un peu de temps mais l'offre est unique et qualitative. La qualité, c'est important pour vos clients luxembourgeois.
Dans d'autres enseignes, la livraison, c'est toujours une journée ou une matinée... Et vous?
Nous, on est sur des demi-journées mais on a raccourci des créneaux depuis quelques années. On a aussi fait évoluer la tarification à partir de ce que nous disaient nos clients. Avant, on était de 89 à 229 euros. A partir de cette année, on est de 59 à 129 euros. C'est pour ça que ça prend du temps, on doit recalibrer toutes ces choses pour répondre à la demande de nos clients. Les camions partiront d'ici aussi souvent que les volumes l'imposent. On y est déjà habitués. Le marché luxembourgeois est exigeant. Il a un pouvoir d'achat supérieur. L'année dernière, on a lancé le «clic and collect» et qui fonctionne très très bien.
La marque est aussi connue pour sa célèbre clé pour monter les meubles. Pas toujours évidente... Aux Etats-Unis, Ikea a commencé à acheter une société qui s'occupe du montage, le groupe a annoncé d'autres partenariats à venir. Au Luxembourg aussi?
Nous avons aussi des services de ce type. Mais les internaliser n'est pas à l'ordre du jour.
Est-ce qu'on peut parler des résultats de ce magasin. Traditionnellement, les journalistes locaux le savent: pas question de donner des détails par magasin en Belgique...
On peut en parler un peu. Je ne peux pas vous donner de chiffre d'affaires. On a terminé à +2,1 % de chiffre d'affaires, stable en termes de visites, soit 1,128 million de visiteurs et 689.000 clients pour le magasin. La croissance belge est à +1,1 %. On a le magasin avec la plus grosse croissance en Belgique. On fait du bon travail, j'aime à le penser en tout cas. Mais le panier moyen est plus élevé que la moyenne belge. Et on a vendu plus de services que l'année précédente. Ça explique en partie cette hausse.
Les Luxembourgeois représentent toujours 60 % de vos clients?
Oui, ce sont nos clients principaux. Une clientèle exigeante mais respectueuse. Si vous venez le samedi, le magasin n'est pas détruit en fin d'après-midi... 27 % de nos clients sont belges, 10 % français et 3 % d'ailleurs, principalement des Allemands.
En terme de produits, vous avez autre chose que les magasins des autres régions proches d'ici?
Non, mais en termes de prix, nous sommes un peu moins chers que les Français. Les stratégies «prix» sont travaillées en fonction des pays et des concurrents.
Dans les tendances, il y a aussi les «home visites», vous allez chez vos clients...
On en fait chaque année, entre dix et vingt. Pour adapter notre magasin en fonction des besoins et des envies de nos clients. On l'a toujours fait. Sur 13 ans, ça commence à faire des données intéressantes. Ce ne sont pas les seules que nous ayons. Nous avons aussi les devis que nos clients viennent faire en magasin sur des cuisines ou sur des dressings, qui nous donnent des indications sur la taille des pièces, etc. De quoi s'apercevoir qu'on a trois demandes différentes en fonction de leur pays d'origine mais les gens cherchent du confort, vivre à la maison, dans un cocon. Ça doit être cosy. Avec nos trois clientèles mais les mêmes références, nous proposons des ambiances différentes. Dans le magasin, nous en avons 40. Ça reste notre priorité!
Combien de personnes travaillent ici?
365 à l'heure actuelle. J'ai connu certains il y a dix ans ans ici. J'aime les gens ici, la clientèle est une belle clientèle.
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